OLYMPE AUTOUR DU MONDE

AFRIQUE DU SUD 2

Ayant franchi le Cap des Aiguilles, point le plus austral du continent africain, nous sommes désormais de retour en Atlantique, raison pour laquelle vous trouvez ce deuxième compte rendu sur l'Afrique du Sud dans la section Atlantique 2.

La presqu'île du Cap de Bonne Espérance

Le choix du port d'arrivée

Lorsque nous avions quitté Richard's Bay, nous n'avions pas encore décidé quelle serait notre destination finale sur cette presqu'île : Cap Town sur la côte ouest ou Simon's Town sur la côte est ; cela dépendrait des capacités d'accueil et des possibilités de sortir le bateau de l'eau pour effectuer le dernier carénage avant notre retour en France. Mais puisque cette descente vers le Cap devait s'effectuer en plusieurs étapes, nous avions le temps de prendre la décision en fonction des renseignements pris en cours de route.

Seulement voilà, la météo nous a pour une fois joué un bon tour en nous permettant d'effectuer le contournement de l'Afrique en une seule étape ! (voir le carnet de bord correspondant). C'est donc en cours de route que nous avons dû trancher ; Cap Town offrait certainement les meilleures possibilités pour la sortie du bateau et les éventuelles réparations, mais les places dans les marinas ne semblaient pas légion et se situaient loin du centre ville, à part celle du Victoria and Albert Waterfront aux prix tellement dissuasifs que nous constaterons plus tard qu'elle était pratiquement vide ! Quant à Simon's Town, il semblait plus facile d'y trouver de la place à meilleur prix et notre guide nautique indiquait qu'on pouvait y trouver toutes les compétences requises pour les travaux ; un bémol tout de même, compte tenu du poids de notre bateau, seule la grosse grue de l'armée pouvait le sortir de l'eau, obligeant sans doute à démâter ce qui n'enchantait pas le captain.

En fait, notre décision s'est prise en fonction de la météo ; nous avions tenté le diable en poussant d'une seule traite jusqu'à la presqu'île et nous aurions été un peu justes pour arriver jusqu'à Cap Town avant l'arrivée du coup de vent si celui-ci prenait un peu d'avance. Va donc pour Simon's Town située au fond de False Bay, ce qui nous faisait gagner une bonne quarantaine de milles. Et puis il serait toujours temps plus tard, en cas de besoin, de pousser jusqu'à Cap Town.

Premières impressions

C'est le mercredi 11 janvier vers 14h que nous arrivâmes à Simon's Town. La ville doit son nom au gouverneur Simon Van der Stel qui reconnut en cet endroit un bon mouillage hivernal. Nous nous souvenions d'un reportage lors d'un ancien Vendée Globe où un concurrent dont j'ai oublié le nom avait dû abandonner en s'y arrêtant pour réparations suite à une avarie ; nous avions gardé l'image d'une zone industrielle autour de quais en béton pas vraiment attirante. Aussi quelle ne fut pas notre surprise, en arrivant au fond de la baie, d'admirer une jolie bourgade aux teintes pastel lovée entre les rives de la baie et la montagne longeant la côte est de la presqu'île, de Cap Point au sud à Muizenberg au nord. La "zone" de nos souvenirs était en fait le port de la marine nationale situé juste au sud et protégeant de ses murs épais la marina où nous amarrâmes le bateau avec difficulté compte tenu du vent qui s'était levé et du peu de place pour manœuvrer.

Les bonnes surprises allaient en outre se succéder ; arrivés au bâtiment du FBYC (False Bay Yacht Club), nous fûmes d'abord reçus par la secrétaire du Yacht Club qui nous remit un livret nous en expliquant le fonctionnement et donnant tous les renseignements utiles pour les formalités, les approvisionnements, les travaux, les transports, les soins etc… ; elle nous remit nos badges pour les différents accès.

Puis elle nous envoya au premier étage au bureau de la marina pour gérer l'aspect place du bateau et travaux éventuels. On nous attribua une autre place plus accessible puis le responsable nous emmena sur le terre-plein situé à côté où sont sortis les bateaux pour les travaux et les carénages ; le "chantier" est dans un état impeccable, pavé, propre, les bateaux sont alignés dans des espaces tracés à la peinture. Chaque corps de métier dispose d'un ou deux containers aménagés en atelier et magasin : soudeur inox, mécanicien, peintre, plasturgiste. Un shipchandler est même présent sur le site mais la suite nous révèlera qu'il possède tout sauf ce que l'on cherche.

Il me présente Cris, le mécano, à qui j'explique ce que j'attends de lui et qui me promet de passer à bord le jour même. Puis c'est au tour du responsable des carénages qui prend note des dimensions du bateau, du type d'antifouling que je souhaite et qui me certifie que j'aurai le devis le lendemain. Quant à la sortie d'eau du bateau, pas de problème, le chariot peut sortir les 16 tonnes d'Olympe ; seul bémol, la largeur qui est un peu juste, il ne restera que quelques centimètres de chaque côté… J'ai immédiatement le devis informatisé du coût de la sortie, de l'entreposage à sec et de la remise à l'eau. Rendez-vous est même pris pour le lundi suivant où la météo prévoit la chute du vent.

De retour au bateau, je retrouve le mécano venu comme promis voir le travail à faire : changer un joint spi sur la transmission derrière l'accouplement semi-élastique dont le captain soupçonne la difficulté du démontage après vingt années de fonctionnement et de corrosion…Nous obtiendrons son devis dès le lendemain.

Voilà donc une heure que nous étions arrivés et presque tout était résolu et organisé ! Restait à trouver un représentant B&G pour la pièce de fixation de la girouette-anémomètre en haut du mât et un voilier pour la réparation de la grand-voile ce qui sera fait les jours suivants avec l'aide de Cris, le mécanicien. Nous ne nous attendions pas à une telle organisation ni à une telle efficacité.

Notre séjour commençait donc sous les meilleurs hospices; mais on sentait bien que nous étions arrivés dans une latitude sud de par la fraîcheur de l'eau, le cri des oiseaux de mer qui s'en donnaient à cœur joie comme en Bretagne et les phoques venant tourner autour des bateaux dans la marina. Quant au vent, il continuait à monter et nous allions bientôt nous rendre compte que la situation météo que nous avions connue pour parvenir jusqu'ici était tout à fait exceptionnelle et que la norme au fond de cette baie était la plupart du temps du vent de 30 à 45 nœuds établis, rafales de 50 à 60.

En fin d'après-midi, en nous rendant au yacht club pour nous connecter à internet, nous passâmes à côté d'un voilier atypique en aluminium qui semblait avoir été conçu pour des conditions de mer assez rudes ; il nous fit penser à un char d'assaut de la mer ! Puis, concentrés sur la lecture de nos messages, nous entendîmes parler français près de nous. Le réflexe naturel est alors de se présenter et c'est ainsi que nous fîmes la connaissance de Jeannine, alias Jane, et de Jean-Pierre qui se trouvaient être les propriétaires du fameux bateau en aluminium du nom d'Isatis ; mais nous aurons l'occasion d'y revenir.

Nos premiers pas à Cap Town

Cap Town est la plus ancienne zone de peuplement européen du pays, base de ravitaillement des premiers navires en route pour les Indes ; la ville comme sa presqu'île est isolée du reste du pays par une zone de montagne située au nord, atteignant les 2000 mètres d'altitude.

On y retrouve le mode de vie occidental avec les meilleurs hôtels et magasins du continent africain ; on n'y est donc pas dépaysé mais la réalité ne tarde pas à sauter aux yeux à quelques encablures de la ville avec le tiers-monde et ses townships (bidons-villes) qui représentent certainement davantage la réalité sud-africaine encore aujourd'hui.

Le lendemain de notre arrivée, il nous fallut aller effectuer les formalités auprès du service de l'immigration situé à Cap Town ; la capitale législative de l'Afrique du Sud est située à environ 40 km de Simon's Town sur la côte ouest de la péninsule. On peut s'y rendre par un train de banlieue qui met 1h10 depuis la gare située à 20 minutes à pieds de la marina. C'était une nouvelle bonne surprise de pouvoir nous y rendre ainsi, qui plus est pour un prix dérisoire, d'autant plus que la guichetière nous demanda si par hasard nous n'avions pas plus de 60 ans car alors nous avions droit à un rabais de 40%. Va pour le rabais, mais nous étions un peu vexés d'avoir ainsi été "démasqués" !


Le parcours en train sur la première partie du trajet est intéressant ; la voie de chemin de fer longe la baie, entre la route côtière et les nombreuses plages de sable blanc, puis rase les rochers où sont aménagées des piscines naturelles d'eau de mer, au point de recevoir les embruns provoqués par un vent à décorner des bœufs ! Nous découvrions que cette baie est un vrai piège à vent, celui-ci s'engouffrant comme dans un entonnoir pour sans doute être accéléré par le relief qui l'entoure ; on nous expliquera plus tard qu'il existe une différence de température de l'eau de mer entre les deux côtes de la péninsule pouvant aller jusqu'à 8 degrés, engendrant des phénomènes atmosphériques assez imprévisibles.

Nous passerons ainsi par Glencairn, Fish Hoek, Kalkbay, charmants villages de pêcheurs, St James et ses cabines de plage multicolores et Muizenberg, dernière station avant que le train ne pénètre à l'intérieur de la péninsule en direction de Cap Town située sur la côte ouest.

La gare est située tout près du centre ville et la première chose que l'on remarque en sortant est bien sûr Table Mountain qui domine la ville de ses 1000 mètres d'altitude avec sa forme plate. Grâce aux indications données dans le livret du yacht club, nous n'eûmes aucune difficulté à trouver l'immeuble de l'immigration situé à 20 minutes à pied.

Une fois les formalités accomplies, même si nous n'étions pas venus ce jour là pour faire du tourisme, nous ne pûmes nous empêcher d'aller déambuler dans le centre afin d'en repérer les principaux quartiers pour une visite ultérieure ; nous y déjeunâmes avant de reprendre le train pour rentrer au bateau. Malgré cet aperçu rapide, nous avions aimé l'atmosphère de la ville, verte et aérée, le tout agrémenté d'un soleil éclatant.

Nous y reviendrons le dimanche pour y passer la journée ; à la sortie de la gare, nous nous dirigerons vers la place de Grand Parade, marché en plein air qui a remplacé les manœuvres militaires d'autrefois. En face, dominé par la stature de Table Mountain, se dresse City Hall et sa façade victorienne et, à proximité, le Castle of Good Hope, fort militaire ne laissant apparaître que ses épais murs d'enceinte de 10 mètres d'épaisseur. Datant de 1667, il est sans doute la plus ancienne construction européenne du pays.


Nous reviendrons sur nos pas pour descendre Adderley Street vers le sud-ouest, passer devant Groote Kerk, la plus ancienne église d'Afrique du Sud, et arriver à St George's Cathedral, ancien siège épiscopal du prix Nobel de la paix Desmond Tutu.

Derrière se situent les Company's Gardens créés par la Compagnie hollandaise des Indes orientales qui avait été chargée d'organiser un comptoir de ravitaillement pour les navires en route pour l'Asie. Ce fut donc à l'origine un immense jardin potager aujourd'hui reconverti en fort joli jardin botanique au sein duquel se trouve la bibliothèque de la ville.

Longeant ce jardin, l'allée ombragée du Gouvernement bordée d'hortensias et investie par les écureuils mène au South Africain Museum consacré à l'histoire culturelle et naturelle du pays. A gauche en remontant l'allée se trouve tout d'abord l'immense Houses of Parliament à l'architecture victorienne, faite de pierres blanches et de briques rouges.

Plus loin, c'est au tour de Tuynhuys, le bâtiment abritant les bureaux de la Présidence de la République, de dévoiler sa façade Colonial Regency au fond d'un jardin à la française. En le regardant, nous n'avons pu nous empêcher de nous rappeler celui de Papeete, plus vaste et plus "luxueux" pour ne pas dire "tape à l'œil" que celui d'un pays de 40 million d'habitants !

Un peu plus loin se trouve le South African National Gallery qui privilégie désormais l'art indigène. Tout au bout de l'allée du Gouvernement, de l'autre côté de la rue Orange, se trouve le plus ancien, plus luxueux et plus célèbre hôtel de la ville, le Mount Nelson.


Nous reviendrons sur nos pas en nous arrêtant déjeuner dans le parc botanique à l'ombre des arbres ; il faisait en effet une forte chaleur accentuée par l'absence totale de vent. Puis nous prendrons la rue Church pour atteindre le quartier Bo-Kaap (Haut du Cap), aussi appelé le Malay Quarter, au nord-ouest de la ville ; il est constitué de maisons des 18ème et 19ème siècles qui servaient autrefois d'écuries, de casernes et de quartiers des esclaves malais qui avait été déportés par les hollandais. Leurs descendants y vivent toujours dans un ensemble architectural rénové aux couleurs pastel assez surprenant.


Nous retournerons ensuite dans la vieille ville en traversant Long Street avec ses vieilles boutiques et quelques façades aux couleurs surprenantes pour arriver au cœur de la ville, le Greenmarket Square, place pavée où sont regroupés la plupart des vendeurs de souvenirs et d'artisanat de la ville. L'ambiance pourrait, à un moindre degré toutefois, rappeler la place du Tertre à Paris, les artistes en moins. A l'un des angles de la place se situe Old Town House datant de 1761 et abritant une collection d'art hollandais et flamand.

Nous nous désaltérerons à une terrasse de café sur la place avant de rejoindre le St Georges Mall, une rue piétonne animée en semaine comme nous avions pu le constater le jeudi précédent, mais morte le dimanche après-midi. L'heure avançant, nous regagnâmes la gare pour prendre notre train de retour, surpris de constater l'état de la mer dans False Bay de l'autre côté de la péninsule, blanche d'écume ; le vent soufflait encore entre 35 et 40 nœuds et nous devions sortir le bateau de l'eau le lendemain matin…

Nous n'avions pas encore tout vu de la ville ni de sa montagne ; nous y reviendrons donc une troisième fois dans le cadre de notre visite de la péninsule en voiture.

Les travaux

Le lendemain matin, lundi, conformément aux prévisions météo, le vent est complètement tombé ce qui est rare ici ; à 6h du matin, nous en profitons pour descendre la grand-voile et la plier dans son sac afin de la remettre au représentant de North Sails qui doit passer la prendre en début de semaine.

Puis, à 8h, nous larguons les amarres pour gagner le slipway du chantier et viser le chariot qui devait soulever et tirer Olympe au sec. Dieu qu'il était étroit ce chariot ! Heureusement qu'il n'y avait pas de vent mais, malgré l'aide attentive des collaborateurs du chantier, les deux listons seront endommagés par des pièces métalliques contendantes du chariot. Quelques minutes plus tard, le bateau était mis à sa place avec une grande dextérité, l'électricité branchée pour nous permettre de vivre à bord pendant les travaux estimés à une petite semaine.

Quelques instants après, Cris, le mécano, arrivait pour commencer son travail, tandis que des ouvriers noirs (ici, comme à Richard's Bay, les patrons sont blancs et les ouvriers noirs…) passaient le Karcher et commençaient à gratter la coque, peu sale, mais surtout l'hélice couverte une nouvelle fois de coquillages depuis Bali où elle avait été nettoyée ; c'est fou comme les coquillages aiment l'hélice de ce bateau.

Nous passerons sur les difficultés pressenties pour démonter l'accouplement qui nous valut quelques échanges téléphoniques avec le chantier Amel ; il aura fallu trois jours pour y arriver, après avoir désaccouplé le moteur pour le reculer de 20 cm, tout ça pour changer un joint qui vaut moins de trois euros !

Pendant son travail, Cris découvrira un tuyau d'huile haute pression fuyard qu'il fera confectionné à Cap Town.

Nous profiterons également de son aide et de la mise au sec du bateau pour changer la bague d'usure et les trois joints spi de l'arbre d'hélice qui se changent toutes les 800 heures de fonctionnement. Pour ce faire, il est nécessaire de démonter l'hélice Maxprop nécessitant deux paires de mains pour que l'hélice ne tombe pas par terre en morceaux.

Le captain changera le tuyau d'alimentation d'eau de mer du moteur et démontera complètement le filtre d'eau de mer pour le nettoyer et supprimer les suintements d'eau provoqués par les algues et les coquillages se développant au niveau des colliers de serrage. Il remettra également en place le chauffe-eau dans la cale moteur ; il avait glissé de ses supports lors des derniers coups de tabac rencontrés depuis La Réunion et était venu en butée sur une des deux évacuations verticales du cockpit. L'ancre qui commençait à rouiller fut donnée à galvaniser à chaud à un plaisancier sud-africain qui possède une entreprise de métallisation.

Quant au carénage, cela n'avance pas si vite qu'à Saint-Martin mais c'est réalisé beaucoup plus sérieusement : après le nettoyage, ponçage digne de ce nom, passage d'un enduit sur des parties de vieilles peintures écaillées, reponçage et application des couches d'antifouling érodable Micron 77 de la marque International. Après le changement des diverses anodes, le bateau est prêt à être remis à l'eau le mercredi de la semaine suivante.

Pendant les travaux, le responsable du chantier viendra nous voir pour nous indiquer que le plasturgiste réparerait gratuitement nos listons avant notre départ ; parallèlement, nous vîmes que des travaux étaient en cours sur le chariot pour éliminer les pièces métalliques à l'origine des dégâts et déplacer les bittes d'amarrage. Nous n'avions jamais vu une telle réactivité et une telle anticipation de la part d'un chantier ; chapeau !

Entre temps, la grand-voile a été emmenée par North Sails pour réparation et le représentant de B&G contacté pour régler enfin définitivement le problème de la girouette et de l'anémomètre ; mais pour monter au mât, il ne faut pas que le bateau soit sur ses bers mais dans l'eau et qu'il n'y ait pas 30 à 40 nœuds de vent comme la plupart du temps ici. Ce n'est que le matin de notre départ pour le Brésil, un dimanche, que le technicien viendra installer et câbler le matériel en haut du mât où il restera deux heures et demie ! Et quand nous lui fîmes remarquer que son devis, verbal, n'avait prévu qu'une heure de travail en semaine, il nous répondit en français "c'est la vie". Du coup il hérita de nos derniers billets sud-africains !

Chers navigateurs au long cours, si le vent ne vous rebute pas, nous ne pouvons que vous recommander de faire escale ici, à Simon's Town !

Le jour de la remise à l'eau… il y avait du vent ; la manœuvre fut cependant plus aisée que celle de la sortie mais, pour nous ré-amarrer à notre place, nous avons bénéficié de l'aide fort utile de Jane, d'Olivier, un bateau français situé près de notre place, et de Robert, un hollandais après avoir pu nous dégager péniblement des bateaux sur lesquels le vent nous avait poussé.

La vie à Simon's Town

Pendant les travaux du bateau, le captain était un peu "scotché" pour surveiller tout ce petit monde et bricoler lui-même ; nous avons donc peu bougé.

Le lundi soir de la sortie du bateau de l'eau, nous fûmes invités à bord d'Isatis par Jane et Jean-Pierre. Belges d'origine (nobody is perfect !), ils sont aujourd'hui naturalisés français, ce qui était pour eux le seul moyen d'obtenir un titre de séjour définitif en Nouvelle Calédonie où ils avaient travaillé une quinzaine d'années, Jean-Pierre comme ingénieur à la SLN Le Nickel, Jane comme skipper de charter pour emmener les touristes voir les baleines.

Après avoir navigué longtemps autour de la planète avec leurs enfants, ils sont aujourd'hui à la retraite ; ce sont de vrais bourlingueurs des mers du grand sud : les canaux de Patagonie rejoints depuis la Nouvelle-Zélande s'il vous plait, deux traversées en Antarctique, une visite de la Géorgie du Sud avant de prochaines aventures vers les Kerguelen ou le passage du Nord-Ouest. Ils sont attirés par ces paysages vierges et leur lumière. Nous avons compris qu'ils avaient aussi fait beaucoup de parachutisme. Mais pour eux cela semble tout naturel et ils ne mettent jamais en avant leurs expériences ; ils ont la modestie des vrais aventuriers.

Le courant est tout de suite passé entre nous et la soirée fut réellement excellente. Seul problème pour Maryse, ils n'ont eu aucun mal à convaincre le captain de l'intérêt de ces destinations extrêmes ! Pour enfoncer le clou, ils nous prêtèrent deux ouvrages l'un sur l'aventure de Shackelton avec toutes les photos de l'expédition que nous avions déjà vues en Nouvelle-Zélande, mais surtout un très beau livre sur la Géorgie du Sud qui depuis fait fantasmer le captain…

On comprend mieux dès lors l'architecture de leur bateau, tout en aluminium, dériveur intégral avec une forme de coque permettant de se faire prendre dans les glaces sans dommages. D'ailleurs, lors de leurs deux expéditions en Antarctique, ils avaient emmené pour un an de vivre au cas où… On comprend mieux aussi l'inventaire des équipements embarqués, dont un fusil de chasse et des paires de skis.

Malheureusement pour eux, Jean-Pierre est actuellement en convalescence suite à une rupture d'un tendon d'Achille survenue…en jouant au tennis ! Ils sont donc encore bloqués quelques mois avant de pouvoir reprendre la mer.

Le dimanche suivant nous partîmes à la découverte de la ville et de sa principale curiosité, une colonie de manchots du Cap installée au sud à vingt minutes à pied seulement de la marina. En nous y rendant, nous fûmes surpris par le grand nombre de cyclistes du dimanche qui, comme chez nous dans certaines régions, se retrouvent en groupe pour "bouffer" des kilomètres. Nous ne savions pas que l'Afrique du Sud était aussi une fervente de la petite reine.

Arrivés au site des manchots, il fallait payer l'entrée pour aller admirer ces adorables petites bêtes au lieu dit Boulders Beach ; il s'agit d'une succession de plages entourées par des rochers de granite lisses et mystérieux. Le paysage avec vue sur la baie ne manque pas de charme malgré le temps maussade, ce qui a été rare durant notre séjour.

Il s'agit d'une des trois colonies de manchots existantes sur le continent, celle-ci s'étant développée depuis 1985 et comportant plusieurs milliers d'individus.

On commence à apercevoir quelques manchots isolés ou en petits groupes sur des rochers, puis en grand nombre sur la plage où certains d'entre eux couvent leurs petits dans des trous creusés dans le sable. Leur allure est toujours réjouissante quand on les voit se dandiner ; plus loin, une plage privée payante, rappelant un peu celle de Ploumanach est partagée par les baigneurs et les manchots décidément peu craintifs.


Le centre ville de Simon's Town est essentiellement constitué de la rue principale qui suit la côte et change de nom au gré des quartiers ; elle est bordée de quelques hôtels modestes et de boutiques dans un style architectural mélangeant le colonial et le flamand, dans des couleurs aux tons pastel. Par contre, il ne faut pas compter faire le ravitaillement du bateau ici : seules quelques petites épiceries sans beaucoup de choix peuvent servir de dépannage. Pour des achats importants, il faut aller à Fish Hoek ou à Noordhoek dans les supermarchés Pick and Pay.

Près de la marina a été construit un petit Waterfront avec des boutiques d'artisanat d'art et des restaurants ; sur la place ombragée située derrière, des étals de vendeurs de souvenirs sont tenus par des noirs dont la plupart viennent de pays de centre Afrique et du Togo, comme d'ailleurs de nombreux ouvriers du chantier et serveurs de restaurants ; certains parlent français. Ils ont quitté leur pays pour venir trouver du travail et nourrir leur famille. Aucun de ceux avec lesquels nous avons discuté ne regrette leur choix, même si c'est encore difficile pour eux.

Sur les hauteurs, sur les premiers versants de la montagne, de jolies demeures surplombent la ville face à la baie. Nous sommes manifestement dans une grande banlieue résidentielle de Cap Town. L'atmosphère y est agréable et le temps semble s'y écouler au ralenti. Nous avons aimé.



Quant à la marina, elle est protégée du clapot de la baie par un long boudin flottant sur lequel viennent se poser les oiseaux de mer ; mais ces derniers n'ont pas encore imité les hommes de ce pays : en fonction de l'heure de la journée, nous n'y verrons que des mouettes blanches ou des cormorans noirs. La ségrégation par la couleur existe donc aussi chez les animaux !

Le mardi 24, nous apprenons une grande nouvelle, la naissance de Maxence, le deuxième fils d'Eric et Laure, notre cinquième petit-fils. Il était manifestement pressé d'arriver avec ses six semaines d'avance, mais maman et bébé se portent bien, c'est l'essentiel.

La presqu'île du Cap

Le Cap de Bonne Espérance

Nous avons loué une voiture quelques jours pour visiter les environs et refaire le plein de la cambuse en vue de la traversée vers le Brésil.

Notre première visite fut consacrée au sud de la péninsule, dans la Cape and Good Hope Nature Reserve avec l'objectif affiché de voir ce fameux Cap de Bonne Espérance que nous avions vu de loin en mer en entrant dans False Bay.

Nous nous y rendîmes le 27 janvier sous un soleil éclatant. Prenant la route côtière vers le sud, nous arrivâmes à Miller's Point, un cap situé avant la mi-chemin, pour y voir la naissance d'un nuage le long de son sommet ; on aurait dit que la montagne fumait en s'évaporant. Ce phénomène très localisé était assez surprenant dans un ciel partout immaculé.


Arrivés à la réserve naturelle, nous acquitterons le droit d'entrée et nous arrêterons un peu plus loin dans le centre d'information touristique où, il faut bien le dire, il n'y avait pas grand-chose si ce n'est quelques oiseaux locaux naturalisés, assez jolis d'ailleurs (il y en aurait 250 espèces) et quelques explications historiques sur les découvreurs du cap parmi lesquels le portugais Bartholomée Dias aurait été le premier en 1488. Mais ce qui nous a le plus surpris, c'est cette impression de déjà vu : on aurait pu se croire en Bretagne avec ses falaises, ses belles plages de sable, quelques pins maritimes ; seule la végétation rase était d'une autre nature mais on pouvait s'y méprendre. On recense ici 1080 espèces de plantes sur les 7750 hectares de la péninsule, dont 14 endémiques.

Puis nous poursuivrons la route vers le cap, en étant ralentis par une colonie de babouins qui se promenait tranquillement sur la chaussée. On nous conseilla de verrouiller les portes de la voiture, ces animaux, souvent agressifs, n'hésitant pas à les ouvrir pour venir quémander de la nourriture.

Nous laisserons sur la droite l'embranchement menant au Cap de Bonne Espérance pour continuer vers Cap Point. A l'extrémité de la péninsule, situés à moins de trois kilomètres l'un de l'autre, il y a en fait deux caps : Cap Point, le plus à l'est, haut promontoire rocheux sur lequel sont érigés le premier phare historique à son sommet, aujourd'hui hors service, et le phare actuel en contrebas, et le Cap de Bonne Espérance proprement dit, situé le plus à l'ouest, constitué de trois avancées rocheuses basses et assez décevantes. Mais c'est le point le plus sud de la péninsule.

Le long de la côte, une succession de plages d'un blanc immaculé et de rochers entourés d'algues gigantesques complètent le paysage. C'est beau mais on va vous faire une confidence : le Cap Fréhel, le cap d'Erquy et la côte de Penthièvre n'ont rien à envier à ce site ! En tant qu'un des trois grands caps de la planète, nous étions tout de même émus d'être ici, impressionnés par sa redoutable réputation.

Mais aujourd'hui il fait beau et l'océan n'est pas méchant. Le captain repère le passage que nous emprunterons avec Olympe en quittant False Bay ; on peut passer assez près si la mer est calme, en arrondissant toutefois des prolongements rocheux ; sinon, il faut s'éloigner car la mer doit être très dure quand il y a du vent et, surtout, il y a un plateau rocheux sur laquelle la mer déferle à environ un mille et demi qu'il faudra laisser sur tribord.

Ayant laissé la voiture au parking, nous entamerons la montée du promontoire en direction de l'ancien phare. Les moins courageux empruntent un funiculaire dont la présence ici choque un peu, même s'il ne se voit pratiquement pas tant il est bien protégé par la végétation. Du sommet, la vue est évidemment magnifique et, comme l'écrit notre guide, on imagine très bien à l'est l'Australie, à l'ouest l'Amérique du Sud et au sud le continent antarctique. En regardant en direction du Cap de Bonne Espérance, nous aperçûmes une autruche et quelques émeus en liberté dans la lande.

Puis, rebroussant chemin avec la voiture, nous gagnerons le cap de Bonne Espérance qui lui n'a alors rien d'extraordinaire sinon son nom légendaire ! De là nous apercevrons une magnifique plage située plus à l'ouest que nous essaierons d'atteindre sur le chemin du retour.

Reprenant la route, nous tournerons sur la gauche pour y voir tout d'abord un monument érigé à la mémoire du navigateur Bartholomée Dias ; un monument similaire a également été érigé sur la côte de False Bay en mémoire de Vasco de Gama. Continuant la petite route vers la côte ouest, nous atteignîmes enfin cette très jolie plage de sable d'une blancheur éclatante que nous apercevions des deux caps. Maryse en a bien sûr profité pour compléter sa collection et nous sommes allés tâter la température de l'eau : nous l'avons trouvée aussi fraîche qu'en Manche !

De retour à la marina de Simon's Town, il y avait 30 nœuds de vent ! Nous avons pu apercevoir les fumées d'un énorme incendie derrière les sommets longeant les trois villages de pêcheurs sur la route de Cap Town ; un balai d'hélicoptères transportant des bâches d'eau tentait de circonscrire le sinistre qui, à notre grande surprise compte tenu du vent soutenu, a été maîtrisé en fin de soirée. Avec Maryse, nous nous disions que décidément nous semions la désolation partout où nous passions : le terrible tremblement de terre au Chili, le cyclone OLI et une alerte au tsunami à Tahiti, le tremblement de terre à Christchurch en Nouvelle-Zélande dix jours après notre passage, les conséquences du tsunami du japon ressenties à Gulf Harbour, toujours en Nouvelle-Zélande, l'éruption du volcan de Tana au Vanuatu nous ayant empêché d'y faire escale, l'incendie dévastateur des sommets de la Réunion, l'incendie de notre voisin de ponton à Richard's Bay… Promis, on vous avertira de tous nos prochains déplacements !

Le soir, nous invitâmes Jacqueline et Robert à prendre un apéritif à bord ; comme leurs prénoms ne l'indiquent pas, ils sont hollandais et ont leur bateau à proximité d'Olympe. Ce sont eux qui nous ont aidés à deux reprises à nous amarrer au ponton. Ils sont aussi sur la route du retour en passant par Sainte-Hélène et le Brésil mais, attendant des amis qui traverseront avec eux, nous partirons sans doute bien avant eux.

La côte ouest et Table Mountain


Le lendemain, nous partîmes pour Cap Town par la côte ouest de la péninsule ; de Simon's Town on rejoint rapidement par l'express way la petite ville de Noordhoek située sur l'autre côte. Outre qu'elle possède le plus grand supermarché Pick and Pay du secteur, elle est surtout connue pour sa grande plage de 7 kilomètres de long, complètement déserte et bordée de dunes couvertes d'oyats. Le vent était encore en forme et atomisait la crête des vagues en nuées d'embruns. Nous fûmes surpris de lire sur des pancartes, dans toutes les langues, des mises en garde contre des risques d'agression si l'on s'éloignait de plus de 500 mètres du parking. Là aussi, nous ne pûmes résister à aller tâter l'eau, encore plus froide qu'au Cap…

De là, nous rejoignîmes la Chapman's Peak drive, route à péage longtemps fermée pour cause de chutes de pierres et ré-ouverte à la circulation depuis quelques années. Construite à flanc de montagne avec ses interminables virages, elle offre des points de vue réellement magnifiques sur Hout Bay et son village de pêcheurs situé en arrière plan. Heureusement que quelques aires de stationnement sont aménagés pour permettre aux conducteurs de jouir du spectacle.




En milieu de matinée, nous atteindrons donc le village de Hout Bay avec son petit port de langoustiers, ses ventes de poissons frais sur les quais et quelques places pour les bateaux de croisière. Nous y déambulerons une heure, le long de la plage, des quais et des boutiques de souvenirs et d'artisanat. De nombreux phoques nagent dans une eau limpide près du port, certains étant pratiquement apprivoisés pour venir manger dans la main des passants.

Cette baie ouverte vers le sud-ouest est ceinte d'une chaîne montagneuse qui semble bien la protéger, mais nous aurons confirmation plus tard par des navigateurs qui y avaient fait escale que des vents catabatiques de 60 nœuds sont ici monnaie courante. En tout cas, en ce jour, nous étions parfaitement abrités du fort vent de sud-est.


Reprenant en direction du nord, nous rattraperons la route côtière en direction de Cap Town, passant le long des Twelve Apostles, contreforts ouest de Table Montain et traversant quelques stations huppées de la banlieue sud de la ville. C'est alors que nous verrons apparaître les panneaux indiquant la direction du téléphérique de Table Mountain ; il faisait un temps superbe et le sommet était complètement dégagé, il fallait donc profiter de l'occasion.

Après une montée assez longue, nous arrivâmes à la gare du téléphérique, ou plutôt 800 mètres en dessous tant il y avait de voitures garées le long de la route. Mais l'heure d'affluence devait être passée car nous n'avons pratiquement pas fait la queue au guichet et avons pu monter dans la première cabine en partance.

Nous avions déjà, de la station de départ, une très belle vue sur la ville ; mais il faut reconnaître que du sommet, à 1087 m d'altitude, le panorama est exceptionnel. Ce n'est pas aussi beau que ce qui nous attend dans la baie de Rio, mais tout de même ! Ces quelques photos donnent un aperçu du spectacle où, côté mer, la vue s'étend du sud-ouest au nord-ouest des Twelve Apostles, puis sur la petite plage de Clifton, la colline en forme de pointe Lion's Head, la ville avec son stade, le port et ses marinas, l'île Robben, l'Alcatraz sud-africain où Nelson Mandela fut enfermé près de vingt ans et Table Bay avec son immense plage Bloubergstrand.

Autre surprise, il fait extrêmement chaud malgré l'altitude et il n'y a pas un souffle d'air ! C'est vraiment à n'y rien comprendre dans cette région.



De nombreux sentiers parcourent le sommet plat de la montagne où une flore basse très particulière est préservée ; on y recense 1460 espèces différentes dont la King Protea, la fleur nationale d'Afrique du Sud. Nous nous promènerons dans la plupart des sentiers sans se lasser des panoramas exceptionnels.



Mais nous arrivions à une heure où nos estomacs commençaient à se rappeler à notre bon souvenir ; plutôt que de déjeuner sur place dans un snack à touristes, nous redescendîmes par le téléphérique pour gagner en voiture le Victoria et Albert Waterfront que nous n'avions pas encore visité. C'est la plus ancienne partie du port qui s'était complètement délabrée depuis plus de 50 ans. Ce quartier a été entièrement restauré dans les années 80 pour devenir un pôle d'attraction de la ville avec ses boutiques, ses marchés artisanaux, un musée, des hôtels haut de gamme, des pubs et restaurants de toute classe autour des différents bassins. Nous n'avions que l'embarras du choix pour déjeuner.

En outre, l'ambiance de ce Waterfront est animée ; de nombreux citadins viennent s'y promener en famille ou faire leurs courses, des orchestres se relaient pour apporter une touche musicale entraînante ; lors de notre passage, un groupe de jazz y avait beaucoup de succès et nous sommes restés un moment à l'écouter.

Nous y avons également aperçu une réplique de la célèbre sculpture du suédois Fredrik Reuterswärd, un revolver au canon noué, créée en hommage à John Lennon après son assassinat. Une autre réplique se trouve au mémorial de Caen.

Mais l'heure avançait et malgré tout le plaisir que nous avions à déambuler dans cette ville pour la troisième fois, il était temps de rentrer à Simon's Town retrouver nos 30 nœuds de vent habituels !

La route des vins

L'Afrique du Sud est réputée pour ses vins de qualité et il se trouve que les meilleurs vignobles se situent au nord de la presqu'île du Cap dans la région dénommée Western Cape. Celle-ci peut être décomposée en trois parties, la West Coast, le massif du Cederberg et les Winelands. Ce sont ces derniers qui nous intéressaient de découvrir. Mais nous nous rendîmes rapidement compte que nous étions bien optimistes de vouloir les parcourir en une seule journée, des centaines de domaines y ayant élu domicile !

Nous quittâmes Simon's Town de bonne heure le lendemain dimanche pour nous rendre dans les deux villes les plus typiques de la région : Stellenbosch et Franschhoek (le coin français). Nous longerons toute la False Bay jusqu'au nord, longeant après Muizenberg une immense plage d'une vingtaine de kilomètres ; la route est tracée dans les dunes de sable souvent balayées par le vent. A l'extrémité est de la plage, avant d'obliquer au nord à l'intérieur des terres, ce fut le choc : un immense bidonville, ici dénommé township, à perte de vue devant abriter plusieurs dizaines de milliers de personnes sous des abris précaires de tôles et de bois. On nous dira plus tard qu'il ne vaut mieux pas s'y aventurer, sous peine de risques majeurs. Mais qui aurait envie de rentrer dans de tels ghettos ? C'est l'autre aspect de la réalité sud-africaine et les conséquences encore trop visibles de l'apartheid. Quel pourcentage de la population vit dans ces conditions misérables, nous n'avons pas la réponse, mais il n'est sans doute pas négligeable et le chemin est encore long à parcourir pour arriver à éradiquer de telles conditions de vie.

Nous arriverons dans la commune de Stellenbosch au bout d'une bonne heure et demie de route ; elle fut fondée en 1679 par le même gouverneur hollandais Simon Van der Stel. C'est la plus ancienne ville du pays après Cap Town, réputée pour son université afrikaner. Autant vous dire de suite que l'on ne se sent pas dans l'Afrique profonde ! La plupart des demeures sont dans le style Cape Dutch, fortement inspiré de l'architecture hollandaise, avec la plupart du temps des toits en chaume et ça respire la santé et l'opulence. C'est propre, coquet, fleuri, rupin, aéré et vert, tout pour s'y sentir bien.

Nous garerons la voiture en face de l'hôtel de ville et partirons à pied à la recherche du centre d'information touristique. Il nous faudra plusieurs fois nous renseigner auprès des autochtones pour le trouver et repartir avec un plan de la ville et de la région avec l'implantation de plus d'une centaine de domaines viticoles… Si nous voulions les tester tous, nous n'avions pas assez de la journée et le retour au volant aurait pu être problématique ! Mais nous étions dimanche et tous ne sont pas ouverts le jour dominical. Si l'on veut vraiment tester et choisir des vins, il faut établir un vrai plan de bataille, se documenter sur les meilleurs crus et passer plusieurs jours à visiter les caves correspondantes. S'arrêter au petit bonheur la chance pour acheter n'importe quoi sous prétexte que l'on n'a pas le temps n'avait pas de sens et nous décidâmes sagement de nous contenter de visiter cette charmante cité où il semble faire si bon vivre. Pour ce qui est de ramener quelques bouteilles, nous irons chez un négociant en vins (il y en a un à Simon's Town) qui saura nous conseiller.


Nous passerons donc par l'ancien pré commun, Die Braak, qui devait être autrefois le centre de la ville et le lieu des manifestations publiques. On y verra une jolie chapelle et la perspective étonnante d'une ruelle donnant sur la place, bordée de maisons blanches avec, en guise de décoration, du linge de couleur vive suspendu au dessus de la chaussée comme des guirlandes.

Nous parcourrons les rues principales, Plein Van Riebeeck, Die Laan, Dorp Avenue ainsi que le centre où se trouvent les boutiques, les bars et les restaurants. Nous tomberons en admiration devant l'université de théologie dans son écrin de verdure bordé de massifs d'agapanthes.

Au bout de l'avenue Dorp, nous pourrons trouver Oom Samie se Winkel (le magasin de l'oncle Samie), une boutique de vente de vins à l'ancienne très typique.

Nous déjeunerons sur la terrasse d'une brasserie avant de reprendre la route en direction de Franschhoek distante d'une trentaine de kilomètres. Cette dernière a été fondée par les huguenots qui avaient fui la France après la révocation de l'édit de Nantes en 1685 ; ils sont à l'origine de la culture de la vigne et du savoir faire de la vinification. Ce n'est sans doute pas pour rien non plus que les huit restaurants de la ville sont classés parmi les 100 meilleurs du pays.


La ville est située dans une vallée, assurant un joli panorama sur les montagnes environnantes. Mais il faut bien reconnaître qu'elle n'a pas le charme de sa concurrente ; les commerces, le temple et les restaurants sont regroupés le long de la route d'accès qui sert de rue principale. Les quartiers résidentiels, dans les rues adjacentes au nom souvent français, ne manquent cependant pas de cachets, noyés dans la verdure. Les demeures sont aussi belles que celles de Stellenbosch.

Il faisait si chaud que nous avions l'impression de marcher sur les genoux et, après s'être désaltérés, nous reprîmes la voiture pour rentrer à Simon's Town. Nous n'imaginions pas que nous allions faire la queue tout le long de cette immense plage que nous avions longée le matin en solitaires, tant il y avait de monde venu passer l'après-midi du dimanche en famille au bord de l'eau.

Arrivés à la marina, en passant sur le ponton, nous tombâmes sur Jane et Jean-Pierre en pleine discussion avec José, un français à la retraite échoué au sens propre ici avec son bateau qui est en réparation depuis un an dans l'arsenal militaire. Nous allions faire la connaissance d'un phénomène, parti semble-t-il sans grande expérience de la mer, faire le tour du monde en solitaire par les trois caps ! Et à l'entendre parler toute la soirée, car nous fûmes invités à déjeuner avec eux à bord d'Isatis, il vaudrait sans doute mieux qu'il arrête là son expérience s'il veut retrouver vivant l'anglaise qu'il a épousée en coup de vent lors d'un aller-retour en France avant de repartir vers son aventure ! Pour la petite histoire, il ne parle pas un mot d'anglais et s'en vante. On suppose que son anglaise parle français…La soirée fut assez reposante sur le plan de la conversation, car pendant trois heures on n'a entendu que lui, faisant les questions et les réponses et racontant sa vie. Mis à part ça, il est tout de même fort sympathique et inspirerait même de la compassion.

Les derniers jours africains

Ils seront consacrés à préparer la longue traversée vers le Brésil : avitaillement, préparation et congélation des plats cuisinés, lessives, pleins d'eau et de gasoil, vidange du moteur et vérification des différents niveaux.

Parmi les achats d'avitaillement, nous ferons une provision de Biltong ; il s'agit de viande séchée, généralement du bœuf, découpée en lamelles et assaisonnée. Nous l'avions découvert à Richard's Bay et avions particulièrement goûté cette spécialité, notamment en accompagnement d'apéritif.

Le soir du 31 janvier, Jane et Jean-Pierre viendront dîner à bord d'Olympe ; nous visionnerons deux films qu'ils ont tournés avec l'aide de professionnels de la famille de Jean-Pierre, l'un sur la migration des baleines entre la Nouvelle Calédonie et l'Antarctique, l'autre sur la Géorgie du Sud. Nous passerons encore avec eux une très bonne soirée au cours de laquelle Jane nous racontera comment elle s'est retrouvée un jour coincée en plongée entre deux baleines en train de se gaver de krill, gueule grande ouverte à la verticale. Elle pensait alors sa dernière heure arrivée.

Le 2 février, nous participâmes à un barbecue avec Jane et Jean-Pierre, et Carole et Olivier, l'autre bateau français du ponton, un Figaro. Ici comme au Zulu Yacht Club de Richard's Bay, des barbecues sont à la disposition des navigateurs, ce qui permet de passer des moments très conviviaux.

L'analyse des fichiers météo permettait de penser qu'une fenêtre s'ouvrirait le week-end des 4 et 5 février ; aussi sommes-nous repartis en train à Cap Town le vendredi 3 pour effectuer les formalités de sortie du territoire auprès de l'Immigration et des Douanes. Nous en profiterons pour retourner dans le St- Georges Mall pour marchander un plat en bois sculpté que Maryse avait repéré lors de nos précédentes visites.

Le soir, nous sommes allés dîner en compagnie de Jane et Jean-Pierre dans un excellent restaurant de poissons à Kalk Bay, qu'ils avaient déjà testé une fois à leur grande satisfaction. Leur conseil fut judicieux et nous nous sommes réellement régalés d'un excellent plat de poisson magnifiquement préparé et accommodé, accompagné d'un superbe vin blanc dont nous irons le lendemain acheter quelques bouteilles…

Richard, le plasturgiste, avait terminé les réparations des listons à l'exception de la peinture qu'il n'avait pu appliquer pour cause de vent trop fort ; il nous donnera la bombe de peinture et nous l'appliquerons nous même un jour de calme au Brésil.

Le dimanche 5 février, après que Robert, le technicien B&G et non le hollandais, ait fini d'installer et de câbler l'anémomètre sur le mât, nous larguions les amarres à destination de Rio de Janeiro, aidés d'Olivier, de Jane et de Jean-Pierre que nous quittions à regret. Nous avions 3567 milles nautiques devant l'étrave, soit 6606 kilomètres, ce qui fait de cette étape la plus longue de notre tour du monde, tant en distance qu'en durée, les risques de calmes étant importants sur cette traversée.

Nos deux escales sud-africaines auront été pour nous une bonne surprise ; certes, nous avons vu peu de choses de ce vaste pays mais tout ce que nous y avons vu nous a plu, même si ce n'est certainement pas le côté le plus représentatif de l'Afrique du Sud. C'est sans doute celui que les colons se sont construit pour leur qualité de vie : en ce sens et sur ce point, ils ont parfaitement réussi.

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