OLYMPE AUTOUR DU MONDE

AFRIQUE DU SUD

Un peu de géographie

Comme son nom peut le laisser supposer, le pays se situe à l'extrémité sud du continent africain ; il couvre un territoire de 1 123 000 km2, soit deux fois la France, pour une population d'environ 44 millions d'habitants. Il compte deux capitales, Cape Town la capitale législative et Pretoria la capitale administrative.

L'Afrique du Sud est baignée par deux océans, l'océan Indien à l'est et l'océan Atlantique à l'ouest qui se rejoignent dans les eaux tourmentées du cap le plus sud du pays et donc de l'Afrique, le cap des Aiguilles (et non le cap de Bonne Espérance comme on le croit souvent : celui-ci est situé un peu plus au nord sur la côte atlantique).

Elle est essentiellement constituée d'un immense plateau, le veld, dont l'altitude se situe entre 1200 et 1600 mètres ; celui-ci se creuse en son centre et se relève à son pourtour, ne laissant qu'une étroite bande littorale. C'est au sud-est du pays que se situe la chaîne du Drakensberg dépassant les 3000 mètres, le point culminant étant le Thabana-Ntlenyana avec 3650 mètres.

Le pays est divisé en huit provinces :

• Western Cape, capitale Cap Town,
• Northern Cape, capital Kimberley,
• Kwazulu-Natal, capitale Pietermaritzburg, dans laquelle se situe Richard's Bay,
• Free State, capitale Bloemfontein,
• North West, capitale Mafikeng,
• Gauteng, capitale Johannesburg,
• Mpumalanga, capitale Nelspruit,
• Limpopo, capitale Polokwane.

Compte tenu de la typologie du pays, on distingue trois types de climat ; sur le haut plateau un climat tempéré et assez sec générant savanes et prairies avec, dans la partie nord-ouest, une végétation typique des zones arides, sur la côte est un climat subtropical engendrant une végétation de type tropical et sur le sud un climat typiquement méditerranéen avec une riche flore buissonneuse.

On compte onze langues officielles dans le pays, les plus pratiquées étant l'afrikaans (dérivé du hollandais et très guttural), l'anglais et le zulu. Mais nous n'avons jamais eu de problème pour nous faire comprendre en anglais n'importe où.

Le pays est la première puissance économique de l'Afrique avec une croissance régulière élevée d'environ 3% par an. C'est le secteur agricole qui emploie le plus de monde (30% de la population) mais il représente moins de 5% du PIB; le pays est largement autosuffisant sur le plan alimentaire, il est même le 6ème exportateur mondial de produits agricoles. L'industrie minière est historiquement très importante compte tenu de la richesse du sous-sol : or, platine, vanadium, chrome, manganèse et diamants ; elle représente 8% du PIB.

Mais depuis la moitié du 20ème siècle, l'économie a été largement diversifiée vers les secteurs secondaire et tertiaire : chimie, mécanique et maintenant tourisme, lequel représente déjà quelques 500 000 emplois et 5% du PIB.

Cela n'empêche pas le pays de connaître un taux de chômage record de 26% lié au passé ségrégationniste que la fin de l'apartheid n'a pas encore résolu. Ce taux est de 50% chez les noirs et 50% de la population vivaient encore en dessous du seuil de pauvreté en l'an 2000.

Enfin, dernier fléau, le pays a le triste record mondial du taux de contamination par le sida.

Un peu d'histoire

L'Afrique est le continent où ont été retrouvées les preuves de présence humaine les plus anciennes de la planète, remontant à l'homo sapiens il y a plus de trois millions d'années. Mais on a aussi la preuve que des populations noires peuplaient l'Afrique du Sud il y a 100 000 ans, contrairement aux affirmations des idéologues de la ségrégation raciale qui affirmaient qu'elles avaient immigrées comme les blancs, ne leur donnant ainsi pas plus de droit sur les terres qu'à eux-mêmes.

C'est en 1652 que la Compagnie hollandaise des Indes orientales installe au cap de Bonne Espérance une station de ravitaillement pour les navires voguant sur la route des Indes, la route des épices ; ceci provoqua dès lors les premiers heurts avec la population locale, les Khoikhoi.

Les premiers colons blancs s'installent bientôt et font venir des esclaves déportés de l'actuelle Indonésie (les Indes néerlandaises de l'époque) qui ne tardent pas à être plus nombreux que les colons blancs. Cultures du blé et de la vigne furent les premiers développements agricoles de la région puis, la colonisation se développant, les nouveaux arrivants s'attribuèrent les terres les plus fertiles en exterminant les populations du plateau, les Khoisan. Ces fermiers, pour se distinguer des fonctionnaires, se baptiseront "Boers" (fermiers) ou "Afrikaners", nom qui subsistera jusqu'à nos jours.

La colonie sera aussi renforcée par l'arrivée de huguenots français en 1688 lors de la révocation de l'édit de Nantes. Ils développèrent leur savoir faire dans la culture de la vigne et la vinification.

Mais c'était sans compter sur la perpétuelle convoitise de nos amis anglais ! Ceux-ci, inquiets de voir de nombreux bateaux français en route pour les Indes faire escale au Cap, profitèrent de la dissolution de la Compagnie hollandaise des Indes orientales en 1795 pour prendre possession du territoire. Et il faut leur reconnaître une bien meilleure organisation et efficacité que leurs prédécesseurs hollandais… D'abord pour mâter définitivement les "sauvages", pour sécuriser les frontières, puis pour accélérer l'émigration de nouveaux colons britanniques entre 1819 et 1824. Ils furent aussi très actifs dans la mise en place d'un système éducatif et judiciaire et créèrent une presse locale.

Les décennies qui suivirent ne furent cependant pas roses ; la remise en cause du système de distribution des terres et le système d'imposition mis en place provoquent le mécontentement des anciens colons (boers) comme des nouveaux, provoquant leur migration vers les territoires du nord échappant à l'emprise anglaise.

Mais ce ne fut pas sans mal car il fallut combattre les différentes et très combatives tribus Zulu et ce n'est qu'en 1838 qu'ils parvinrent à leurs fins en créant une République au Natal, aussitôt annexée dès 1843 par les anglais ! Ils jouèrent ainsi au chat et à la souris, les Boers créant deux nouvelles Républiques plus au nord reprises l'une après l'autre par les anglais jusqu'à ce que Londres reconnaisse en 1852 l'indépendance des Boers et de leurs deux Républiques.

La Constitution de celles-ci sera à la base de l'apartheid en imposant aux familles noires de travailler, à titre de loyer, pour les propriétaires blancs et excluant toute égalité raciale entre noirs et blancs.

En 1867, le pays ressemble davantage à une mosaïque de territoires partagés entre Boers, colons britanniques et différentes chefferies noires, l'Angleterre restant toutefois la puissance dominante.

C'est alors que l'on va découvrir la richesse du sous-sol sud-africain, provoquant de grands bouleversements ; le pays va commencer à s'enrichir et à s'urbaniser. Mais cette nouvelle donne ravive encore davantage les appétits et les enjeux entre Grande-Bretagne et Républiques boers qui en arriveront à se faire la guerre de 1899 à 1902. Paul Kruger, alors président de la République du Transvaal et qui avait été la cheville ouvrière de la rébellion des Boers dans les années 1880, prendra les devants mais l'empire britannique sera sans pitié, allant même jusqu'à créer des camps de concentration pour y enfermer femmes et enfants boers en guise de représailles. 28 000 d'entre eux et 14 000 noirs réfugiés y mourront de maladies causées par une hygiène désastreuse. Voilà qui va encore renforcer la conscience d'une identité boer qui n'aura de cesse de vouloir transformer l'Afrique du Sud en pays afrikaner et non britannique.

Le traité de 1902 consacrera la victoire des britanniques qui annexeront les anciennes Républiques en leur laissant toutefois la possibilité de retrouver leur autonomie. En 1909, les délégués des 4 provinces élaboreront le cadre constitutionnel, le South African Act (dont les noirs restent exclus) qui servira de fondement à la future Afrique du Sud unie, avec l'agrément des anglais puisque la nouvelle entité reste dans l'empire britannique et intégrera même le Commonwealth à sa création en 1931.

Mais la conscience et le nationalisme boer n'était pas mort pour autant et refit rapidement surface dès 1914. Les gouvernements successifs tenteront néanmoins de mettre la priorité sur la réconciliation nationale entre blancs jusqu'en 1934 qui voit la naissance du parti nationaliste "National Party" qui va prendre de plus en plus d'importance.

Car parallèlement à ces querelles entre blancs, l'opposition noire voit le jour et se politise peu à peu ; malgré l'interdiction qui leur est faite, une frange de plus en plus importante de noirs se regroupe autour des villes "blanches" au point que les noirs deviennent vite majoritaires dans la plupart des agglomérations. N'ayant pas le droit de circuler librement dans le pays, ni d'acquérir des terres et étant cloitrés dans des ghettos, ils deviennent la nouvelle peur des blancs qui portent en 1948 le National Party au pouvoir ; il ne le quittera plus jusqu'en 1994 en renforçant l'apartheid.

Ce système ségrégationniste institué en règle politique mettra le pays à l'écart de la communauté internationale pendant pratiquement un demi-siècle, notamment à partir du massacre de Sharpeville en 1960 où la police tire sur les manifestants noirs et tuent 69 personnes. C'est l'époque du développement de l'ANC (African National Congress) qui incarne les aspirations politiques des noirs depuis 1912.

En 1960, le pays quitte le Commonwealth et en 1963 la police arrête la direction devenue clandestine de l'ANC dont son leader Nelson Mandela qui sera condamné avec ses pairs à la réclusion à perpétuité.

On connait la suite, les insurrections de Soweto, les sanctions internationales envers l'Afrique du Sud : embargo sur les armes et boycott économique et culturel. En 1989, le National Party regagne haut la main les élections mais De Klerk, nommé président du pays, comprend bien que le système n'est plus ni tenable ni défendable. Est-ce une conviction morale ou le résultat des pressions internationales ayant rendu l'économie du pays exsangue, toujours est-il qu'il sera le maître d'œuvre de la suppression de l'apartheid et libérera en 1990 Nelson Mandela sans condition, le dernier dirigeant de l'ANC encore en prison où il sera resté 27 années.

L'intelligence et le pragmatisme des deux hommes permettront de mener le processus à son terme malgré un chemin semé d'embûches ; ils recevront conjointement le prix Nobel de la paix en 1993. Restera alors à neutraliser les extrémistes des deux camps.

Les premières élections démocratiques auront lieu en avril 1994 ; l'ANC recueillera 62% des suffrages et Mandela sera élu président, De Klerk devenant l'un des deux vice-présidents. Mais les promesses utopiques de Mandela ne pourront se réaliser. Néanmoins, en 1999, l'ANC sera confirmé au pouvoir avec 70% des voix aux élections suivantes ; Mandela se retirera pour laisser la place à Thabo Mbeki. Mais il faudra sans doute encore plusieurs générations pour effacer plus de trois siècles de domination blanche et permettre une juste répartition des richesses et des pouvoirs économiques entre les différentes composantes de la population.

Notre séjour

L'arrivée

C'est le 27 novembre 2011 en début de matinée que nous abordons dans le small craft harbour de Richard's Bay réservé aux bateaux arrivant pour les formalités d'entrée dans le pays ; nous sommes particulièrement satisfaits que cette étape tant redoutée depuis La Réunion soit maintenant derrière nous ! Mais l'avant dernière nuit a laissé des traces et nous avons deux réparations à effectuer, en plus du changement du spot de pont et de la mise à jour du logiciel du GPS qui nous a joué quelques tours (voir carnet de bord La Réunion-Afrique du Sud) : refixer l'ensemble girouette-anémomètre en tête de mât et remplacer sans doute le réducteur de l'enrouleur électrique de grand-voile.

Nous discutons un peu avec nos deux voisins à couple : un immense sloop sur tribord venu de Madagascar il y a quelques jours et déjà en plein travaux et un non moins immense autre sloop allemand sur bâbord arrivé en même temps que nous. Entre les deux, Olympe paraît bien frêle !

Nous n'avons pas à nous préoccuper des formalités, les douaniers comme l'Immigration doivent passer, même en ce jour de dimanche. En attendant, Maryse prépare le repas et découvre en moins d'une heure les surprises africaines :

Une ENORME libellule cachée sous son chapeau qui s'envole lorsqu'elle veut le ranger, un ENORME cafard installé dans l'annexe et, pendant que nous déjeunons dans le carré, la visite d'un ENORME singe en haut de la descente, nous regardant manger et manifestement intéressé par la nourriture ; bien venu en Afrique ! Le captain chassera l'animal qui ira visiter le bateau d'à côté avec une agilité déconcertante. Peut-être aurions-nous pu le dresser pour grimper au mât ?

En début d'après-midi, les officiels passeront comme prévu et tamponneront nos papiers sans même descendre de leur voiture ! Si cela pouvait être aussi simple partout !

Restait alors à savoir où nous pourrions installer Olympe pour le séjour à Richard's Bay que nous estimions à une petite dizaine de jours ; nous avions le choix entre la petite marina située juste à côté, la Tuzi Gazi située sur le Water Front où sont regroupés quelques restaurants, ou le Zululand Yacht Club situé sur l'autre rive d'une rivière plus en amont où ne se trouve rien du tout. La lecture des comptes rendus de voyage d'autres navigateurs nous faisait cependant pencher pour le second qui dispose de moyens de réparation ou de sortie d'eau des bateaux.

Le captain partira en reconnaissance au Zululand Yacht Club qui nécessite une bonne marche à pied pour remonter en amont de la rivière jusqu'au premier pont pour redescendre de l'autre côté jusqu'à destination ; malheureusement, nous étions dimanche et le bureau du yacht club était fermé.

Mais cette reconnaissance permettra tout de même de constater que d'un côté comme de l'autre, on est en pleine campagne ! La ville la plus proche, Meerensee (en fait un quartier de Richard's Bay) est à quelques 5km de là, quant à la ville de Richard's Bay proprement dite, elle est à une bonne dizaine de kilomètres et, d'après les dires de personnes qui connaissent, il n'y a rien à y voir et rien à y faire ! Voilà qui promet et qui nous conforte dans l'idée de ne pas rester longtemps. Ajoutez à cela que le port de commerce de Richard's Bay est un des plus grands ports charbonniers du monde, on se voyait déjà repartir le bateau couvert de poussières noires.

Mais alors pourquoi être venus s'enterrer ici ? Parce ce que c'est le lieu d'accostage le plus proche des célèbres parcs animaliers d'Afrique du Sud, dont le Kruger Park situé au nord-est du pays, et que nous avions envie d'aller y faire un safari photo.

Le lendemain matin de bonne heure, le captain appelle au téléphone le yacht club pour savoir s'il y a de la place ; une heure plus tard, nous aurons une réponse positive et encore une heure après nous prendrons la place qui nous avait été allouée après avoir contourné la presqu'île et remonté la rivière où les fonds par endroit ne sont vraiment pas profonds.



Il y a six pontons assez rustiques avec cat-ways et les installations électriques ne sont sûrement pas aux normes occidentales ou néo-zélandaises mais le lieu est plutôt sympathique avec le bâtiment du yacht-club où se trouvent un bar-restaurant, le bâtiment des toilettes et des douches avec une laverie, une petite piscine et une quantité de garages aménagés en ateliers où officient des particuliers et des professionnels de la réparation navale. Un shipchandler est aussi implanté sur place.

De nombreux bateaux sont à sec pour travaux ou carénages et manifestement une main d'œuvre nombreuse s'active autour. Cela ne donne pas l'impression d'aller vite mais le travail semble soigné. Le travel-lift n'est pas autonome mais tiré par un tracteur et les sangles sont levées au moyen de palans à chaînes.

Après le lavage au jet du bateau, nous prendrons nos marques en repérant l'ensemble du site et en se faisant expliquer où et comment faire des courses d'approvisionnement. Nous pourrons ainsi observer le travail incessant d'une colonie de pinsons dont les mâles passent leur temps à construire des nids suspendus dans les branches, avec accès inférieur, avant de les présenter à ces dames pinsons qui souvent ne les trouvent pas à leur goût ; sans discuter, ces pauvres mâles recommencent alors un nouveau nid ! Et ça n'arrête pas du lever du jour au coucher du soleil, dimanche et jours fériés !

Le lendemain, pendant que Maryse s'active aux lessives, le captain commence à démonter le motoréducteur de bôme. Pas de problème pour déconnecter et désaccoupler le moteur électrique mais il s'avéra impossible de démonter l'axe d'entraînement vertical pour sortir le réducteur, sans doute trop corrodé après une petite vingtaine d'années d'exposition aux embruns et aux intempéries.

Le mécano du site appelé au secours ne fera pas mieux et il faudra se résoudre à scier l'arbre pour retirer l'ensemble. Pour le remplacement du réducteur, le chantier Amel pouvait nous en faire parvenir un à un prix tout à fait dissuasif et grâce au guru local, Jenny, il sera possible d'en trouver un neuf à Durban (sept fois moins cher !) mais ne possédant pas les mêmes brides de fixation. Mais pour une fois le conservatisme du captain sera payant : ayant conservé le carter de celui qui avait été changé en Nouvelle Zélande, il fut possible de le réutiliser en y insérant les mécanismes du neuf. Il suffisait ensuite de ré-usiner un arbre d'entraînement et le tour était joué pour moins de la moitié du prix Amel…

Cela paraît rapide mais s'est en fait déroulé sur plus de deux semaines en relançant chaque jour l'intervenant et le fournisseur, comme à Papeete, comme en Nouvelle-Zélande, bref comme partout !

Et puis durant cette première semaine, le captain est souffrant : forte fièvre, quinte de toux, bref la forme n'est pas là et l'on reste cantonné dans le yacht-club, profitant de la situation pour mettre à jour le site d'Olympe : escales à Maurice et à La réunion et traversée La Réunion-Afrique du Sud.

Il se décidera tout de même à monter au mât pour changer le spot d'éclairage du pont ; et là, surprise, l'ampoule avait disparu ! Sous la violence des chocs subis lors de l'avant dernière nuit de navigation, elle s'est déclipsée du support en arrachant les cosses électriques des fils d'alimentation ! Et elle est partie directement par-dessus bord car nous n'avons retrouvé aucun débris de verre sur le pont. Pas de problème, on ressertit de nouvelles cosses et on installe l'ampoule neuve qui ne s'allume pas ! Envoyée de France alors que nous étions encore en Nouvelle-Zélande, elle était déjà morte… Et en 24 volts, impossible à trouver ici comme en NZ. On essaiera d'en trouver une à Cap Town.

Découverte de la ville

Le 5 décembre, nous partons en taxi à l'aéroport pour louer une voiture en vue de notre périple dans une réserve naturelle ; nous en profitons pour "aller en ville" faire quelques approvisionnements d'urgence. En fait de ville, nous n'avions jamais vu un tel concept : un immense centre commercial, le CDB area (Central Business District) constitué de plusieurs malls successifs et d'immenses parkings, en constitue ce qu'on peut appeler le centre (chez nous on parlerait de "zone") avec autour deux hôtels, l'hôpital, un centre médical et une station service. Quant aux habitations, elles sont constituées d'immenses lotissements fermés par des murs munis de fils de fer électrifiés enserrant des maisons la plupart du temps mitoyennes et parfois très cossues; il n'y manque plus que des miradors ! Pas ou peu d'immeubles, les quelques-uns que nous ayons aperçus ne dépassant pas deux étages.

Tous ces lotissements se répartissent sur des zones très étendues desservies par un réseau de larges avenues ; ils sont bien entretenus, entourés d'immenses pelouses mais, curieusement, il y a peu d'arbres et peu de végétation. Ils sont très majoritairement habités par des blancs, la population noire étant reléguée dans les faubourgs qui ont un tout autre aspect et ne respirent pas la santé !

Il n'y a donc en effet rien à voir et rien à faire si ce n'est tourner et se perdre dans cet immense centre commercial aux normes occidentales et noir de monde. Cela nous permettra de constater qu'il existe déjà une classe de noirs aisés à voir leur frénésie d'achats.

Nous irons ensuite à Meerensee, autre "banlieue" de Richard's Bay située en bordure de mer au nord de l'entrée du port ; il s'agit d'une zone assez résidentielle avec le même principe de lotissements "protégés". Sur le front de mer, une belle plage très exposée à la houle ne permet de se baigner que dans un seul couloir étroit et surveillé. Les rouleaux provoqués par la houle étaient en effet impressionnants.

Des aménagements ont été réalisés en retrait de la plage pour permettre aux citadins de venir y passer la journée ; il s'agit essentiellement de petits abris et de barbecues géants permettant de préparer son repas et de manger à l'abri du soleil et de jeux pour les enfants. Ici, comme en Nouvelle-Zélande ou en Australie, le barbecue, appelé ici braaï, est une institution mais il se confectionne de manière plus classique avec du bois et du charbon de bois, rarement au gaz.

Des animaux sauvages en liberté

Nous pensions initialement remonter vers le nord du pays pour aller visiter le Kruger National Park, le plus grand et le plus célèbre du pays. L'entrée sud se situe à environ 600 km de Richard's Bay et il faut encore parcourir 700 km pour atteindre son extrémité nord ! C'est une véritable expédition qui nécessite en outre de traverser l'état du Swaziland avec des douaniers qui adorent vous faire perdre du temps et dans une zone géographique connue pour ses risques de malaria.

Après en avoir discuté avec un couple de navigateurs canadiens installés ici depuis un an, ils nous conseillèrent plutôt d'aller au Hluhluwe-Imfolozi Game Reserve, certes bien plus petite, mais située à seulement 80 km et constituant en terme de faune un concentré de ce que l'on peut voir au Kruger Park. Nous suivrons donc leur conseil en réservant, non sans quelques péripéties, deux nuits dans l'un des camps du parc, le Hilltop.

Fondées en 1897, ces deux réserves adjacentes sont pratiquement les plus anciennes du pays ; d'une surface de 1000 km2 (environ 50 km x 20 km) elles sont connues pour avoir assuré la sauvegarde du rhinocéros blanc qui était en voie d'extinction, la population étant estimée en 1930 à 150 individus seulement.

Près de 80 espèces de mammifères y vivent dont éléphants, girafes, phacochères, impalas, nyalas, lions, léopards, guépards, hyènes et bien sûr rhinocéros. Mais ce sont également 380 espèces d'oiseaux aux formes et aux couleurs étonnantes qui peuplent ce paradis des animaux.

Le 8 décembre, nous voilà donc partis pour le parc Hluhluwe-Imfolozi munis des appareils photos, de la caméra, d'une paire de jumelle et d'une bonne dose de répulsif pour insectes : les animaux n'ont qu'à bien se tenir ! Le temps, ensoleillé les derniers jours, n'est malheureusement pas beau ; le ciel est gris et il bruine un vrai crachin breton !

Sur la route, nous traverserons d'immenses plantations d'une espèce d'eucalyptus aux troncs rectilignes droits comme des "I" destinés à l'industrie du bois. Quant aux quelques villages traversés, tout en longueur le long de la route, ils sont certainement plus représentatifs de la réalité sud-africaine que les "beaux" lotissements bunkérisés de Richard's Bay ! D'ailleurs la dénomination de village nous semble impropre car l'habitat est très clairsemé au milieu des collines, constitué de baraquements minuscules parfois en dur souvent non terminés, parfois en tôle. Ce n'était pas sans nous rappeler le Cap Vert. De nombreux africains marchent à pied le long de la route ou attendent le passage d'une des nombreuses petites navettes pour se déplacer. Les rutilants 4x4 de la ville ne sont plus ici qu'un lointain souvenir. Peu avant l'arrivée à la réserve, nous pûmes apercevoir non loin de la route un troupeau de springboks, ces antilopes typiques de l'Afrique du Sud, emblèmes de l'équipe de rugby du pays, capables de bonds incroyables pour échapper à leurs prédateurs.

Arrivés à l'une des trois portes d'entrée de la réserve, la Nyalazi Gate, nous effectuons les formalités d'entrée ; le fait d'avoir réservé au moins une nuit dans l'un des camps nous donne droit à l'entrée gratuite : voilà une bonne nouvelle. Munis de notre laissez-passer, des consignes de sécurité et des plans des deux réserves nous pouvons franchir la barrière d'entrée. Les consignes de sécurité sont simples : on ne descend pas de voiture, sous aucun prétexte, sauf bien sûr aux camps en principe protégés contre les gros prédateurs et on ne se s'approche pas à moins de 50 mètres des gros animaux. Le problème, c'est que ce seront ces animaux qui souvent se rapprocheront beaucoup plus près de nous !

Pour parcourir la réserve, il y a une petite route goudronnée serpentant autour des collines sur un axe grossièrement nord-sud et de multiples pistes de terre en bon état, très peu d'entre elles étant réservées aux véhicules 4x4. Seuls quelques passages de gué de rivière peuvent être parfois un peu stressants. La vitesse est partout limitée à 40 km/h pour éviter les risques de collision avec des animaux, ce qui nous paraissait un peu excessif (non la vitesse mais la raison invoquée) jusqu'à ce que…à la sortie d'un virage, une femelle rhinocéros et son "petit" ne débouchent sans crier gare de derrière un buisson pour traverser la route devant le capot de la voiture !

Emotion garantie ! On s'arrête et on admire le spectacle de cette bête ENORME à la puissance colossale, priant le ciel qu'elle ne se sente pas menacée avec son petit car on ne se fait aucune illusion sur l'état de la voiture si elle décidait de s'acharner dessus ! On les laisse calmement traverser puis ils s'enfoncent ensuite dans la végétation de l'autre côté de la route.

Puis ce sera le tour d'un phacochère de traverser quelques instants plus tard ; mais à côté des rhinocéros, il fait un peu chétif, le phacochère !

A peine remis de nos émotions, un peu plus loin nous tombons sur un ENORME buffle sur le bas-côté qui nous regarde d'un sale œil ; le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'a pas une tête sympathique, le buffle, et il paraît que c'est l'animal qui charge le plus fréquemment ! Gentil, le buffle, on ne fait que passer…On comprend aussi pourquoi toutes les voitures de location sont blanches et pas rouges !


Nous apercevrons également de nombreux impalas, ces antilopes reconnaissables à leurs deux bandes noires sur le postérieur ; spectacle toujours attendrissant que ces bêtes gracieuses et craintives, la plupart du temps accompagnées de leurs petits.

Mais il continue de pleuvoir et les grands animaux (éléphants, girafes,…) et les fauves sont invisibles. Pourtant ce ne sont pas les ENORMES bouses bien fraîches qui manquent, maculant la route et les pistes et faisant le bonheur des bousiers, insectes qui en font des boules pour les rouler en s'aidant de leurs pattes arrière et les emmener on ne sait où. Des plus gros aux plus petits, la faune est décidemment présente partout, la vie grouille à l'image des oiseaux aux plumages aussi variés que magnifiques et aux chants mélodieux.



En fin d'après-midi, nous atteindrons notre campement, Hilltop, situé, vous l'aurez deviné, au sommet d'une colline à plus de 400 mètres d'altitude dans la partie nord de la réserve ; il s'agit en fait d'un campement nettement amélioré constitué d'un bâtiment central, où se trouve la réception, un bar, le restaurant et un magasin de souvenirs, et de quelques dizaines de bungalows très confortables disséminés alentour à l'abri des regards, ne dénaturant pas le paysage. Quant à ce dernier, qui doit offrir une vue superbe sur les collines alentour, il est perdu dans les nuages, on ne voit rien !

Le lendemain, il pleut ! Nous désespérons de voir quelque chose mais pourtant nous quittons le camp de bonne heure pour partir sur les pistes à la recherche des "big fives" ; Nous serons bientôt récompensés en découvrant le long d'une piste sur les hauteurs notre première grande dame, la girafe ; gracieuse et un peu hautaine, elle nous laissera tout de même le temps de la prendre en photo.



Un peu plus loin, de retour sur la route, nous croiserons une famille de babouins menée par le mâle dominant qui ne fit aucun effort pour s'écarter de notre chemin.

Dix minutes plus tard, c'est une horde de potamochères qui traverse la route ; il s'agit de cochons sauvages se distinguant par une crête de poils courant le long de la colonne vertébrale, des oreilles pointues et une barbe.



Puis à nouveau une famille de rhinocéros broutant tranquillement à une vingtaine de mètres sur le bas-côté et encore un buffle aperçu au détour d'une piste, pas plus sympathique que celui de la veille ; il semblait même un peu plus virulent et nous n'avons pas demandé notre reste…

En fin de matinée, enfin, nous croisâmes notre premier éléphant, solitaire, déambulant en sens opposé à une vingtaine de mètres de la route. Nous nous arrêtâmes pour ne pas l'effaroucher (il ne faut pas en principe s'approcher à moins de 50 mètres) et il passa tranquillement en nous ignorant royalement. Mais que cette bête est belle et majestueuse dans son environnement naturel !

Cette matinée était décidemment prolifique car nous tombâmes quelques instants plus tard sur une hyène tachetée au bord de la route alors que nous redescendions vers le sud ; nullement effarouchée, elle prit gentiment la pose pour se laisser photographier. Mais on ne peut pas dire que ce soit une reine de beauté !

Plus loin, ce fut le tour d'un gnou bleu qui, malgré son aspect un peu lourdaud, fait partie de la famille des antilopes. Nous en apercevrons plusieurs au cours de la journée.

Puis ce seront à nouveau deux girafes qui semblaient en pleine conversation que nous surprendrons au détour d'un chemin avant de rencontrer nos premiers zèbres des plaines, animaux placides que nous approcherons à pied malgré les consignes ; de toute façon, avec ce temps pourri, les lionnes étaient sûrement restées à l'abri, les félins n'aimant pas l'eau c'est bien connu !


Nous croiserons bien d'autres oiseaux, difficiles à immortaliser tant ils ne restent pas en place et s'envolent au moindre bruit, et de nombreux autres impalas qui doivent servir de temps en temps de repas aux fauves de la réserve.

Après avoir traversé plusieurs rivières et nous être régalés des paysages typiques de l'Afrique malgré le temps, nous reprîmes la route de notre camp en fin d'après-midi. Ce retour allait nous réserver encore deux surprises.

La première fut un éléphant se promenant au milieu de la route et qui n'avait manifestement aucune envie de laisser passer les véhicules ! Ceux qui se trouvaient devant lui reculaient au fur et à mesure qu'il avançait, ceux qui étaient derrière, dont nous faisions partie, le suivant de loin. Ce manège dura bien une demi-heure jusqu'au moment où, se retournant, la bête vit sans doute qu'elle était cernée et commença à s'énerver, se retournant brusquement en secouant ses oreilles. Personne n'en menait large et il fallut l'arrivée d'un véhicule de la réserve qui, avec l'habitude sans doute et du courage certainement, fonça sur la bête qui hésita manifestement entre charger l'intrus et s'écarter sur le bas-côté.

Au soulagement de tous, c'est cette deuxième solution qu'il choisit et nous pûmes enfin passer en surveillant ce brave éléphant du coin de l'œil.

Et puis quelques kilomètres plus loin, nous tombâmes sur un barrage… de trois girafes qui avaient sans doute l'intention de demander un droit de passage ! Nous nous arrêtâmes le temps de les admirer et les photographier mais ces bêtes sont plus craintives (et moins dangereuses) que les éléphants et, en s'approchant, elles se rangèrent sur le côté pour nous laisser passer.


Arrivés au camp, toujours sous la pluie et dans les nuages, nous étions tout de même satisfaits de notre journée, même si nous n'avions pas aperçu les grands fauves qu'il est, paraît-il, déjà difficile d'apercevoir par beau temps et pratiquement impossible par temps pluvieux.

Le lendemain matin, après avoir parcouru quelques 250 km dans la réserve et la tête pleine de ces images africaines, nous reprîmes la route pour Richard's Bay en nous arrêtant au centre commercial pour refaire des courses d'approvisionnement.

Un séjour qui s'éternise

Initialement nous avions escompté ne rester au maximum qu'une dizaine de jours à Richard's Bay avant de reprendre notre descente vers le sud et le Cap de Bonne Espérance. Le 16 décembre, les travaux sont terminés mais nous sommes toujours en attente de la réception de nos cartes électroniques du Brésil et de la cartouche de mise à jour du logiciel du GPS commandés en France ; nous avons pourtant commandé un transport rapide via Fedex ou DHL, mais Accastillage Diffusion de Saint-Malo a cru bon de passer contre notre avis par Chronopost qui aurait garanti un délai plus court ! Le colis arrivera le 19 décembre à Johannesburg où il va rester sous douanes deux semaines… Nous voyons les colis Fedex, DHL ou UPS des autres bateaux arriver chaque jour et nous bouillons. Chronopost est peut-être armé pour gérer des colis en France mais sûrement pas à l'international où il ne possède aucune infrastructure et "soustraite" à des compagnies locales qu'il ne maîtrise pas. Quant aux relations avec les douanes, les trois autres compagnies qui ont du personnel sur place et des relations privilégiées, débloquent facilement leurs colis, le nôtre devant sans doute repasser en dessous de la pile à chacune de leurs interventions !

Chronopost "International" nous expliquera ensuite via AD qu'en Afrique du Sud il arrive que les douanes gardent légalement des colis pendant trois semaines. Pourquoi alors, si c'est vrai, garantir des délais ? En tant que professionnels, Chronopost a manifestement manqué à son devoir de conseil. Le sachant, nous aurions pu prendre nos dispositions et faire livrer le colis à Cap Town, nous n'aurions pas perdu de temps. Mais c'est aujourd'hui trop demander à une entreprise de faire correctement son travail. Pour quelques dizaines d'euros de chiffre d'affaire on est prêt à mettre son client dans l'embarras. Voilà qui correspond à la définition que le captain donne des "spécialistes" : quelqu'un qui saura mieux expliquer que le commun des mortels pourquoi il s'est trompé !

Vous l'aurez compris, le captain était de TRES mauvaise humeur et s'est bien promis de demander réparation. En tout cas, navigateurs au long cours, ne passez JAMAIS par Chronopost pour vous faire livrer quoi que ce soit où que ce soit ! Pour notre part, chaque fois que le chantier Amel nous envoie des pièces, il passe toujours par l'une des trois grandes entreprises internationales et nous n'avons jamais eu de problème. (Il ne suffit pas en effet de rajouter le mot "international" à sa raison sociale pour être une véritable entreprise internationale !)

Tout ceci est très ennuyeux car nous prenons un retard sérieux sur notre programme ; la descente vers Cap Town qui doit s'effectuer en quelques étapes compte tenu de la météo très changeante ici et donc sans connaissance à priori de son délai, est reportée de jour en jour. Nous voyons passer les fenêtres météo qui nous auraient parmi de commencer à gagner dans le sud. On s'énerve et on s'ennuie. Pour passer le temps, le captain entame le polissage des parties lisses du gelcoat des superstructures du bateau qui brille comme au premier jour.

Une organisation des services de santé hors normes

Pour arranger le tout, le captain semble avoir "refilé" sa bronchite à son second qui, moins patient, veut voir un médecin. Nous allions alors tester les services de santé sud-africains. Et là, autant les douanes, comme partout d'ailleurs, sont un état dans l'état et font ce qu'elles veulent quand elles veulent, autant nous avons été très agréablement surpris par la qualité de l'organisation et des soins des services de santé. Sans être méchants, nous serions bien inspirés en France qui nous prétendons, sur ce sujet comme sur tant d'autres, les meilleurs du monde, de nous en inspirer.

Le samedi 17 décembre, sans rendez-vous, nous nous pointons, munis du dictionnaire et du nom d'un médecin qu'on nous a indiqué à la marina, au Care Doc, le centre médical situé à proximité de l'hôpital. On se dit qu'au pire c'est fermé ou on se fait jeter car nous n'avons pas de rendez-vous ou qu'au mieux on en a pour quelques heures à faire la queue. A la réception on nous explique que c'est un jour férié et que dans ce cas il vaut mieux venir très tôt le matin. Le captain répond qu'on peut alors revenir le lundi. "Non, pas de problème, le médecin va tout de même vous recevoir". On remplit alors succinctement un questionnaire et on va s'assoir dans la salle d'attente prêts à patienter un bon moment.

Cinq minutes plus tard, une assistante vient nous chercher pour nous accompagner dans le bureau du médecin ; les locaux sont modernes, propres et de bons goûts. Des ordinateurs sont présents sur tous les bureaux. Nous entrons et nous trouvons face à une armoire à glace qui échange quelques mots en afrikaans avec l'assistante. Une caricature d'Afrikaner, jovial et sympathique qui ne tardera pas à comprendre le problème malgré notre anglais hésitant sur les termes techniques.

Une auscultation sérieuse, une prise de goutte de sang pour analyse du glucose, une analyse d'urine, la rédaction d'une ordonnance dont le contenu aura été préparé à la pharmacie intégrée au centre avant que nous y arrivions. Il reste à payer au guichet, à éditer les factures pour la sécu et la mutuelle et à partir avec ses médicaments. Le médecin nous aura en outre communiqué son numéro de téléphone personnel pour que nous le rappelions directement au cas où. Le tout aura pris une demi-heure ! Nous aurions pu, de là, aller à l'hôpital situé à côté pour passer la radio des poumons prescrite mais, d'après le médecin lui-même, il n'y avait pas urgence. Nous testerons donc les prestations hospitalières plus tard.

Mais puisque nous en sommes à ce chapitre, c'est le 29 que nous irons passer cette fameuse radio dont nous avions espéré faire l'impasse ; mais Maryse tousse toujours et ça l'inquiète.

On arrive, toujours sans rendez-vous ; l'accueil de l'hôpital nous indique le service où, à la réception, nous remplissons sommairement un formulaire. Puis moins de cinq minutes plus tard, on paie la facture de l'acte (de l'ordre de 30 euros) et on nous accompagne dans la salle d'attente des 4 salles radiologiques. On n'attendra pas cinq minutes avant que Maryse soit prise en charge puis, la radio terminée, encore moins de dix minutes pour avoir le rapport écrit et la radio sur un DVD ! On est pratiquement persuadé que le médecin prescripteur la recevait sur son ordinateur par un réseau interne…

Le lendemain, on rappellera le médecin pour avoir son avis ; il nous demandera de repasser, rassurera Maryse, lui changera un médicament qu'elle ne supportait pas, tout ceci gratuitement (sauf le nouveau médicament), sans attente et sans rendez-vous. On croyait rêver ! Faisait-on l'objet d'un traitement de faveur parce que nous étions étrangers ? Nous ne le savons pas.

Il faut cependant savoir que pour la population, les soins sont chers, la sécu à la française n'existe pas. Il n'y a donc pas foule dans les services de santé, ce qui n'explique pas pour autant le haut niveau organisationnel de ces derniers. Peut-être la vérité est-elle entre les deux systèmes, car le nôtre commence à montrer ses limites et depuis longtemps ses effets pervers : ce qui est donné est par définition dévalorisé et on en abuse ; ce n'est sans doute pas sans rapport si la France est la première consommatrice mondiale de médicaments par tête d'habitant !

Les rencontres

A force de tourner comme des âmes en peine au Yacht Club, on finit par faire connaissance de trois bateaux français et un néo-zélandais avec leur équipage :

• Geronimo, mené par Thierry et Florence avec leurs deux enfants, basé en Nouvelle Calédonie, qui entament leur voyage de retour via le Brésil, Panama et le Pacifique,

• Chapter XI mené par Philippe et Isabelle, basé à Mayotte, qui vont suivre le même chemin avec en plus la traversée de la mer de Corail puis de l'Océan Indien,

• Delphe de Fabien et Charlotte, basé nulle part et qui tourne depuis des années,

• Sea Rose, le grand catamaran de Brian et Sue basé à Auckland, lesquels vont laisser leur bateau au sec pendant un an à Richard's Bay pour retourner au pays.



Ils sont tous arrivés avant nous et certains ont entamé des travaux assez importants sur leur bateau, surtout Fabien qui a découvert une forte corrosion par endroit sur sa coque en acier. Quelques apéros partagés, puis Geronimo et Chapter XI profiteront d'une fenêtre météo le 30 décembre pour descendre sur Durban. Mais il y a des chances pour que l'on se recroise bientôt !

On évite une nouvelle catastrophe

Nuit du 20 au 21 décembre, nous sommes couchés depuis peu quand nous entendons des cris et frapper sur la coque. Passant la tête à l'extérieur, nous sentons une bouffée de chaleur et voyons que le catamaran voisin est en flamme. Nous savons qu'il n'y a personne à bord mais nous nous retrouvons rapidement en pyjama sur le ponton avec le seau pour participer aux secours avec une dizaine d'autres personnes ; mais au bout de quelques minutes, force est de constater que nos efforts sont vains, le feu redouble d'intensité.

Craignant la contagion du feu ou pire, une explosion du réservoir de carburant, nous décidons alors de larguer les amarres et de nous éloigner en amont de la rivière. Je crois que, depuis le départ, nous ne sommes jamais allés si vite pour quitter un ponton ! Nous serons imités par deux autres bateaux proches.

C'est toujours un terrible spectacle que de voir un incendie ; les pompiers arriveront très tardivement mais finiront par circonscrire le sinistre au bout d'une heure ; nous reviendrons alors nous amarrer à notre place pour constater qu'il y avait encore quelques points chauds fumants que les pompiers étaient en train de traiter dans le noir : injecter de l'eau sous pression à l'intérieur de l'amas calciné de tissus de verre et de résine après avoir percé des trous dedans. Mais sans être équipés de lampes, ils ne voyaient pas grand-chose et nous leur prêtâmes une lampe frontale et notre projecteur.

Au petit matin, le spectacle de ce catamaran tout neuf était une désolation ; toute la partie arrière ainsi que le rouf et les emménagements n'étaient qu'un tas de guimauve calcinée alors que ce qui restait de la partie avant des flotteurs avait été déformée par la chaleur. Par bonheur, le réservoir situé sous le mât avait résisté : pas de fuite et pas d'explosion. La chaleur avait été telle que la bôme avait littéralement fondue, il n'en restait plus rien ! C'était miracle que l'ensemble flottât encore.

Le propriétaire et des membres de sa famille sont venus récupérer le peu de choses récupérables : quelques bouts, l'ancre et sa chaîne. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le guindeau électrique fonctionnait encore. Nous étions bien placés avec Maryse pour savoir ce que pouvait ressentir cette famille.

Dans l'après-midi, l'épave fut tirée hors du Yacht Club et échouée sur la plage voisine en attente des experts. Personne à bord mais la climatisation marchait en permanence, y a-t-il eu un court-circuit ? Personne ne le sait mais, une fois encore, au sens propre comme au sens figuré, on a eu chaud !

Les fêtes de fin d'année

Compte tenu du retard de livraison de notre colis, nous allions passer les fêtes de fin d'année à Richard's Bay au lieu de Cap Town comme nous l'avions prévu dans notre programme ; c'était donc la quatrième année consécutive, et en principe la dernière, que nous allions passer cette période loin des nôtres, après la Martinique, Tahiti et la Nouvelle-Zélande.

Comme à son habitude, Maryse a décoré le carré d'Olympe avec boules et guirlandes pour nous mettre dans l'ambiance ; nous passerons le réveillon de Noël tous les deux autour d'un repas grandement amélioré dont le bouquet final fut la bûche au chocolat confectionnée avec amour par le coq du bord : délicieuse !



Le jour de Noël, nous nous sommes retrouvés avec la plupart des navigateurs en escale ici pour un déjeuner sur l'herbe à l'ombre d'un arbre africain ; 30°C à l'ombre, c'est toujours curieux pour nous de fêter Noël dans ces conditions. Chaque couple avait préparé des plats que nous partageâmes dans une ambiance sympathique et bon enfant.

Le soir de la Saint-Sylvestre, le yacht club avait mis à disposition tous ses énormes barbecues pour rassembler à nouveau les yachties, avec un orchestre pour mettre l'ambiance ; nous y prîmes un (et non plusieurs) pot mais malheureusement la pluie vint perturber les festivités et de plus, nous avions prévu pour le dîner autre chose qu'un barbecue !

Les équipages de Geronimo et de Chapter XI étant partis la veille, nous invitâmes à bord Fabien resté seul à Richard's Bay, Charlotte ayant regagné La Réunion pour un problème de santé et pour voir leur fille. Comme d'habitude, le repas fut au top, se terminant cette fois par… une bûche "maison" au café ; il fut accompagné de vins sud-africains, un Chardonnay blanc délicieux et, en dessert, un mousseux rosé très correct se rapprochant davantage d'ailleurs d'un Champagne que d'un mousseux.

Mais pendant toute la soirée, nous fûmes un peu stressés par la débauche de feux d'artifices et de fusées parachutes de détresse tirées de tous côtés dès dix heures du soir ; pour des raisons de sécurité évidente, le yacht club avait interdit les feux d'artifice dans son enceinte, mais les deux clubs voisins de canoës et de bateaux de pêche amateur n'avaient pas les mêmes scrupules, ni les maisons situées sur la rive opposée. Et ici, ce sont manifestement des fous furieux : c'est à celui qui tirera plus de fusée que ses voisins !

Ce dont nous avions le plus peur, ce sont les fusées parachutes qui, poussées par le vent, venaient voler puis descendre au dessus des bateaux du yacht club. L'expérience de l'incendie survenu la semaine précédente nous avait suffi et nous ne souhaitions pas la renouveler. L'une d'elle a d'ailleurs atterri sur le pont d'un bateau du ponton situé à l'autre extrémité du club et a certainement dû laisser des traces. Même tombées dans l'eau, les fusées continuaient de brûler ! D'autres ont atterri sur le toit des maisons. Bref, de vrais fous ces sud-africains… Heureusement, passé minuit, le "combat" cessa faute de munitions.

Enfin le dénouement

Le 30 décembre, nième coup de téléphone au transitaire qui suit notre colis ; grande nouvelle, il est enfin dédouané mais, avant de nous l'expédier, il faut payer la VAT (TVA locale que l'on peut se faire rembourser plus tard moyennant beaucoup de paperasseries et ça prend un an !) et les frais du transitaire. On se fait envoyer la facture par internet avant midi (car après, c'est encore un week-end prolongé de trois jours et demi…) et on part en ville à leur banque pour la régler en cash.

De retour au bateau, on envoie par mail la copie du justificatif de paiement mais la boutique est déjà fermée jusqu'au mardi matin 3 janvier !

Mardi 8h, on rappelle le transitaire ; il a bien reçu le justificatif de paiement et nous assure que nous serons livrés le lendemain. On n'ose pas y croire ! Et bien on avait tort, le mercredi en début d'après-midi, nous recevions enfin nos cartes électroniques du Brésil et la cartouche de mise à jour du logiciel. On teste tout de suite : les cartes sont bien lisibles mais la mise à jour ne résout pas le bug du GPS qui se met en défaut toujours toutes les deux heures. Mais comme il redémarre, on fera avec en attendant que Garmin France trouve la solution.

On regarde également les prévisions météo des sept prochains jours et, pour une fois, nous avons de la chance, une belle fenêtre météo de trois jours semble s'ouvrir à partir du vendredi 6 janvier ; voilà qui nous permettrait de tracer la route en shuntant les escales de Durban et East London pour atteindre directement Port Elizabeth à près de 500 milles de Richard's Bay.

On décide alors d'effectuer les formalités de départ ; bien que ne quittant pas le pays, celles-ci sont requises pour une simple raison de sécurité. Les conditions de navigation peuvent être tellement dangereuses dans cette partie du monde que les autorités veulent savoir qui part, où et quand, et quand il espère arriver à destination. Le formulaire demande aussi d'indiquer les coordonnées d'un proche à prévenir au cas où, ambiance ! Mais on vous expliquera ceci plus en détail dans le carnet de bord de la descente de l'Afrique et du passage du Cap de Bonne Espérance.

Après quelques derniers avitaillements effectués le jeudi, le vendredi 6 janvier en début de matinée nous quittons notre ponton et le port de Richard's Bay pour entamer notre descente initiatique vers le cap des tempêtes et retrouver l'océan Atlantique que nous avons quitté depuis avril 2009.

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