OLYMPE AUTOUR DU MONDE

MAROC

A l'origine de notre projet, le Maroc n'était pas une destination prévue; la route naturelle des voyageurs au long cours à la voile est celle de la direction du vent et donc, de Madère, la destination classique est l'archipel des îles Canaries. Mais Maryse, fan inconditionnelle de Marrakech, a émis l'idée de faire découvrir au captain l'ambiance de cette ville qu'il ne connaissait pas.

Quelques mois avant le départ, Maryse reçoit un appel d'Elisabeth, une ancienne collègue de son activité immobilière à Lyon, qui lui apprend son installation à Agadir avec son mari Jean : voilà donc une deuxième raison pour effectuer une escale marocaine.

Enfin, au cas où le captain serait encore réticent, notre fils Pierre propose de prendre avec Vanessa une semaine de vacances à Marrakech courant septembre ce qui nous permettrait de nous revoir un mois après notre départ; cette fois l'affaire est entendue, le captain, cerné de toute part, rend les armes, nous ferons escale au Maroc!

Agadir

Nous sommes arrivés à Agadir le lundi 15 septembre (voir carnet de bord Madère-Agadir) dans une marina flambant neuve entourée de petits immeubles blancs, dont les prix s'alignent paraît-il avec ceux de Port-Grimaud, et de magasins de luxe. Dans notre esprit cette ville était dédiée au tourisme avec des hôtels 5 étoiles, des centres commerciaux, des activités ciblées pour les loisirs des visiteurs, bref tout ce que les tenants de la civilisation de consommation peuvent attendre! Mais, en dehors de cette marina, bien difficile de reconnaître l'image que nous nous en faisions.

Agadir est d'abord une ville martyre qui, dans la nuit du 15 décembre 1960, fut totalement détruite par un violent tremblement de terre : en l'espace de 15 secondes, plus une maison, plus un immeuble ne tenaient debout, le terrible bilan humain étant de 15 000 victimes. Un petit musée situé dans le jardin portugais retrace cet événement avec quelques photos et articles de journaux de l'époque ainsi que quelques témoignages écrits. Mais, en dehors de ce modeste musée, plus aucune trace ne subsiste de ce drame; Agadir est une ville nouvelle entièrement reconstruite depuis. Seule parcelle de souvenir émouvant, les quelques ruines de l'ancienne kasbah située en haut de la colline dominant la ville et le port, entourée des remparts en partie restaurés où la totalité des 1 000 habitants périrent.

Lorsque nous avons eu l'occasion de parler de ce drame avec le guide du musée ou des représentants de l'administration (Ah, les fameuses formalités d'entrée et de sortie du territoire!) nous avons découvert le fatalisme des marocains, à moins que ce ne soit celle de la religion islamique : "si c'est arrivé, c'est qu'Allah l'a voulu", ou bien "si ce n'était pas arrivé, mon père survivant ne se serait pas remarié et je ne serais pas né; il n'y a donc pas que des côtés négatifs"!

Agadir est ensuite un port : port de commerce et surtout port de pêche, le plus important du Maroc et premier port sardinier du monde. Tour à tour, on découvre le bassin des barques colorées des pêcheurs locaux puis le bassin des sardiniers et des flottilles de chalutiers, souvent dans un état pitoyable, mais qui partent souvent pour deux ou trois mois au large du Sénégal. Puis c'est un chantier naval étrange qui répare et construit des bateaux de pêche en eucalyptus sans que l'on aperçoive le moindre outil permettant la découpe et la mise en forme des varangues!

Accompagné d'un "guide", pêcheur marocain, nous avons fait un tour à la criée où nous avons pu admirer la façon de ranger les poissons dans leur caissette : la main d'œuvre ne doit pas coûter bien cher ici! Nous en profiterons pour acheter quelques soles pour le repas du midi, à un prix astronomique aux dires de notre ami Jean : bref, nous nous étions bien fait avoir par notre "guide" improvisé!

C'est aussi une plage superbe s'étendant sur une baie de 20 km orientée vers l'ouest et qui constitue sans nul doute le principal atout touristique de la ville. Sinon, Maryse ira par deux fois au souk accompagnée d'Elisabeth pour quelques approvisionnements en fruit et légumes, tandis que Jean et le captain iront au marché municipal acheter du poisson pour une tagine délicieuse cuite au charbon de bois dès le retour.

C'est enfin la maison de nos amis située sur les hauteurs de la nouvelle ville où nous avons été accueillis comme des princes pendant toute la durée de notre séjour, avant et après notre voyage à Marrakech. Un grand merci pour leur gentillesse et leur hospitalité.

Marrakech

Pour nous rendre à Marrakech, nous avions l'intention de louer une voiture pour faire les quelques 200 km qui séparent les deux villes; heureusement, Jean nous a conseillé de prendre un car assurant la liaison plusieurs fois par jour; c'était en effet plus raisonnable compte tenu du danger que représente la circulation routière au Maroc (nous y reviendrons…) et, sur place, il est plus judicieux de prendre des taxis dont le coût est faible plutôt que de se perdre dans une ville que l'on ne connaît pas.

C'est donc le samedi 20 suivant notre arrivée que nous avons pris un superbe car climatisé qui nous conduisit sans encombres en 4 heures à Marrakech après avoir traversé une partie de l'Anti-Atlas. En cours de route, nous pûmes apercevoir un spectacle que Maryse connaissait déjà mais que JP avait bien du mal à croire: des chèvres grimpées dans des arbres! Il s'agit d'arganiers, arbres particulièrement épineux mais dont les chèvres raffolent; les jeunes pousses étant en hauteur, elles grimpent pratiquement au sommet des arbres au bout des branches sans se piquer!

A l'arrivée, un coup de taxi habilement négocié par Maryse (ici tout doit se négocier!) et nous voilà à l'hôtel Kenzi Farah où Pierre et Vanessa étaient arrivés la veille. Nous les trouvons en plein travail touristique nonchalamment allongés près de la piscine : un enfer! Joie des retrouvailles, embrassades et, après une collation rapidement expédiée, Maryse prend les choses en main et décide de nous faire visiter le jardin de Majorelle et la medersa Ben Youssef, ancienne école coranique à l'architecture hispano-mauresque magnifique.

Nouvelle négociation difficile avec un "grand" taxi et nous voilà partis. Longtemps abandonné, le jardin exotique, créé par le peintre Majorelle comme s'il avait réalisé une toile, a été sauvé par Yves Saint-Laurent qui en a ensuite fait don à la municipalité. Havre de paix et de douceur, la végétation luxuriante entoure une demeure peinte dans un bleu soutenu surprenant mais à l'harmonie duquel on s'habitue très vite. Depuis la disparition du grand couturier, une stèle a été érigée en sa mémoire. C'est réellement un endroit surprenant, magnifiquement entretenu, d'où l'on a du mal à s'extraire.

Notre chauffeur de taxi n'ayant pas voulu passer dans les fourches caudines de notre négociatrice en chef, le captain, plan en main, propose de se rendre à pied à la medersa; ce ne semble pas être très loin, il suffit de traverser une partie de la médina et le tour sera joué! Après avoir tourné 1h30 dans le souk, nous arriverons finalement à 16h à cette fameuse medersa, soit à l'heure de sa fermeture en période de ramadan!

Timidement, le captain propose alors de se rendre, toujours à pied, à la célèbre place Jemaa el Fna avant de rentrer toujours à pied à l'hôtel : c'est pour lui la meilleure façon de découvrir et de "sentir" la ville et ses habitants. L'enthousiasme n'est pas général mais tout le monde finit par accepter ce nouveau défi. Nous revoilà à nouveau dans les ruelles de la médina à naviguer à l'estime vers notre nouvelle destination que nous atteindrons une heure plus tard. Il faut savoir que dans les ruelles et les allées souvent très étroites du souk, il y a une circulation incroyable de mobylettes, scooters et même de charrettes tirées par des ânes qui rend la progression aussi lente et difficile qu'une remontée au près contre vents et courants!

Sur la place Jemaa el Fna nous retrouvons vivantes les images des meilleurs guides touristiques : charrettes de vente de fruits parfaitement ordonnancés sur leurs étals, porteurs d'eau, charmeurs de serpents, dresseurs de singes et tutti quanti; mais aux dires de notre guide Maryse, la période du ramadan rend la place moins animée qu'à l'accoutumée.

Puis ce fut la progression vers l'hôtel, plus rapide car hors de la médina, que nous atteindrons en fin d'après-midi, juste le temps de se rafraîchir dans la piscine avant l'heure d'un dîner spectacle marocain; Maryse appellera ses amis Khadija et Aziz pour les prévenir de notre présence à Marrakech et se donner rendez-vous pour le lendemain dimanche.

La matinée du dimanche fut consacrée au farniente (et oui, les vacances perpétuelles fatiguent!) puis, en début d'après-midi, nous sommes repartis (à pied!) à la place Jemaa el Fna où nous avions donné rendez-vous à Khadija pour passer l'après-midi en sa compagnie dans le souk. Elle nous conduisit les yeux fermés à la medersa Ben Youssef (c'est fou comme le trajet nous a paru plus court que la veille!); ancienne école coranique construite au 16ème siècle, la plus importante du Maghreb, elle a cessé son activité en 1956 lors du transfert de l'université; c'est un véritable chef d'œuvre de l'architecture arabo-andalouse. Le sous bassement des murs jusqu'à hauteur d'homme est garni de décors en zelliges où domine le bleu turquoise; puis des arcs brisés en plein cintre supportent les sculptures en plâtre caractéristiques, parfaitement conservées; enfin, la partie haute supportant les galeries supérieures et la toiture est réalisé en cèdre sculpté.

Le rez-de-chaussée comporte essentiellement la cour dallée de marbre au centre de laquelle se trouve le bassin à ablutions, ainsi que la salle des prières fermée par un portail richement ouvragé.

Les galeries de l'étage donnent accès aux cellules où vivaient les étudiants; de petite taille et très spartiates, certaines n'ont même pas d'ouverture sur l'extérieur.

Après cette exceptionnelle visite, Khadija nous emmena visiter deux riads représentatifs de trésors que l'on peut trouver aujourd'hui nichés au sein de la médina; le premier, dont elle s'occupe, appartient à des français qui l'ont entièrement restauré avec un goût exquis; le second appartient à des italiens qui l'ont transformé récemment en chambres d'hôtes. Le calme y est étonnamment absolu malgré le brouhaha du quartier. C'est en effet surprenant de trouver de telles demeures situées au fin fond de la médina dans des ruelles qui passeraient chez nous pour des coupe-gorge.

Le soir, nous retrouvâmes Khadija et Aziz pour aller dîner dans un restaurant très agréable du Riad Zitoune; au menu, tagines et couscous bien sûr.

Ouarzazate

Le lundi 22, Pierre et Vanessa avaient à leur programme une journée à Ouarzazate et ses environs aux portes du désert; nous les avons donc accompagnés pour ce qui devait être une journée marathon menée en formule 1 mais qui devait nous faire connaître un personnage hors du commun.

Départ 6h30 de l'hôtel (qui dit que les vacances sont reposantes?) dans un 4x4 conduit par un descendant de la branche marocaine de Fangio. Tout commençait pourtant bien : dans la traversée de Marrakech, notre pilote respectait les limitations de vitesse et les stops ce qui constitue un exploit rare au Maroc; c'était trop beau pour durer et, dès la sortie de l'agglomération, pied au plancher, il était seul sur la route! Nous en avons tiré les leçons suivantes :

Leçon n°1 : les bandes blanches continues ne sont là que pour le décor,

Leçon n°2 : les deux roues n'existent pas ce qui veut dire que leur espérance de vie est très réduite s'ils ne se précipitent pas sur le bas côté dès qu'ils entendent un klaxon péremptoire ou qu'ils voient en face une voiture ou un car doubler comme s'il ne l'avait pas vu,

Leçon n°3 : les limitations de vitesse sont d'autant moins respectées que les lieux sont dangereux; c'est en particulier le cas lors des traversées de village où cyclistes, piétons et enfants n'ont aucuns droits.

Tout ceci est malheureusement corroboré par une véritable hécatombe routière au Maroc, environ 30 fois plus mortelle qu'en France rapporté au nombre de véhicules respectif!

Pour rejoindre la région de Ouarzazate à partir de Marrakech, il faut traverser l'Atlas du nord ouest au sud est et passer par le col de Tichki, le plus haut du Maroc à 2 260 mètres d'altitude. C'est dire si la route est tourmentée et sinueuse, longeant la plupart du temps des ravins que nous frôlions à vive allure; dans cette succession de virages serrés Pierre a commencé à avoir le mal de mer et a dû réclamer plusieurs arrêts au chauffeur.

Un peu avant Ouarzazate nous obliquâmes vers une piste s'enfonçant dans une région caillouteuse et désertique pour arriver, au fond d'un vallon, à l'oasis Fint située le long d'un oued. Cet îlot de verdure de 7 kilomètres de long tranchait avec cet environnement aride et désertique. Peu avant l'oued, un berbère semblait nous attendre pour nous conduire dans sa demeure afin de nous offrir le thé. Il guida notre chauffeur pour traverser l'oued aux eaux un peu tumultueuses et nous conduire à la kasbah Taourite où il loge avec sa famille dans une maison faite de pisé et de terre. La chaleur était forte et nous fûmes agréablement surpris de la fraîcheur de sa maison : les méthodes traditionnelles et ancestrales de construction révèlent des qualités insoupçonnées.

Rachid, tel est son nom, nous expliqua alors l'origine des berbères de cette région, issus du Mali et de la Mauritanie, son mode de vie et ses moyens de subsistance : culture de dates, de bananes, de légumes qu'il s'en va vendre à dos de mulet au marché de Ouarzazate. Puis il prépara un délicieux thé à la menthe et partagea avec nous un pain traditionnel préparé par sa femme. Ce garçon était tellement éblouissant que nous avons décidé d'en faire un portrait plus détaillé dans une nouvelle rubrique du site appelée…"Portraits" (original non?). Pour information, Maryse et Vanessa ont tenu à être photographiées à ses côtés : le prestige des tuniques et des turbans bleus sans doute?

Puis nous reprîmes la piste en sens inverse pour nous rendre à Ouarzazate, admirer de l'extérieur la kasbah entièrement restaurée; dans le temps qui nous était iparti, nous devions en effet faire un choix entre la visite détaillée de cette kasbah rénovée ou bien celle plus authentique d'Aït-Benhaddou située à environ 30 km sur la route des caravanes.

Pour rejoindre cette dernière, il fallut à nouveau franchir un oued; mais là, pas d'accès voiture, il fallait le franchir à pied ou à dos de mulet! C'est cette dernière version que nous avons préférée, chaque mulet supportant le poids de deux touristes et de son maître! L'équilibre était parfois précaire mais ces pauvres bêtes ont une force et une endurance surprenantes et, surtout, ne tombent jamais.

Le spectacle en valait la peine : sous une chaleur torride, nous avons pu admirer une merveille classée par l'Unesco au patrimoine mondial de l'humanité, le ksar Aît-Benhaddou planté sur sa hauteur, village de pisé, de terre et de bois se confondant avec la couleur de la terre alentour. Quelques demeures sont flanquées de quatre tours; elles appartenaient aux familles les plus fortunées (une famille par tour). Aujourd'hui, seules une dizaine de famille habitent encore les lieux dont l'entretien et la mise en valeur sont financés par l'Unesco.

Des films sont également fréquemment tournés dans la région, apportant quelques subsides aux habitants; Parmi les plus connus citons Lawrence d'Arabie, Indigène, A la poursuite du diamant vert, Kundun, Les gladiateurs, la nouvelle version de Cléopâtre, un des films d'Astérix, etc… Des studios importants se sont d'ailleurs montés à Ouarzazate, appelée ici ville du cinéma.

Pour en revenir à la visite, la chaleur était telle que le captain, parti le matin la fleur au fusil et sans casquette, fut victime d'un début d'insolation qui le priva de déjeuner au même titre que Pierre non encore remis de ses virages du matin!

Puis ce fut le retour à Marrakech encore plus rapide que l'aller, notre chauffeur ayant sans doute hâte de rentrer chez lui pour le ftour, fin du jeune quotidien pendant la période du ramadan. C'est donc heureux d'être sains et saufs que nous rejoignîmes l'hôtel, épuisés par cette journée un peu folle.

Le lendemain mardi nous reprenions le car pour Agadir, laissant Pierre et Vanessa terminer leurs vacances en amoureux. Nous retrouvions le soir Elisabeth et Jean à qui nous pûmes raconter nos aventures et qui nous hébergèrent encore jusqu'au jeudi, ayant décidé de dormir à bord le jeudi soir pour partir le vendredi midi pour les Canaries.

Cette journée de jeudi fut partiellement consacrée à s'occuper du bateau : nettoyage, contrôle des niveaux, étude de la route pour Lanzarote. Nous avions également appelé un dépanneur pour s'occuper du moteur neuf de l'annexe qui avait refusé de démarrer depuis notre départ; en l'attendant, le captain met l'annexe à l'eau et fixe le moteur dessus pour avancer le travail et, à tout hasard, tire sur le démarreur et … le moteur démarre! Lorsque le dépanneur est arrivé, nous avions l'air fin.

L'après-midi, Elisabeth et Jean nous emmenèrent visiter le village de Takhazoute situé au nord d'Agadir pour nous montrer le Maroc profond.

C'est au cours de cette journée que nous apprenions la disparition en mer de notre voisin de ponton, un bateau de pêche au gros local dont nous avions salué le propriétaire la veille; il aurait été éperonné par un autre navire et aurait coulé aussitôt corps et biens. Décidément, il n'y a pas que la route qui est dangereuse au Maroc!

Ce même jour, alors que le captain s'affairait sur le pont, un jeune hirsute et barbu à vélo s'approcha pour demander si par hasard nous ne partions pas pour les Canaries; il explique alors qu'il est parti de Grenoble mi-juillet pour un tour du monde de quatre ans en vélo et voilier-stop pour s'élancer en parapente des plus hauts sommets de tous les pays visités! C'est ainsi que nous avons fait connaissance d'Olivier qui mérite bien aussi son portrait dans notre nouvelle rubrique à la mode!

Sans trahir la suite de nos aventures, nous acceptâmes de le prendre à bord et de l'emmener à Lanzarote. C'est donc à trois que nous avons largué les amarres le vendredi 26 septembre en compagnie d'Elisabeth et Jean venus sur le ponton pour nous souhaiter bon vent.

Retour haut de page