OLYMPE AUTOUR DU MONDE

ANTILLES DU NORD

DOMINIQUE

Après le départ de Françoise et Jean-Marie pour la métropole et nos deux escales martiniquaises à Fort de France et Saint-Pierre, nous avions décidé avec Maryse de partir en quête des îles du nord des Petites Antilles. L'île située juste au nord de la Martinique, et donc sur notre route, est la Dominique.

Nous avions lu et entendu beaucoup de choses au sujet de cette île à la nature généreuse : l'extrême pauvreté engendrait pour tout voyageur un risque d'insécurité important et permanent; on ne pouvait quitter son bateau sans risque de le retrouver dépouillé, le vol des annexes y serait devenu le sport national et, pire, on pouvait craindre des agressions aux conséquences plus sérieuses. Vous connaissez maintenant la réticence de Maryse pour toute prise de risque réel ou supposé et la philosophie du captain, adepte de la devise "l'essayer, c'est l'adopter"! Vous l'avez deviné, nous allions donc faire escale en Dominique : d'ailleurs, n'avions-nous pas promis à nos amis Monique et Jean-Claude de les attendre au nord de l'île à Portsmouth?

Et puis, la Dominique est l'île la plus tourmentée et la plus montagneuse de la mer des Caraïbes, avec ses 365 rivières et sa forêt tropicale impénétrable; elle est décrite par leurs habitants comme le paradis grâce aux fleurs et aux fruits qui y poussent seuls en pleine nature, et à l'absence d'animaux dangereux.

C'est une étape d'une quarantaine de milles qui nous attendait pour relier Saint-Pierre à Roseau, (20 000 habitants sur les 80 000 qu'en comporte l'île) la capitale de la Dominique (à ne pas confondre avec la République dominicaine). La traversée du canal fut également musclée, avec des pointes de vent à 35 nœuds au près à la pointe sud de la Dominique. Vivement les longues traversées au portant!

Dans la baie du Roseau, le meilleur mouillage se situe un bon mille au sud des quais d'accostage des ferries et paquebots de croisières, devant un hôtel connu pour les services aux plaisanciers. Mais le bureau de douane se situant dans le terminal des ferries, nous mouillâmes dans un premier temps derrière le quai des bateaux de croisières pour aller en annexe accomplir nos formalités auprès de deux douaniers qui n'étaient pas d'une motivation extrême et qui avaient l'air de se demander pourquoi un petit bateau de croisière s'embêtait à faire ainsi des formalités! De peur que le captain ne les dérange à nouveau pour les formalités de sortie, ils signèrent également les documents de sortie avec une date hypothétique!

Un seul boat-boy était venu à notre rencontre pour nous demander si nous avions besoin d'aide; il n'insista pas quand nous lui dîmes que nous rejoindrions plus tard le mouillage principal et que nous accepterions ses services s'il travaillait effectivement pour l'hôtel.

De retour au bateau, nous prîmes une légère collation, les conditions de mer nous ayant convaincu d'attendre l'arrivée pour nous sustenter. Puis, nous quittâmes notre mouillage provisoire pour venir à l'endroit le plus abrité de la baie; nous vîmes alors notre boat-boy s'approcher (il devait nous guetter depuis notre arrivée!) et nous proposer une bouée de mouillage que nous acceptâmes après avoir pris connaissance du prix : 15 dollars EC (environ 4 euros), voilà qui était raisonnable.

Après lui avoir demandé son nom au cas où nous aurions besoin de l'appeler, (il se prénomme Dexter) il nous montre le dos de son tee-shirt où est gravé le nom "Pancho" et nous demande d'appeler ce nom sur le canal 16 pour tout besoin.

Puis nous reprîmes l'annexe pour revenir dans la ville de Roseau avec Maryse et nous y promener en déambulant dans les rues, tout d'abord près du port, où était accosté un paquebot de croisière américain, puis les rues proches bordées de magasins de souvenirs et d'artisanat local. En s'éloignant de cette partie touristique, nous tombâmes rapidement dans les quartiers qui sont le reflet de la réalité dominicaine : vieilles maisons en bois plus ou moins délabrées, quelques unes assez hétéroclites, faites de pierres et de bois, avec leur balcon véranda, rues défoncées et sans trottoirs, bonne partie de la population oisive.

Nous remontâmes depuis le bord de mer Hillsborough Street jusqu'à Independance Street pour traverser la rivière Roseau, rejoindre le bord de mer pour trouver le loueur de voitures officiel de la ville. Nous arrivâmes trop tard, il était déjà fermé. Puis nous revînmes vers le sud de la ville, rue Virgin Lane, pour y voir l'Eglise Méthodiste et la Cathédrale catholique, Lady of Faire Haven, belle bâtisse de pierre mais fermée à la visite. C'est en toute fin d'après-midi que nous regagnâmes le bord d'Olympe.

Sans voiture pour le lendemain, nous nous résolûmes à appeler "Pancho"; c'est ainsi que nous ferons la connaissance du dit Pancho le lendemain dans des circonstances que nous avons contées dans la rubrique "Portraits". Il s'agit en fait de l'entreprise Pancho Services montée par un rasta aussi intéressant que sympathique et dont le vrai nom est Trégor James. Il nous servira de chauffeur et de guide pour visiter une partie du sud de l'île, pendant que Dexter, qui travaille pour lui, surveillera notre bateau. Voilà Maryse rassurée!

Le lendemain à 9h, Dexter vient nous chercher avec sa barque et nous dépose au ponton de l'hôtel où nous attend Pancho et son taxi. Direction le parc tropical que nous traverserons en voiture et où l'on pourra voir les restes d'un autocar écrasé par un baobab tombé lors du cyclone David de 1979.

Puis nous prendrons une petite route sans indication de direction pour nous rendre aux Trafalgar Falls, chutes d'eau réputées malgré leur modeste taille; les touristes américains du paquebot y étaient présents, amenés par une horde de taxis collectifs : nous ne nous y sentions pas seuls!

Sans doute Pancho s'aperçut-il un peu de notre dépit pour nous conduire ensuite dans un coin perdu, tenu par un ami, le Ty Kwen Gô Cho (traduction : le petit coin d'eau chaude); là, nous étions seuls à visiter un petit Eden au fond d'un vallon, traversé par une rivière d'eau fraîche, avec des sources d'eau chaude dont certaines sulfurées.

Nous fîmes le tour de la propriété en admirant toute sorte de fruits et de fleurs qui poussent de manière sauvage : pamplemoussiers, bananiers, caféiers, tabac, vanillier, citronnelles, cocotiers, ibiscus, impatiens, alpinias, balisiers, etc…, le tout dans un charmant fouillis et sans entretien particulier. La nature est généreuse en Dominique, et si la population est encore très pauvre, au moins mange-t-elle à sa faim.

Après cette visite particulière qui nous permit de faire le plein de pamplemousses jaunes et roses, Pancho nous emmena tout au sud de l'île en suivant la route qui domine Soufrière Bay (quelle île n'a-t-elle pas une baie, une ville ou un volcan s'appelant Soufrière?) que nous avions longée en bateau à notre arrivée. Cette baie est une réserve naturelle où le mouillage est interdit.

Puis nous prîmes une petite route conduisant à un parc naturel renfermant au sein de la forêt tropicale quelques piscines naturelles d'eau sulfureuse où l'on peut se baigner (très bon pour la peau paraît-il) ainsi que trois monticules appelés Soufrière Sulfur Springs, constitué d'un mélange de calcaire et de soufre, rejetés par les entrailles de la terre et encore en activité; l'odeur n'y est pas très agréable, mais ce mélange de matières et de couleur blanches et jaunes au sein de la verdure de la forêt est peu commun.

Nous ferons l'impasse sur la partie sud-est de l'île pour laquelle il faut prévoir des randonnées pédestres de plusieurs heures au sein de la forêt tropicale, de préférence avec un guide, pour atteindre quelques curiosités naturelles telles que le Fresh Water Lake, le Boiling Lake ou encore la Vallée de la Désolation.

Nous retournâmes à Roseau en longeant la côte ouest et sa "Champagne Beach", et le village de Loubière.

Cette première escapade nous démontra qu'il valait mieux partir accompagnés, car seuls en voiture, nous nous serions sans doute égarés vu l'absence totale de signalisation.

Après notre deuxième nuit de mouillage au Roseau, nous levâmes l'ancre pour remonter la côte ouest de l'île jusqu'à Portsmouth, au fond de la baie du Prince Rupert. Sans être difficile, la navigation n'en fut pas moins surprenante sous le vent de l'île, le vent pouvant passer de moins de 10 nœuds à plus de 30 nœuds de manière très brutale; Maryse a adoré…Nous n'avions pas remonté l'annexe sous ses bossoirs et la tirions derrière nous, ce qui nous valut quelques frayeurs en arrivant devant Portsmouth où, avec le vent de face à 30-35 nœuds et un violent clapot, elle se souleva à plusieurs reprises sans toutefois se retourner; on ne recommencera pas l'expérience.

Portsmouth a été la première capitale de l'île, jusqu'en 1760 où une épidémie de malaria contraignit le gouvernement à fuir et s'installer à Roseau. C'est aujourd'hui un bourg de vieilles maisons délabrées étiré le long de la rue principale longeant le littoral. Il n'y a rien à y voir, rien à y faire, excepté la remontée de la Rivière Indienne qui débouche au sud du bourg.

Après avoir pris contact par VHF avec le célèbre Martin Carrière, le boat-boy officiel du coin recommandé par Pancho la veille et par notre guide nautique, il nous répond qu'il est occupé avec un bateau de croisière mais que nous pouvons prendre une bouée et qu'il viendra nous voir plus tard. En attendant, ce ne sont pas les propositions d'aide qui nous ont manquées : entre l'aide pour l'amarrage à la bouée, les propositions de ventes de fruits et légumes, de ventes de poissons et de langouste, de nettoyage de la coque du bateau, nous fûmes assaillis par toute une armada d'embarcations, depuis les barques de pêcheurs traditionnelles jusqu'à la planche de surf conduite à la pagaie à genou! Ces assauts de propositions de services pourraient irriter à la longue si elles n'étaient pas faites toujours avec un grand sourire et une grande gentillesse par des gens ne ménageant pas leur peine pour tenter de gagner fort modestement leur vie. Même si nous déclinions parfois leurs propositions, nous le faisions toujours aimablement et en discutant avec eux; au bout des trois jours d'escale à Portsmouth, Maryse connaissait tous leurs prénoms et les noms de leur barque! Et puis, quand nous acceptions leur offre, il fallait bien entendu faire attention au prix et surtout au poids des marchandises, ce qui valut à Maryse quelques discussions d'anthologie! Malgré cela, nous savions que nous y laissions quelques plumes, mais après tout c'était pour une bonne cause…En tout cas, il faudrait que les guides se mettent un peu à jour : ce genre d'accueil est éminemment plus sympathique que celui que nous sommes obligés de subir sur les riches îles françaises!

En fin d'après-midi, Martin vînt nous voir avec sa barque "Providence" nous demander si tout allait bien et si nous n'avions pas besoin de quelque chose. Nous prîmes rendez-vous avec lui pour le surlendemain afin de remonter la Rivière Indienne, puis deux jours après pour éventuellement une visite du nord de l'île avec nos amis Monique et Jean-Claude qui devaient nous rejoindre à Portsmouth.

Le lendemain, 29 janvier, fut une journée calme; nous prîmes l'annexe pour nous rendre à terre pour une rapide visite de Portsmouth. Le contraste avec Roseau est assez saisissant, tant par la taille, le bourg est bien plus petit, que par l'habitat, encore plus pauvre quand il n'est pas symbolique; mais l'environnement verdoyant semble rendre la vie plus supportable. Nous fûmes cependant accostés à plusieurs reprises, et il est vrai que par moment, un sentiment de malaise prédomine, par manque sans doute d'habitude : nous ne sommes encore que de grands voyageurs débutants! Seul bâtiment moderne et en dur, celui de la banque (!) où nous pourrons retirer des dollars EC d'un distributeur flambant neuf.

Le 30 au matin, Martin est venu nous prendre au bateau avec sa barque pour nous conduire d'abord à l'embouchure de la Rivière Indienne. Nous longeâmes ainsi toute la baie, du nord au sud, en passant à côté des carcasses de cargos échoués sur la côte, certains depuis l'ouragan Maryline de 1995; les armateurs ont disparus depuis et l'état de la Dominique n'a pas les moyens de les faire disparaître.
Puis, nous entrâmes sur la rivière proprement dite, moteur stoppé, la remontée s'effectuant à la rame pour la protection de la faune de la rivière et pour ne pas troubler le calme des lieux et permettre d'écouter les 166 espèces d'oiseaux sur le parcours, dont les colibris, les poules d'eau, les piques bœufs, les hérons à dos vert et les pigeons à cou rouge.

Il ne faut pas longtemps pour être dans la mangrove et voir les berges se resserrer et la rivière se recouvrir d'une végétation dense. Les racines des énormes palétuviers forment des sculptures aux formes tourmentées et harmonieuses, des palmiers et des cocotiers arrivent à trouver place au sein de cette végétation resserrée, en compagnie de papayers, bananiers, avocatiers, orangers et canne à sucre sauvage. 90 espèces d'orchidées, dont la vanille, poussent sur les troncs des arbres, se nourrissant des mousses et lichens, des lianes voguent de branches en branches, d'arbres en arbres, d'une rive à l'autre. 188 espèces de fougères filtrantes éliminent le sel de l'eau pour ne se nourrir que d'eau douce. Des fleurs magnifiques parsèment cet océan de verdure de leurs taches colorées qui attisent nos regards émerveillés : Alpinias rouges, Hibiscus sauvages, Roses de porcelaine, Oiseaux de paradis.

Et puis le silence, ce calme absolu avec juste le suintement de l'eau sur la coque de la barque, silence interrompu par les commentaires avisés de Martin et les cris des oiseaux et des crapauds. Quelques colibris virevoltent dans cette volière naturelle, avec une rapidité rendant difficile leur immortalisation photographique. Oui, nous confirme Martin qui aime son île, ici c'est le paradis, sans moustiques et sans bêtes dangereuses! Dans l'eau, des mulets et des écrevisses, quelques crabes rouges, gris ou oranges sur la vase des berges nous regardent passer, les yeux exorbités et les pinces en l'air. Seul regret, nous n'aurons pas vu l'oiseau emblème de l'île, le perroquet "Sisserou".

Au bout des 1500 mètres de remontée, on fit une halte à une échoppe pour touristes, heureusement bien intégrée dans le paysage et magnifiquement fleurie; Martin y confectionna en un tour de main deux oiseaux tressés en fibres végétales cueillis sur le parcours pour les offrir à Maryse. Puis ce fut le retour jusqu'à l'embouchure de la rivière.

De retour sur le bateau, nous avions le sms de confirmation de Monique et Jean-Claude, ils seraient bien présents dans le courant de l'après-midi : un dîner à bord d'Olympe s'imposait et allait donc se préparer; pour ce faire, Maryse pensait faire un carpaccio de thon; elle appela le pagayeur en chef sur sa planche pour lui commander pour le soir un kilo de thon. Ce fut ensuite l'attente, un peu inquiète, le captain lui conseillant de prévoir un plan "B" au cas où! Mais en fin d'après-midi, le thon était à bord, le captain avait préparé la Caïpirinha, et tout le monde s'est bien régalé et a passé une bonne soirée.

Le lendemain, Martin avait délégué un autre guide, Dealan, pour nous emmener tous les quatre visiter le nord de l'île. Parlant un bon français appris à l'Alliance Française, il fut un bon compagnon de route, tout aussi sympathique que l'ami Martin.

Nous quittâmes Portsmouth en direction de l'ouest, passant dans le sud du Morne au Diable pour traverser l'île, jusqu'à la côte atlantique; ce premier tronçon nous permit d'avoir confirmation, s'il en était besoin, de l'incroyable richesse végétale de la Dominique; dans le désordre et à l'attention de Marie-Paule : Tulipiers africains, caféiers, flamboyants, balisiers, anthuriums, alpinias, queues de chat, vanille, noix de cajou, noix de muscade, frangipaniers, manguiers, avocatiers, cocotiers, bambous, cacaotiers, pratiquement tous les agrumes, cannes à sucre, citronnelles, manioc, bois d'Inde… la liste n'étant pas exhaustive!

Les noix de coco sont particulièrement appréciées des habitants qui les nomment fruits miraculeux en raison de leur vertu curative pour de nombreux maux : cancer de la prostate, diabète, dépression, problème de peau, etc…

Nous arrivâmes sur la côte ouest dans l'anse de Mai bordée par un village de pêcheurs étalant les barques multicolores sur le rivage. Des bateaux de pêche de Marie-Galante y viennent souvent avec des réserves de rhum pour faire des échanges de produits et faire la fête. Nous pûmes observer un bâtiment en dur destiné aux pêcheurs pour le rangement de leurs matériels financé par la France.
Puis nous commençâmes à longer la côte en direction du sud pour arriver sur la commune de Hampstead où fut installée autrefois une usine de traitement de la canne à sucre, de la citronnelle et du bois d'Inde et dont il ne reste aujourd'hui que les ruines envahies par la végétation. Seule, la culture du safran continue encore d'être réalisée sur d'autres sites. C'est sur cette commune que furent tournées quelques scènes du dernier film du "Pirate des Caraïbes".

Nous arrivâmes ensuite sur la commune de Calibishie possédant une très belle plage avec des récifs de coraux faisant briser la houle au large, et un peu plus loin, un cap de terre rouge renfermant une importante concentration de ferrites. Les contrastes de couleurs entre le sol, l'océan et la verdure alentour avaient un caractère tout à fait inhabituel.

Les estomacs commençant à crier famine, nous nous arrêtâmes dans un petit restaurant local de la commune de Wesley où nous pûmes déguster l'éternel colombo de poulet avant de reprendre la route pour arriver sur la commune de Marigot et son aéroport, Melville Hall Airport, en cours d'extension réalisée par une entreprise française. Quant au port de pêche attenant, il est lui financé par les japonais en remerciement de la voix donnée par la Dominique pour le maintien de la pêche à la baleine!

Puis nous rentrâmes sur une partie de l'île constituant une réserve des derniers descendants des indiens Caraïbes; il ne s'agit pas bien sûr d'un parc fermé où l'on pourrait venir observer d'une curiosité malsaine les derniers restes d'une peuplade en voie d'extinction; ce "territoire" est simplement une zone géographique où ces indiens peuvent venir s'installer et y conserver leur culture et leur artisanat. L'état de la Dominique construit chaque année quelques maisons qu'il attribue à des familles en fonction de leur situation familiale. Bien que le métissage soit maintenant important, nous croisâmes encore nombre d'habitants très typés, ayant conservé le physique des indiens d'Amérique du Sud. Nous nous arrêterons d'ailleurs pour prendre en stop une jeune étudiante très jolie et ne pouvant guère renier ses origines.

Arrivés au sud du territoire dans la commune de Castle Bruce, nous prîmes l'une des deux routes qui traversent l'île pour rejoindre la côte ouest, côté mer des Caraïbes. En montant le relief du milieu de l'île, nous eûmes droit à quelques averses tropicales avant de retrouver le soleil de la côte ouest. Il ne nous restait plus qu'à remonter le long de la côte vers Portsmouth en passant par Layou, Saint-Joseph, Salisbury, Coulibistrie, Colihaut, Dublanc et Picate située juste au sud de Portsmouth et où est implantée une université de médecine très fréquentée par des étudiants américains. Mais les panoramas de cette côte sont nettement moins jolis que ceux de la côte atlantique.

Le soir, l'apéritif fut pris sur Renata, le bateau de Monique et Jean-Claude; le lendemain, nous quittâmes notre mouillage en nous disant avec Maryse que nous avions bien fait de ne point manquer cette escale dont nous garderons un excellent souvenir.

Nous mîmes ainsi le cap sur l'archipel des Saintes qui dépend de la Guadeloupe et où tout ce qui navigue aux Antilles se retrouve un jour!

LES SAINTES

C'est donc le 1er février que nous quittons la baie du Prince Rupert où était venu mouillé la veille le joli trois mâts hollandais "Ville d'Amsterdam" que nous avions déjà vu au Marin en Martinique. L'archipel des Saintes est situé à environ 20 milles au nord nord-est de la Dominique; compte tenu de la bonne brise d'est nord-est, il ne nous fallu pas beaucoup de temps pour atteindre notre objectif en passant entre Terre de Bas et l'îlet des Augustins, puis entre Terre de Bas et Terre de Haut et venir mouiller dans l'Anse du Bourg face au bourg de Terre de Haut après avoir passé le Pain de Sucre, curiosité géologique avec ses orgues de basalte.

Cette baie magnifique est donnée pour l'une des plus belles du monde, après celle de Rio de Janeiro et la baie d'Halong au Vietnam. Cela nous paraissait un peu exagéré vu du mouillage, mais nous ne tarderons pas à changer d'avis dès que nous pourrons prendre un peu de hauteur.

Ces îlots furent l'objet de combats incessants entre Anglais et Français, jusqu'à ce que ces derniers les récupérèrent de manière définitive en 1815. Ces îles n'étant pas des terres de cannes à sucre, le recours à l'esclavage y fut limité; depuis les années 60, les îles se sont ouvertes au tourisme qui représente aujourd'hui la principale ressource de Terre de Haut.

Le relief n'étant pas très élevé, ces îles bénéficient d'un micro climat moins humide que leurs grandes voisines; la végétation y est par conséquent moins exubérante, de style plus méditerranéen, les palmiers et les cocotiers remplaçant les pins parasols et les Oliviers!

Dès le déjeuner pris à bord, nous mîmes l'annexe à l'eau pour nous rendre dans le bourg et commencer à déambuler dans un coquet village aux maisons joliment peintes avec leur toit multicolore. Près du ponton d'accostage, une multitude de petites boutiques d'artisanat et de produits importés côtoient des restaurants de tout niveau. L'ambiance y est agréable, les autochtones se mélangeant aux touristes avec une grande facilité.

Nous fîmes presque aussitôt notre première rencontre : une artiste peintre installée dans la petite rue du village était en train d'exécuter une très belle aquarelle avec beaucoup de minutie. La conversation ne tarde pas à s'engager sur quand et comment chacun est arrivé jusque là; elle s'appelle Cathy Régnier, elle est bretonne, de Rennes, est partie avec son mari en voilier voilà bientôt 20 ans, a déposé une première fois son sac en Guyane où elle a vécu cinq ans avant d'arriver aux Saintes qu'elle n'a plus quittées. Nous reviendrons plus tard lui acheter un magnifique carnet de voyage qu'elle a réalisé sur les Saintes.

Un peu plus loin, on tombe sur la place Hazier-du-Buisson, ombragée d'Amandiers et de Flamboyants, faisant face à la très jolie Mairie de style colonial. L'église ensuite, érigée sur son promontoire avec sa façade de Pierre et son plafond en bois en forme de carène renversée, renferme derrière l'autel une fresque naïve illustrant la commune.

Sur cette île, les scooters ont remplacé les voitures à part celle des gendarmes et quelques taxis collectifs. C'est bien pour la circulation, moins bien pour le bruit! Malgré tout, l'ambiance est bon enfant, trois types de personnes se côtoyant : les habitants de l'île, les touristes de passage et les habitués, ceux qui y possèdent une résidence secondaire ou ceux qui y reviennent chaque année, comme ce couple rencontré qui vient passer deux à trois mois en location depuis plus de quinze ans.

Avant de regagner le bord, nous nous laisserons tenter par des tourments d'amour; pas de fausse interprétation de votre part s'il vous plait, il s'agit de gâteaux à la noix de coco, spécialité locale.

Le lendemain, nettoyage du bateau et internet furent à l'ordre du jour, ainsi que quelques approvisionnements pour la cambuse. Le soir, Renata nous rejoignit au mouillage et nous établîmes le programme de visite du lendemain.

Celui-ci commença par la montée au fort Napoléon, dominant la baie du sommet du morne Mire à 114 mètres d'altitude. Et de là, il est vrai que la vue sur la baie des Saintes est splendide; en forme d'arc de cercle parfait, elle est délimitée au nord par le morne Mire, au sud par le Pain de Sucre. Au nord-ouest, c'est l'îlet Cabrit qui donne une perspective rapprochée, tandis que Terre de Bas à l'ouest derrière le Pain de Sucre offre la vue de ses hauteurs au dessus de l'horizon. Le temps était extrêmement beau, le spectacle magnifique.



Quant au fort lui-même, il a été réhabilité à partir de 1980 par une association locale de sauvegarde du patrimoine; construit sur les ruines de l'ancien Fort Louis détruit par nos amis anglais en 1809, il fut terminé dans sa forme actuelle en 1867 mais n'essuya jamais le feu de l'ennemi. C'est une fortification dont la conception est inspirée de celle de Vauban, avec un mur d'enceinte de protection entouré d'un fossé, et ses plates-formes de batteries. Au centre, le bâtiment de la garnison et ses casemates de stockage d'armes, de munitions et de poudre.

Nous visitâmes le musée qui retrace entre autre l'histoire et les coutumes des Saintes, et le parc transformé en jardin botanique présentant les différentes espèces végétales présentes sur les îles. Nous vîmes enfin un des nombreux habitants inhabituels de l'île, nous voulons citer l'iguane!

Après cette intéressante visite, nous redescendîmes le morne Mire pour rejoindre le fond de la baie Marigot ouverte sur le nord; la mer y était calme et, curieusement, il n'y avait aucun bateau au mouillage. Nous prîmes un pot pour nous rafraîchir puis repartîmes en direction de la baie de Pompière et de sa plage du même nom; ce serait la plus belle plage des Saintes, bénéficiant en outre de parties ombragées grâce aux raisiniers bord-de-mer et aux cocotiers. L'endroit, classé parc naturel, ne permet pas d'y naviguer; d'ailleurs, exposée au nord-est, la baie est ventée et le bain que nous prîmes fut un peu frais à la sortie (mais tout est relatif…).

De cette baie démarre un chemin de randonnée appelé la trace des Crêtes que nous avions souhaité emprunter, mais qui était malheureusement fermé à cause d'un différend entre la commune et un propriétaire terrien sur lequel passe ce chemin.

Nous repartîmes donc vers le centre du bourg pour aller jusqu'à la plage de Petite Anse située au pied du Pain de Sucre au sud de la commune. Il s'agit d'un endroit charmant, bien protégé du vent, où nous prîmes notre deuxième bain de la journée, en nous promettant d'y revenir le lendemain avec palmes, masques et tubas pour admirer la faune et la flore sous-marine de l'endroit.

De retour au bateau sous une petite ondée, nous dînâmes à bord de Renata, dîner suivi d'une partie de belote mémorable opposant Maryse et Jean-Claude à Monique et Jean-Pierre; pour ne pas froisser l'amour propre des perdants, nous ne dirons pas qui remporta la belle haut la main!

Le lendemain matin, Monique et Maryse partirent faire leur marché pendant que les captains s'affairaient sur leur bateau respectif. Puis, l'après-midi, nous partîmes en annexe comme prévu sur la plage de Petite Anse avec le matériel de plongée : Maryse allait enfin pouvoir étrenner le sien ailleurs que dans la baignoire!

Le Captain ayant compris les bienfaits de la sous-traitance pour l'éducation de Maryse à la natation (voir escale à Canouan), il chargea Jean-Claude, ancien commando de marine et nageur de combat, de la prendre en mains; elle n'osa pas refuser et l'apprentissage commença aussitôt. Comment s'y prit-il, je n'en sais rien, mais au bout de quelques minutes, elle nageait en sa compagnie, tête sous l'eau où elle n'avait pas pied, mais accrochée à sa main qu'elle ne quitta plus de toute la séance, au point qu'en sortant de l'eau, Jean-Claude dut recompter ses doigts pour être sûr qu'il n'en manquât point!

Sans doute, le spectacle sous-marin aida-t-il Maryse à vaincre son appréhension, car il était magnifique; on se serait cru dans un aquarium d'eau de mer avec ses poissons multicolores, ses oursins et même des hippocampes. A tel point qu'elle en redemanda et repartit une nouvelle fois, mais toujours accompagnée, jusqu'à ce qu'elle ait froid.

De retour sur Olympe, nous fêtâmes l'événement par un ty punch; puis, prévoyant notre départ pour Pointe à Pitre le lendemain dans la journée, nous conviâmes nos amis au petit déjeuner afin de fêter l'anniversaire de Jean-Claude, très ému de l'attention. Finalement, ces commandos sont des tendres!

Puis nous levâmes l'ancre, malgré les informations sur la grève générale qui durait déjà depuis quinze jours en Guadeloupe, pensant que cela ne durerait plus très longtemps…

GUADELOUPE

Jeudi 5 février, la navigation pour relier Pointe à Pitre des Saintes ne posa pas de problème particulier; compte tenu de la direction du vent, nous dûmes tirer deux bords pour atteindre l'îlet du Gosier et virer à gauche pour embouquer le chenal d'entrée de la marina situé entre l'îlet aux cochons et la presqu'île à Monroux.

Comme la plupart du temps, nous n'avons pas eu de réponse de la marina à nos appels VHF; cependant, à notre entrée vers 17 heures, un bateau de la capitainerie est venu vers nous pour nous indiquer la dernière place qui restait au ponton visiteurs et nous aider à passer l'amarre avant dans la bouée.

Le lendemain, après avoir effectué les formalités à la capitainerie, nous réservâmes une voiture pour la semaine à venir à partir du soir. Nettoyage du bateau et petit tour de reconnaissance autour de la marina furent au programme de la journée; nous nous attendions à une marina plus grande et plus animée : était-ce les évènements en cours qui donnaient cette impression de calme ou bien son éloignement de la ville de Pointe à Pitre, ou encore le fait que la marina constitue une espèce de camp retranché fermé sur toute sa périphérie par une haute et solide clôture? Il en résultait un sentiment de malaise et nous avions l'impression de nous retrouver dans un enclos réservé aux navigateurs de passage, sorte de cité interdite à la population des autochtones. Comme le problème de l'œuf et de la poule, impossible de savoir si cette protection résulte de problèmes de sécurité rencontrés dans le passé ou bien si c'est ce genre d'initiative qui attise les rancoeurs envers les métropolitains. Cette marina est d'ailleurs appelée "ghetto blanc" par les Guadeloupéens!

Ce malaise se confirma quand nous demandâmes à la responsable du bureau de location Hertz situé près du quai si le centre ville n'était pas trop loin et si nous pouvions envisager d'y aller à pied. Elle nous le déconseilla fortement, pas tant à cause de l'éloignement qu'aux risques que nous prendrions en tant que blancs à traverser la zone de Carénage. Le décor était planté et il semblait qu'à côté de ce qui nous attendait, la Dominique était un havre de paix!

Le soir, Renata nous rejoignait sur le même ponton, ce qui nous valut notre premier apéro guadeloupéen.

Le lendemain, samedi, nous avions rendez-vous en début d'après-midi avec nos amis lyonnais, Michèle et Paul, qui passaient comme chaque année à cette période leur trois semaines en Guadeloupe dans leur hôtel de Saint-François. Cela faisait presque deux ans que nous ne les avions pas vus, depuis notre départ définitif de Lyon.

Nous partîmes de bonne heure après le déjeuner pour avoir le temps de pousser jusqu'à la Pointe des Châteaux qui constitue l'extrémité est de l'île. Sur la route, nous eûmes confirmation que toutes les stations de carburants étaient bien fermées. Nous passâmes par Gosier puis Sainte-Anne avec sa très belle plage où nous nous arrêtâmes le temps de parcourir une partie des étals de fruits et légumes; nous traversâmes ensuite Saint-François pour pousser jusqu'à la Pointe des Châteaux, mince et longue avancée de terre dans l'océan, où nous découvrîmes un site sauvage remarquable qui nous rappela pour la première fois depuis notre départ des paysages de notre chère Bretagne.

C'est le site de l'île le plus visité, avec une grande diversité de milieux : plages, dunes, falaises, landes et lagune sont au programme avec une végétation typique de la forêt littorale et ses espèces rares et endémiques. L'endroit a été classé Grand Site National de France en 1997, premier du genre dans les DOM-TOM.
Après avoir parcouru une partie du chemin de randonnée pour monter au sommet de la pointe, nous reprîmes le chemin de Saint-François pour retrouver Michèle et Paul qui nous attendaient en se prélassant sur la plage de l'hôtel. Nous étions bien sûr tous heureux de nous revoir, n'arrivant à peine à imaginer que cela faisait déjà deux ans que nous nous n'étions pas revus. Après un bain de mer et une photo souvenir, nous partîmes ensemble visiter la marina, bien plus sympathique que celle de Bas du Fort, et les boutiques attenantes où Maryse tombera en arrêt devant une robe de soirée que son captain se fera un plaisir de lui offrir pour son très prochain anniversaire (le 12 février) et qu'elle portera pour la soirée du mariage de Pierre en août prochain.

Après un excellent dîner pris dans un restaurant de la marina, nous nous quittâmes en nous donnant rendez-vous à Lyon en août lors de notre passage en France.

Le lendemain dimanche, nous partîmes en tout début d'après-midi à Pointe à Pitre pour une visite de la ville : c'était une désolation, comme une ville morte sans aucune âme qui vive dans les rues, les magasins fermés avec leurs rideaux tirés, les rues étaient sales, les murs tagués; déjà que les guides n'indiquent pas grand-chose d'intéressant à voir, ce fut pour nous un effet repoussoir et, après quelques photos de l'Eglise St-Pierre et St Paul (fermée) et quelques rues parcourues en voiture, nous décidâmes de partir côté Basse-Terre.

Nous traversâmes donc la Rivière Salée pour rejoindre la route dite de la Traversée qui, comme son nom l'indique, traverse la forêt tropicale de Basse-Terre d'est en ouest; elle porte également le nom de "route des Deux Mamelles" à cause des deux dômes volcaniques, la mamelle de Pigeon (768 m) et la mamelle de Petit Bourg (716 m).

A peu près à mi-chemin, nous nous arrêtâmes visiter la Cascade aux Ecrevisses, située à peine à cinq minutes à pied de la route; il s'agit d'une cascade somme toute assez modeste, se jetant dans un bassin dans lequel il est possible de se baigner, le tout dans l'environnement de verdure de la forêt tropicale.

Arrivés sur la côte ouest à Mahaut, nous prîmes vers le nord pour gagner la commune de Pointe Noire et y visiter la très intéressante Maison du Cacao; on y déambule d'abord dans un parc où poussent les trois variétés de cacaotiers avec leurs gousses de couleur orange ou marron et où tout le procédé de fabrication de la poudre et du beurre de cacao est explicité. La visite se termine par des explications complémentaires accompagnées d'une dégustation de différents chocolats sous forme de tablettes artisanales ou de boisson chaude : un régal! Bien entendu, nous ne repartirons pas les mains vides…

Nous redescendîmes ensuite la côte jusqu'à Bouillante, en passant le long de la réserve Cousteau, sorte de parc maritime protégé de toute activité nautique. Nous aurions bien aimé faire une sortie dans un de ces bateaux à coque de verre pour admirer la flore et la faune sous-marine de l'endroit mais, malheureusement, le trafic était interrompu pour cause de grève. Nous reprîmes le chemin du retour pour rentrer à la nuit dans notre "ghetto".

Le lundi fut consacré aux rendez-vous avec le chantier Amel et ses sous-traitants pour les travaux et améliorations apportées au bateau; parmi ceux-ci, resserrage du presse étoupe de la mèche de safran, changement du chargeur de batteries pour un appareil plus puissant et de la dernière génération, remplacement d'un ventilateur de cale, confection de joues latérales de protection et d'une rallonge de la capote, mise en place de goulottes anti-ruissellement pour les hublots de rouf, commande des cartes électroniques du Pacifique; seul le nouveau calculateur de pilote automatique ne pourra être installé faute de stock.

Mardi 10 février, nous partîmes à nouveau vers Basse-Terre, mais en direction du sud; nous passâmes successivement Petit-Bourg, Goyave et Sainte-Marie avant de nous arrêter devant un temple hindou très kitch qui était sur notre route, sinon il n'aurait pas valu le détour.

Nous nous arrêtâmes ensuite à Capesterre-Belle-Eau, qui connut un peuplement rapide dès le début de la colonisation des français; de riches hollandais chassés du Brésil et spécialistes de la canne s'y installèrent dans la seconde moitié du 17ème siècle et s'allièrent aux Français; la commune, très active, sut se reconvertir lors de l'essoufflement du marché de la canne et fournit aujourd'hui plus de la moitié de la production de bananes de la Guadeloupe; on peut y admirer l'allée Dumanoir, route de la sortie sud de la ville, bordée de chaque côté d'une double rangée de palmiers royaux sur environ deux kilomètres. L'église de la ville a la particularité de posséder un clocher déporté.

Quelques kilomètres plus au sud, nous empruntâmes une petite route en direction des pentes de la Soufrière pour aller admirer l'une des chutes du Carbet, rivière descendant du massif de la Soufrière pour aller se jeter dans l'océan au sud de Capesterre. La route, par endroit très pentue, serpente au sein d'une partie de forêt tropicale humide aux fougères arborescentes pouvant atteindre 10 à 15 mètres de hauteur. Au bout de la route est aménagé un parking d'où il faut environ une demi-heure de marche sur un sentier parfaitement aménagé pour atteindre la deuxième chute haute de 110 mètres. Inutile de dire que l'endroit est très humide en permanence, mais d'une extrême beauté; on pourrait se croire perdu au sein d'une forêt vierge d'où l'on ne serait pas surpris de voir surgir Tarzan se balancer de lianes en lianes!

Nous effectuerons la pause déjeuner dans un charmant restaurant créole réalisé en bambous et roseaux, situé en bas de la route d'accès aux chutes. Puis nous reprendrons notre périple vers Trois-Rivières, commune qui doit son nom aux… trois rivières qui la traverse; au moins ici ne s'embarrasse-t-on pas de difficultés pour trouver le nom des villes! C'est du port de cet endroit que l'on embarque pour l'archipel des Saintes situé à quelques quatorze kilomètres au large. Empruntant la petite route côtière, nous arrivâmes enfin à l'extrémité sud de l'île à Vieux-Fort (devinez l'origine du nom…) charmant petit village accroché aux flancs de la falaise dominant la point sud de l'île, et possédant donc un ancien fort reconverti aujourd'hui en Centre de Broderie et des Arts Textiles. Le panorama sur le canal des Saintes y est remarquable.

Passant côté mer des caraïbes, nous franchîmes les quelques kilomètres nous séparant de la ville de Basse-Terre, capitale administrative de l'île avec le siège du Conseil Régional, du Conseil Général et la Préfecture. Par l'entrée sud de la ville, on passe à proximité du fort Louis-Delgrès qui fut la première place fortifiée de l'île dès 1650. Malheureusement, nous tombâmes rapidement sur un barrage nous empêchant de gagner le centre administratif et nous ne pûmes gagner que la partie nord de la rivière aux Herbes, quartier commerçant avec la cathédrale et l'hôtel de ville.

Le déclin économique de la ville commença en 1974 lorsque la Compagnie Générale Maritime décida de transférer ses activités au port de Pointe à Pitre qui était équipé pour recevoir les conteneurs frigorifiques. Puis, en 1976, le volcan de la Soufrière se réveilla, ce qui conduisit les autorités à déplacer quelques 75 000 personnes de la région vers la Grande-Terre pendant plusieurs mois; une grande partie de cette population ne revînt pas se réinstaller, ce qui entraîna un nouvel affaiblissement démographique et donc économique de la ville.

Lors de notre passage, nous ressentîmes une tension notable dans la ville et dans le regard des habitants. La plupart des magasins étaient fermés, soit par solidarité avec les grévistes, soit le plus souvent par peur des représailles (nous y reviendrons). Nous nous contentâmes de photographier la cathédrale et d'acheter dans une librairie curieusement ouverte du papier à aquarelle pour Maryse, avant de reprendre la route en sens inverse et de rentrer à Point à Pitre.

Le lendemain, le réservoir de la voiture n'étant pas encore vide, nous repartîmes pour la partie nord de Basse-Terre en direction de Deshaies, passant sans s'arrêter au Lamentin et à Sainte-Rose; juste au nord de Deshaies se trouve la Grande Anse avec sa plage magnifique, l'une des plus belle de la Guadeloupe. Malgré qu'elle soit située sous le vent de l'île, elle était soumise à une forte houle qui venait déferler sur le rivage, faisant le bonheur des baigneurs téméraires.

Nous continuâmes ensuite jusqu'à la ville et son magnifique jardin botanique créé sur l'ancienne propriété de Coluche; c'est l'un des plus beaux jardins qui nous ait été donné de voir : un chemin serpente dans ce paradis terrestre, tout d'abord autour d'un étang aux nénuphars dans lequel s'ébattent des carpes voraces qui se jettent littéralement sur la nourriture que l'on peut leur donner; puis on pénètre dans une grande volière où des loris et loriquets multicolores font l'émerveillement des visiteurs. C'est ensuite la zone des orchidées suivie de celle des hibiscus, puis des bougainvillées. On passe à côté d'un grand banian, figuier de l'Inde aux racines aériennes.

Il serait sans doute rébarbatif d'énumérer toutes les fleurs, plantes et arbres tropicaux présentés, le tout dans un décor naturel reconstitué avec cascades, torrent et mur d'eau. C'est une sorte de forêt tropicale à l'anglaise ordonnancée à la française et préservant l'aspect sauvage : du grand art! Nous ne pouvons que recommander à tout visiteur de la Guadeloupe de venir visiter cet endroit; même s'il n'est pas féru de botanique, il en ressortira émerveillé.

Le lendemain 12 février était un grand jour, Maryse fêtait son anniversaire! Les enfants lui avaient préparé quelques surprises que le captain complice avaient reçues par internet : fac-simile de Femmes Actuelles avec le récit de leurs souvenirs d'enfance et d'adolescent agrémentés de photos et de commentaires, et une bande son simulant son interview radiophonique, suivi des voeux de chacun des enfants, gendre, belle-fille et future belle-fille et des petits enfants. Comme prévu, le captain dut gérer les conséquences de l'émotion, mais il s'y était préparé! Puis, à 16h heure locale, ce fut une conférence à cinq sur Skype entre la Guadeloupe, Paris, Londres et Lyon où chacun put lui souhaiter à nouveau, mais de vive voix, un très heureux anniversaire. La journée se termina par un très bon dîner à l'Iguane Café près de Saint-François.

Au retour, la jauge d'essence de la voiture passa dans la zone rouge, il nous fallut donc nous résoudre à la rendre le lendemain, n'ayant aucune intention de faire plusieurs heures de queue dans une des très rares stations services réquisitionnées pour un résultat aléatoire.

La semaine qui suivit vit le mouvement social se durcir encore, au point que tous les professionnels du nautisme de la zone de la marina fermèrent, y compris le chantier Amel; n'ayant pas encore toutes les pièces de rechange demandées ni les cartes marines, nous nous résolûmes à patienter en tuant le temps comme nous pouvions : lecture, mots croisés, tricot, aquarelle, mise à jour du site sur lequel nous avions pris beaucoup de retard, entretien et astiquage du bateau.

Heureusement, nos amis Geneviève et François d'Ultreïa nous avaient rejoints à Pointe à Pitre ce qui nous permit de partager de bons moments ensemble : dîner, apéritifs, parties de belotte acharnées. Cependant, l'atmosphère qui régnait devenait malsaine pour ne pas dire délétère. Le "jusqu'au-boutisme" du leader du mouvement pouvait laisser craindre les débordements qui ne tardèrent pas à arriver : barricades, incendies, pillages de magasins, racket, vandalismes de toute sorte et, pire, tir à balles réelles dans des quartiers chauds jusqu'à la mort d'un syndicaliste. Comment un état de droit peut-il ainsi laisser faire, pire, négocier dans de telles conditions sans mettre en danger la démocratie? Toute revendication, aussi légitime soit-elle, peut-elle conduire à des exactions et des privations de liberté de circuler et de travailler de la majorité de la population, cautionnées par des élus?

Quant aux discours entendus sur les ondes ou dans la rue, ils nous faisaient mieux comprendre le malaise de fond : français oui, pour tout l'argent que la métropole "doit" envoyer, pour le reste, il n'est question que du "peuple guadeloupéen"! Le poids du passé pèse encore trop lourd dans l'inconscient collectif populaire"entretenu", conduisant à des relents de racisme anti-blancs.
Mais le présent site n'a pas pour objet de développer des polémiques de cet ordre, nous en reviendrons donc à notre séjour.

Nous allons ainsi vivoter jusqu'au 23 février, non sans avoir fait quelques connaissances supplémentaires sur le ponton; en particulier Annie et Michel, des Bordelais, venus sur Annichat, un Grand Soleil 43; Maryse croisera également un couple avec lequel nous avions fait le stage de sécurité à Quiberon, que nous devions revoir quelques jours plus tard. Mais, ne tenant plus en place et ayant reçu et monté toutes nos pièces à l'exception des cartes électroniques du Pacifique, nous décidâmes de partir le lendemain 24 février pour Antigua.

Pour ce faire, deux options s'offraient à nous : la route la plus courte nous obligeant à remonter au vent jusqu'à la Pointe des Châteaux avant de mettre le cap sur notre destination, ou bien redescendre faire le tour de la Guadeloupe par le sud, puis remonter la côte sous le vent avant de traverser le canal d'Antigua. C'est cette deuxième option que nous retînmes avec une escale à Deshaies le premier soir, au nord de la côte ouest.

Nous quittâmes Pointe à Pitre le 24 février à 10h30 sous un alizé encore musclé, mais la mer se calma dès que nous passâmes sous le vent de l'île. C'est calmement que nous atteindrons Deshaies juste avant la nuit et après avoir aperçu à 150 mètres du bateau une baleine et son baleineau qui se promenaient non loin de la côte cinq mille avant le mouillage.

Le 25 février, nous levions l'ancre vers 8h à destination d'Antigua, quittant ainsi définitivement et sans regrets la Guadeloupe.

ANTIGUA

C'est vers 15 heures que nous atteignîmes l'île d'Antigua et son célèbre mouillage d'English Harbour. Le captain attendait beaucoup de cette escale à cause de son côté très britannique; elle fut en effet occupée par les Anglais dès 1632 après avoir été abandonnée par les Espagnols qui la jugeaient trop aride. C'est donc une présence britannique continue de plus de trois siècles, à l'exception d'une seule année d'occupation française, qui devait avoir donné à ce territoire le style "so british" que le captain apprécie tant. Comme ses sœurs caraïbes, elle obtint son indépendance en 1981 : le côté pragmatique des Anglais pour se débarrasser des problèmes, ce que nous n'avons su faire…

Qui plus est, cette île est bien connu des amoureux de la voile pour la célèbre manifestation annuelle, la semaine d'Antigua, réunissant les plus beaux coursiers véliques anciens et modernes du monde pour des régates aussi belles qu'acharnées, un peu à l'image des Voiles de Saint-Tropez (ancienne Nioulargue) qui se déroule chaque année en octobre.

Sur cette île, la culture de la canne à sucre, aujourd'hui abandonnée, fut également à l'origine d'une importante importation d'esclaves africains qui influença fortement la répartition ethnique de l'île; aujourd'hui, 95% des habitants sont d'origine africaine. L'économie de l'île est actuellement maigrement assurée par la culture du coton, la pêche et le tourisme.

A l'arrivée, nous n'avons pas été déçus par le site, sinon par sa taille plus petite que ce que l'on imaginait; le paysage n'est pas sans rappeler celui des rivières de la Cornouaille anglaise, généralement flanquées de part et d'autre de leur embouchure de fortins défendant l'entrée. Nous nous enfonçâmes dans le fond de la baie pour trouver un endroit paisible pour mouiller mais, faute de place ou de fond, nous dûmes revenir près de l'entrée pour trouver notre bonheur.

Un petit coup d'annexe et nous voilà débarqués sur le Nelson's Dockyard, l'endroit le plus réputé d'Antigua; il s'agit d'un ancien arsenal, construit entre 1725 et 1746 mais abandonné par la Royal Navy à la fin du 19ème siècle. Dans les années 50, un ancien officier de marine, le Capitaine Nicholson, entreprit les premières restaurations poursuivies aujourd'hui par une association.

C'est ainsi que l'on peut admirer l'Admiral's House reconvertie en musée, les anciennes écuries, le quartier des officiers et un certain nombre de bâtiments abritant aujourd'hui deux hôtels de luxe, comme celui qui est installé dans des anciens ateliers en bordure du chemin de halage et de ses colonnes en pierre. L'architecture militaire n'en est pas moins jolie avec ces bâtisses de pierre et de brique, dans un site préservé. Il en ressort une atmosphère feutrée bon chic bon genre, un peu désuète mais tellement british!

Une autre curiosité inattendue fut la présence de pélicans dont un couple passait son temps à monter la garde sur les piliers du ponton de Nelson's Dockyard quand il ne pêchait pas en effectuant des plongeons spectaculaires et bruyants autour des bateaux pour trouver leur pitance.
En bon navigateur soucieux des formalités administratives, nous nous dirigeons vers le bâtiment de la douane et de l'immigration pour tomber sur une porte fermée : ici, la journée semble se terminer de bonne heure pour les fonctionnaires de ces doctes administrations. Nous y reviendrons donc le lendemain, ne nous doutant pas de ce qui nous attendait…

Puis, de retour au bateau, nous aperçûmes non loin de nous Renata de Monique et Jean-Claude, arrivés une heure plus tôt de Marie Galante qui ne leur laissa d'ailleurs pas un souvenir impérissable. Nos retrouvailles avaient été prévues par sms interposés; évidement, nous avions beaucoup de choses à nous raconter et nous terminâmes la journée en dînant à bord de Renata.

 

Ou comment garder son flegme britannique dans une île qui ne l'est plus

Le lendemain matin à l'heure d'ouverture théorique, le captain se présente avec ses beaux papiers et ses passeports au bâtiment des administrations. La représentante de la marina, située dans le même local, lui indique qu'il faut commencer par les douanes, puis terminer par l'immigration située au guichet juste à côté.

- D'accord, mais il n'y a personne aux douanes,
- Attendez, il ne va pas tarder

Au bout d'un bon quart d'heure, le captain n'y tenant déjà plus, se présente au guichet de l'immigration pour expliquer son cas et commencer à remplir des documents.

- Vous devez commencer par les douanes
- Je sais, mais il n'y a personne
- Attendez, il ne va pas tarder
- J'attends déjà depuis une demi-heure (le gros menteur!)

Le cas ne semblant pas être rare, la préposée d'un geste d'une lenteur extrême qui devait lui coûter un effort considérable, lui jette d'un air méprisant une liasse de papiers carbonés en lui précisant de bien appuyer pour que tous les exemplaires soient lisibles.

Bon, on va pouvoir avancer! Consciencieusement, et en appuyant bien avec le stylo que la préposée a bien voulu consentir à lui prêter, le captain remplit le formulaire presque les yeux fermés, les renseignements demandés, tant sur le bateau que sur les membres de l'équipage, étant finalement toujours les mêmes dans chaque pays.

Fort de ses expériences en assurance de la qualité, le captain vérifie son travail, et s'aperçoit, horreur, que les trois derniers feuillets sont vierges de toute trace d'écriture! Il faut dire qu'il y avait bien une dizaine d'exemplaires…Il repasse donc chaque rubrique au stylo puis, satisfait du travail accompli, s'en vient rendre la liasse au guichet. Mais il n'y a plus personne, ou plutôt, à l'arrière du bureau, il aperçoit la préposée discuter avec une collègue tout en buvant le café; le fait de voir le pauvre skipper poireauter devant son guichet ne la trouble pas une seconde. Il faudra attendre la fin de la conversation et du café pour que cette pauvre travailleuse submergée par le travail et le stress daigne revenir à son poste, prendre la liasse sans un regard, hausser les épaules à la vue du travail des trois derniers feuillets, en détacher quelques uns, rendre au captain les autres en lui demandant d'aller les porter à la douane et d'y effectuer les formalités d'usage.

OK, mais il n'y a toujours personne à la douane! En désespoir de cause, il s'en va trouver la représentante de la marina qui lui dit de patienter, qu'il ne va pas tarder à arriver…Cela fait quand même trois quarts d'heures que la plaisanterie a commencé!
La pression monte, mais dans ce temple de l'administration ex-britannique, pas question de perdre son calme, au moins apparent.

Un quart d'heure plus tard, n'y tenant plus, notre captain indique à la représentante de la marina, sur un ton n'appelant aucune réponse ou remarque, qu'il s'en va, qu'il reviendra plus tard quand les douanes auront décidé de commencer leur journée. Depuis, le bureau s'était rempli d'un certain nombre de skippers de toute nationalité qui faisaient sagement la queue devant le guichet des douanes!

Une demi-heure plus tard, après avoir pris un bon bol d'air salutaire, le captain fait son retour et, miracle, aperçoit un clampin en jean et chemise ouverte qui devait faire office de douanier, à l'arrière de son guichet, en train de manger un énorme sandwich dégoulinant et débordant au son d'un transistor crachant le maximum de décibels dont il était capable : surréaliste! Quant aux autres skippers, le captain se réjouissait de les voir s'escrimer au guichet de l'immigration sur leur liasse de feuilles carbonées, la plupart s'étant fait tancer par la digne représentante de l'immigration car les derniers feuillets étaient illisibles…

Mais la désinvolture du douanier commençait à chatouiller le captain qui, hypocrite, lui lançait un "hello" qui voulait dire "bouge-toi un peu gros lard". Enfin, il s'approcha en traînant les pieds et, avec ses mains grasses du sandwich ingurgité à 9h30 du matin, saisit les feuillets de l'immigration pour les contrôler et y déposer un coup de tampon et un visa, puis tendit au captain le formulaire des douanes à remplir "en appuyant bien pour… etc".

Vite fait bien fait, deux minutes plus tard le captain lui tend fièrement le formulaire rempli et lisible jusqu'à la dernière page, puis sans un regard de compassion pour le dur labeur de cet homme à une heure si matinale, tourne les talons et se dirige le cœur léger vers la sortie.

STOOOP! Entendit-il jaillir du guichet : vous devez retourner à l'immigration faire tamponner les feuillets et me les ramener. Seulement voilà, au guichet de l'immigration, il y avait maintenant une queue impressionnante!

- Le tampon est à deux mètres de vous, ne pouvez-vous pas les tamponner vous-même?
- Non, c'est le travail du service de l'immigration.

Le captain croyait rêver, ou plutôt faire un cauchemar! Même en France l'administration n'était pas arrivée à ce niveau de torture! Il prit de manière délicate le formulaire et se dirigea d'un air joyeux vers le guichet d'à côté : remarquez tout de même le côté pragmatique et organisé de l'administration locale qui a tout de même eu l'idée géniale de mettre les deux services côte à côte et non aux deux extrémités de la ville!

Est-ce l'air abattu de son attitude ou son regard méchant des mauvais jours, en tout cas, la préposée du service de l'immigration lança à sa copine avec laquelle elle avait entamé une nouvelle conversation et qui ne faisait toujours rien : "Tamponne-lui son formulaire", ce qui fut fait à peu près cinq minutes plus tard montre en main.
Le captain entrevoyait le bout du tunnel et retournait le cœur presque léger à l'idée de retrouver bientôt et enfin son second qu'il avait quitté voilà deux bonnes heures. Mais voilà, les premiers autres skippers avaient réussi leur examen de passage de l'épreuve de la liasse carbonée et faisaient maintenant la queue devant le guichet de la douane! Ça n'allait donc décidément jamais finir…

C'est un quart d'heure plus tard, soit deux heures et quart depuis son arrivée à l'ouverture des bureaux, qu'il put enfin crier victoire et terminer une procédure qui avait duré deux fois cinq minutes au Cap Vert!

Si les Anglais sont très forts pour se débarrasser de leur problème, ils sont nuls quant à la formation de leurs ex-employés à l'efficacité, et au savoir vivre.

Fin du feuilleton. 
 

La matinée étant déjà bien avancée, nous décidâmes avec nos amis de faire une petite visite à pied des environs en début d'après-midi. Nous montâmes ainsi au fort Berkeley dominant la pointe ouest de l'entrée d'English Harbour d'où le point de vue est très joli; un canon encore présent remémore le côté amical de nos amis Anglais envers les anciens visiteurs de l'île…

Puis nous repartîmes toujours à pied vers le nord du Middle Ground, presqu'île sur laquelle se situe le fort Berkeley et reliée au reste de l'île par un isthme séparant English Harbour à la baie de Falmouth Harbour, bien plus vaste mais moins jolie; c'est au fond de cette baie que l'on trouve le très sélect Antigua Yacht Club et une marina accueillant les plus belles unités de la semaine d'Antigua qui aura lieu courant avril. Quelques super yachts y étaient présents le long d'un quai sécurisé et réservé aux équipages.

Nous découvrirons avec délices un petit supermarché bien garni, chose que nous n'avions plus vue depuis longtemps à cause des grèves guadeloupéennes. Nous y ferons quelques achats d'attente avant d'y revenir plus tard faire un avitaillement complet.

Au retour, nous réserverons avec Jean-Claude une voiture de location pour les deux jours suivants auprès d'une employée aussi motivée et nonchalante que les préposés de l'Administration : nous ne pensions pas que cela fut possible! La journée se termina par une partie de belote sur Renata.

Le lendemain, 27 février, nous partîmes tous les quatre vers la capitale de l'île, Saint-John's, située au nord-ouest et sans oublier de rouler à gauche…L'île était manifestement en effervescence avant les élections locales qui devaient se tenir quelques jours plus tard : le long des routes, tous les arbres et tous les poteaux électriques étaient enveloppés de polyanes aux couleurs bleue ou rouge en fonction du parti qui était passé le premier; certains comportaient même les deux couleurs.

La visite de la capitale fut assez décevante, car, à part un beau marché où nous ferons le plein de fruits et légumes, la ville s'étire le long du port dont une partie est réservée aux bateaux de croisières américains qui déversent leurs touristes obèses, mal fagotés et décorés comme des arbres de Noël dans un quartier de magasins free taxe. En rentrant vers le centre, on découvrira l'église anglicane, seul monument digne d'intérêt malgré son caractère un peu délabré et son jardin sale et mal entretenu.

Nous reprendrons donc la voiture pour longer la côte ouest et nous "égarer" dans un immense parc privé hôtelier donnant sur la Hawksbill Bay et sa plage privée. Les femmes du bord se mirent tout d'un coup à rêver d'un séjour dans ce lieu de rêve à 5 étoiles que leur offrirait leur captain respectif! Il était temps de partir pour nous arrêter à Jolly Harbour et sa marina située dans un immense complexe lacustre et équipé d'un supermarché à faire se pâmer tout ressortissant guadeloupéen affamé! Puis nous continuerons le long de la côte pour nous arrêter sur la superbe plage de Darkwood Beach où le bain sera de rigueur avant le casse-croûte de midi.

Autant l'intérieur de l'île offre peu d'intérêt, autant ses côtes sont somptueuses et ses anses, ses baies et ses plages magnifiques. Nous ne pourrons d'ailleurs nous empêcher de nous arrêter plus tard en fin d'après-midi sur une autre plage, celle de Long Bay, offrant des possibilités de snorkeling sur les récifs de corail la protégeant des assauts du large; Maryse put donc confirmer son premier degré de plongeuse avec Jean-Claude!

Après Old Road, la route côtière oblique vers le nord pour s'enfoncer dans la seule partie de l'île humide et luxuriante, dû au relief de Signal Hill, avant de rejoindre la route principale que nous avions empruntée le matin pour nous rendre à Saint-John's. C'est à la nuit tombante que nous nous arrêtâmes à la marina de Falmouth Harbour et son supermarché pour compléter nos courses de la veille avant de rejoindre nos bateaux respectifs puis nous retrouver sur Olympe pour un dîner en commun.

Le lendemain fut consacré à la partie est de l'île, donc côté océan, où les dépliants vantent ce qui semble être la plus belle plage de l'île : Half Moon Bay. Nous nous égarerons plusieurs fois avant de l'atteindre : il faut dire qu'une bonne partie des côtes de l'île est inaccessible, monopolisées qu'elles sont par des domaines hôteliers privés de grand standing, bien sûr dans les sites les plus beaux; c'est bien regrettable, et l'on peut se féliciter qu'en France, la loi littorale évite ce genre d'abus.

Comme bien souvent, lorsque l'on s'attend à découvrir une merveille, on est déçu; certes, la plage est belle, en forme parfaite de croissant de lune, mais elle est exposée au vent et à la houle et n'est bordée d'aucune végétation intéressante. Nous la parcourrons à pied pour apercevoir en son extrémité nord un passage sur un éperon rocheux aux formes et couleurs très particulières et conduisant à une autre plage située en contrebas d'un domaine privé dont nous nous étions faits refoulés en voiture! Un golf en bordure, une mer calmée par la protection de récifs coralliens, un abri en dur inoccupé avec tables et chaises, voilà de quoi passer un bon moment de baignade-plongée et de repas de midi confortablement installés à l'abri d'un soleil de plomb.

Pendant notre déjeuner, un digne représentant du domaine privé s'approcha pour nous expliquer très courtoisement que nous occupions une construction privée, que nous ne pouvions pas y rester mais qu'il n'y avait pas de problème pour profiter de la plage. Il accepta néanmoins que nous terminions notre repas avant de plier bagages! Quelque usager grincheux du domaine avait du "cafter", car des bâtiments, il était impossible de nous apercevoir.

Puis nous reprîmes la route, nous égarant à nouveau à plusieurs reprises pour atteindre le cap Devil's Bridge, cap le plus à l'est de l'île et géologiquement étonnant avec ses roches en forme de strates que balayait la houle du large.

Pour terminer nos découvertes du jour, nous montâmes sur la côte nord jusqu'à Parham Harbour, situé dans l'immense Fitches Creek Bay; mais cet endroit était sans intérêt et nous rentrâmes sur English Harbour après avoir accepté, à la demande générale de la gente féminine, de retourner au magnifique supermarché de Joly Harbour!

Le lendemain 1er mars était notre dernière journée à Antigua; le matin fut consacré à un peu de repos et aux vérifications habituelles du bateau avant un appareillage. L'après-midi, nous retrouvâmes l'équipage de Renata sur la plage d'English Harbour, ce qui valut à Maryse de faire un aller-retour à la nage de Renata à la dite plage…

Après ce que nous pensions être des adieux à Monique et Jean-Claude dont le programme divergeait à présent du nôtre, nous regagnâmes Olympe et appareillâmes à 19 heures à destination de Saint-Barthélémy distante de quelques 80 milles.


SAINT-BARTHELEMY

L'histoire de cette petite île de 24 km2 est assez originale; découverte comme les autres par Christophe Colomb lors d'un de ses voyages et à laquelle il donna le nom de son frère Bartholomeo, l'île, très aride, fut vite abandonnée par les Espagnols; c'est en 1665 qu'une centaine de paysans venus de Bretagne et de Normandie vint s'installer pour tenter de cultiver ce sol ingrat. Ils étaient devenus 600 un siècle plus tard quand Louis XVI revendit l'île à la Suède en échange d'un droit d'entrepôt dans le port de Göteborg.

La présence suédoise a marqué ce territoire, d'abord par la ville principale nommée Gustavia qui fut un port franc lors des guerres franco-britanniques, permettant ainsi aux Suédois de faire de bonnes affaires, et son architecture urbaine.

Mais les guerres terminées, les Suédois se trouvèrent bien embarrassés avec ce lopin de terre et la France accepta de racheter l'île en 1877, retrouvant ses bretons et ses normands qui s'étaient développés sans aucun métissage; d'ailleurs, aucune importation de main d'œuvre africaine n'avait eu lieu compte tenu de la pauvreté du sol. Aujourd'hui, "Saint-Barth" est restée une île blanche et très conservatrice.

Gustavia étant resté port franc, quelques paysans se reconvertirent dans le commerce et la flibuste, ce qui développa une flotte de goélettes à la redoutable réputation jusqu'à ce que deux terribles cyclones ne la détruisent dans les années 50 et 60.

Aujourd'hui, l'île est essentiellement tournée vers le tourisme de luxe, le prix des terrains a explosé ce qui est aussi une manière de rester entre soi et de sélectionner ses hôtes! Les descendants des premiers habitants ont fini par récolter le fruit du travail acharné de leurs ancêtres.

C'est vers 8h30 le 2 mars que nous mouillâmes dans la baie de Gustavia, la marina étant complète. Bien qu'orientée nord-ouest, elle est assez mal protégée et le mouillage s'avéra rouleur et assez inconfortable. Mais, comme vous l'avez compris, l'île est devenue une pompe financière et à peine arrivés, un bateau de la capitainerie s'approcha pour nous indiquer que le mouillage était payant et qu'il fallait passer au bureau pour les formalités…

Ce sera chose faite une heure plus tard, ayant pris l'annexe pour nous rendre en ville. Ce qui étonne le plus au premier abord, c'est le côté propre et bien rangé de la ville avec ses rues à angle droit (c'est le côté nordique qui est resté…), ses boutiques de luxe où toutes les marques prestigieuses sont représentées, une capitainerie de grand standing et un office de tourisme situé juste à côté où l'on vous accueille avec beaucoup de courtoisie et où l'on vous inonde de documentations luxueuses sur papier glacé! Voilà qui change des étapes précédentes, mais cela engendre vite la crainte d'un côté factice et superficiel.

La ville ressemble à un fer à cheval entourant le bassin de la marina. Nous en ferons assez rapidement le tour et y reviendrons l'après-midi pour déambuler rue du Bord de la Mer et rue du Général de Gaulle, les deux rues les plus commerçantes de Gustavia, puis, dans le fond de la marina, les rues Fahlberg, Courbet et de l'Eglise où nous verrons l'église anglicane, l'église catholique, la préfecture actuelle installée dans l'ancienne prison suédoise et le clocher suédois.

Le long de la rue Fahlberg, nous passerons devant les vitrines des quelques agences immobilières regroupées dans le secteur, arborant des photos de propriétés hollywoodiennes à vendre à des prix indécents (Maryse ne pourra s'empêcher de rentrer discuter dans l'une d'elle).

Enfin, côté opposé à la capitainerie, au bout de la rue Jeanne d'Arc et de la rue des Quais, l'Hôtel de Ville, la bibliothèque et la place Vanadis. Tout est propre et coquet, ça respire la santé et l'argent…Nous terminerons la journée dans une brasserie équipée de Wi-Fi pour récupérer nos courriers, après avoir retenu une voiture pour le lendemain.

Compte tenu de la grandeur de l'île, une journée est largement suffisante pour en faire le tour; d'ailleurs, il se loue autant de scooters ou de squads que de voitures, et ce n'est pas une mauvaise formule car les endroits pour se garer, même hors de la ville sont rares. Ce qui frappe dès que l'on sort de la ville, c'est le côté très aride des paysages : ici les cactus sont rois, notamment les cactus colonnes, les couleurs étant données par une myriade de lauriers roses.

Nous partîmes d'abord sur la côte nord pour traverser Saint-Jean après avoir longé l'aéroport dont la piste semble se jeter dans la mer, puis le village de Lorient et contournâmes l'île par l'est pour arriver au sud-est à l'anse de Grand Fond. Puis la route rentre à nouveau à l'intérieur de l'île pour contourner le Morne Grand Fond, et revient en bord de mer en impasse jusqu'à l'anse des Salines flanquée d'une très jolie plage.

Nous irons ensuite visiter l'anse adjacente, dite Anse du Gouverneur, après un nouveau détour vers l'intérieur, avant de remonter jusqu'à la pointe Nord-Est de l'île où vingt minutes de marche à pied seront nécessaires pour atteindre l'Anse de Colombier, le meilleur mouillage de l'île, avec des bouées, gratuit, avec une belle plage et situé au sein d'une zone protégée avec des tortues et des jolis poissons : c'est juré, nous viendrons y mouiller dès le lendemain! L'endroit est vraiment très agréable; en guise d'apéritif, nous y prendrons un bain bien rafraîchissant, ferons un peu de plongée et déjeunerons avant de repartir terminer notre visite de l'île.

Pour terminer, nous zigzaguerons de la côte sud-ouest à la côte nord en passant successivement par Corossol, l'Anse des Cayes où Maryse complètera sa collection de sable et de galets, à nouveau Saint-Jean et Lorient où nous trouverons enfin une place pour nous garer et nous promener dans le centre et autour de l'église et du cimetière tout de blanc vêtu et très fleuri.

Nous rentrerons à Gustavia en fin d'après-midi et regagnerons le bord pour notre dernière nuit dans ce mouillage inconfortable.

C'est en fin de matinée, après avoir effectué les formalités de sortie de l'île (même si l'on doit se rendre à Saint-Martin, l'autre île française voisine, on doit faire les formalités d'entrée et de sortie!) que nous levons l'ancre pour nous déplacer un peu plus au nord dans l'Anse de Colombier visitée la veille. Nous y prendrons une bouée de mouillage et passerons la journée entre le bateau, la plage et la plongée pour laquelle Maryse confirmera ses bonnes dispositions : Jean-Claude a fait du bon travail!

C'est le lendemain matin, 5 mars que nous quitterons Saint-Barth pour nous rendre à Saint-Martin distante d'une vingtaine de milles.

SAINT-MARTIN

Nous quittâmes le mouillage du Grand Colombier à 9h30, pour aller contourner le sud de la partie hollandaise de l'île de Saint-Martin et remonter la côte ouest jusqu'à la capitale de la partie française, Marigot, que nous atteindrons un peu avant 16h après avoir slalomé au sud de l'île entre des bateaux de régate qui s'entraînaient pour les journées Heineken qui débutaient le lendemain.

L'histoire de cette île a en effet voulu qu'elle soit finalement partagée en deux territoires, l'un hollandais, l'autre francais; comment en est-on arrivé là?

Cette île n'échappe pas à la règle de ses consoeurs : elle fut découverte par C. Colomb en 1493 le jour de… la saint Martin! La colonisation espagnole ne commença cependant qu'en 1638 mais, fatigués par les incessantes incursions des Anglais, Français et Hollandais, les colons quittèrent l'île 10 ans plus tard. C'est le 23 mars 1648 que quatre marins français déserteurs et cinq hollandais désireux de s'y implanter signèrent un accord de partage toujours valable aujourd'hui et basé, selon la légende, sur le résultat d'une course à pied entre un français qui aurait triché en prenant des raccourcis et un hollandais. Ceci expliquerait que le territoire français occupe les 3/5 des 90 km2 de l'île!

La forme de cette île est assez particulière en raison d'un immense lagon sur sa partie ouest formé par la présence d'une presqu'île, Terres Basses, située à l'extrême ouest sur le territoire français, reliée au reste de l'île par deux isthmes, un au nord sur la partie française, l'autre au sud sur la partie hollandaise sur lequel se situe l'aéroport international. Cet immense plan d'eau, dénommé Simpson Bay Lagoon, renferme de nombreux abris et marinas, mais les profondeurs d'eau y sont majoritairement très faibles. On y accède par deux passes équipées d'un pont routier levant, une sur chaque territoire.

Comme Saint-Barth, la petite sœur, l'île de Saint-Martin dépend administrativement de la Guadeloupe et elle est zone franche des deux côtés de sa frontière interne. Aussi est-ce un cortège sans fin d'énormes paquebots de croisière qui viennent quotidiennement, surtout côté hollandais qui est le seul à posséder des casinos, déverser leurs touristes des temps modernes. Nous en aurons plus tard un aperçu en visitant Philipsburg, la capitale du côté hollandais.

Nous choisîmes de tester la nouvelle marina de Fort Louis pour refaire le plein d'eau et nettoyer le bateau. La disposition en arc de cercle des pontons est assez originale, et nécessite de prendre des bouées par l'avant ou, lorsqu'il n'y en a pas, (c'était notre cas) mouiller par l'avant et culer jusqu'au ponton. Comme à Saint-Barth, la pompe à monnaie est la règle : les tarifs y sont plus élevés qu'ailleurs, l'eau et l'électricité facturées en sus (des compteurs sont présents à chaque emplacement), les douches sont payantes, l'internet également, etc… Bref, vous l'aurez compris, moins on y reste, mieux on se porte!

Nous ferons rapidement connaissance avec nos voisins de ponton tribord, Louise et Jean-Louis; ils habitent en Guadeloupe depuis 20 ans, Jean-Louis y ayant enseigné les mathématiques dans le secondaire; il nous décrira les conditions de son travail et l'impossibilité d'y faire correctement son métier sans passer pour le méchant blanc, donc mauvais professeur, qui met des mauvaises notes; édifiant! Las des évènements en cours, ils sont venus passer quelques semaines dans les îles plus au nord.

Le lendemain fut consacré à une première découverte de Marigot, à une heure de queue à la poste pour expédier un courrier (à toute heure du jour, la queue dépasse sur le trottoir!). Premier contraste fort par rapport à Saint-Barth, on n'est plus dans une île blanche, la grande majorité de la population étant d'origine africaine et parlant plus volontiers l'anglais que le français. Lors de l'abolition de l'esclavage, la plupart des colons français quittèrent l'île pour être remplacés par des planteurs anglo-saxons. Les anciens esclaves choisirent les patronymes de leurs nouveaux boss et petit à petit, l'anglais se substitua au français. La ville est aussi moins attirante, moins propre et moins organisée.

Le vendredi 7, le captain n'y tenant plus partit en vélo chez le plus grand shipchandler des Antilles, Budget Marine, situé au fond du lagon côté hollandais; c'est la première fois qu'il traversait une frontière en vélo, frontière d'ailleurs sans douaniers ni barrière mais juste matérialisée par le Boudary Monument érigé en 1948 pour commémorer le trois centième anniversaire du fameux traité de partage de l'île. Il eut un peu de mal à trouver l'enseigne à l'écart de la route mais déambula émerveillé dans un supermarché d'équipements et de produits destinés au nautisme, à des prix compétitifs. Il revint avec quelques bricoles mais surtout avec le ventilateur de cale qu'il n'avait pu trouver en Guadeloupe. Il pu en même temps constater la différence de qualité du réseau routier entre les deux parties de l'île, celui-ci étant de bien meilleure qualité côté français.

L'après-midi fut consacrée au montage du ventilateur et au repérage des lieux d'approvisionnement que nous avaient indiqués Louise et Jean-Louis.

Le dimanche 8 mars fut consacré à un peu de farniente, à la mise à jour du site Olympe et surtout à la prise de décision d'effectuer le carénage et l'antifouling du bateau; en effet, malgré un bon nettoyage de la coque en Dominique, celle-ci a déjà bien reverdi et les coquillages commencent à nouveau à s'y accrocher; elle n'attendra pas Tahiti comme nous l'avions initialement espéré.

Le lundi fut donc consacré à prendre rendez-vous avec un chantier pour sortir le bateau de l'eau, puis à repartir chez Budget Marine, mais cette fois en annexe, acheter les pots d'antifouling.


Mardi, fut la journée de stress maximum, d'abord pour atteindre et franchir le pont d'accès au lagon en rasant des hauts-fonds sur lesquels brisait la houle du large, puis pour emprunter le chenal mal balisé dans lequel le sondeur ne donnait plus d'indication tant il restait peu d'eau sous la quille, et enfin lors du levage du bateau à l'aide d'un travel-lift dont les sangles n'étaient plus d'une première jeunesse! Quant au calage à terre, il fut effectué avec de vieux trépieds métalliques rouillés et parfois dessoudés. Mais le patron du chantier, un canadien, nous avait juré que tout se passerait bien, alors…

Nous nous rendîmes rapidement compte que le travail n'avancerait sans doute pas aussi vite que nous l'espérions compte tenu de la nonchalance (le mot est faible!) des ouvriers du chantiers. Aussi, pour éviter de faire craquer nos nerfs déjà à vif, nous décidâmes de louer une voiture pour les deux jours suivants "pour ne pas voir ça".

Première journée, nous quittons Marigot par Sandy Ground, l'isthme français reliant l'île à Terres Basses; cette partie française de l'île est la plus résidentielle; c'est là que sont implantées les plus belles propriétés des gens du show-biz et des hommes d'affaires. Rien que les hauts murs d'enceinte et les lourds et ouvragés portails d'entrée en disent long sur ce qui peut se cacher derrière!

La route côtière qui fait le tour de Terres Basses permet néanmoins d'accéder à de superbes plages, comme celle de la Baie aux Prunes ou celle de Long Bay; à l'extrémité de cette dernière commence le territoire hollandais et là, changement de décors : des complexes hôteliers, des immeubles partout, pas de très bon goût mais destinés à la location saisonnière; en traversant l'isthme sud, on pourra voir les stigmates bizarrement encore intacts du cyclone Luis de 1995. La route longe ensuite l'aéroport dans une circulation intense où nous retrouvons les plaisirs des embouteillages. Une fois le pont d'accès au lagon franchi, la route s'élève et contourne quelques reliefs avant de redescendre sur la capitale néerlandaise, Philipsburg, construite sur un isthme séparant la mer des Caraïbes de Great Salt Pond.

En bordure de la jolie baie au nom original de Great Bay, la ville s'étend en longueur le long de sa plage et comporte essentiellement deux rues parallèles au rivage, Frontstreet et Backstreet, toute deux dédiées au commerce free taxe. C'est donc sur plus d'un kilomètre une succession de boutiques dédiées aux touristes venus faire des affaires : bijouteries joailleries, parfumeries, produits électroniques, enseignes de luxe, etc. le tout dans un décor imitation carton pâte, très propre et coloré.
En y arrivant, trois énormes bateaux de croisières étaient à quai et ces deux rues étaient remplies de touristes américains, toujours aussi obèses et mal fringués. Nous y déambulerons quelques moments, le temps de voir le seul bâtiment digne d'intérêt, Court House, édifié en 1793 par le fondateur de la ville. Il abrita successivement le Council Hall, la poste et la prison et a été rendu aujourd'hui à sa destination première, le palais de justice.

Nous reprendrons ensuite notre route en remontant la côte Est par Dawn Beach et Oyster Pond, un des seuls abris sur la côte au vent, marquant la fin du territoire hollandais.

Puis, longeant le grand Etang aux Poissons, nous visiterons une curiosité originale : la ferme aux papillons. La plupart des espèces de papillons des pays tropicaux y sont "cultivés", au sein d'une immense volière en filet, agrémentée de toutes les espèces végétales nécessaires à leur reproduction. Tout le processus de vie des papillons nous fut montré et expliqué, de la ponte des œufs minuscules sur les feuilles, à la naissance des chenilles puis des chrysalides avant la métamorphose des plus belles espèces de papillons dont la taille de certain est réellement impressionnante. Nous avons eu un faible pour un magnifique et gigantesque papillon de nuit à qui il faut 6 mois de gestation pour sortir de sa chrysalide et 6 jours pour mourir de faim et de soif, car il ne possède aucun organe lui permettant de se nourrir.

Nous monterons ensuite jusqu'à la partie nord de l'île, le French Cul de Sac, avant de rentrer sur Marigot, non sans s'arrêter au village de Grand Case, capitale gastronomique de l'île; la rue principale, de style créole, est en effet constituée de quantité de restaurants de tout niveau y compris de grandes tables aux menus bien alléchants!

Nous rentrerons ensuite au chantier où nous constaterons que la coque a été nettoyée et la couche de primaire passée. Nous recevons alors un sms de Monique et Jean-Claude : ils sont au mouillage devant Philipsburg où nous étions quelques heures plus tôt! Nous leur répondons aussitôt en leur disant qu'on est à Marigot encore quelques jours et qu'on espère bien les revoir. Nous dormirons à bord, pas très rassurés quant à la tenue du bateau sur ses trépieds, surtout quand le vent le faisait bouger!

Le lendemain matin, le captain nettoiera l'hélice qui était manifestement le cadet des soucis du chantier, puis nous partîmes à la recherche d'une grosse pince à rivets, du style accordéon, pour être autonome en mer si par mésaventure les rivets de fixation de l'enrouleur de génois continuaient à se faire la valise périodiquement. C'est au bout du quatrième grand magasin d'outillages côté hollandais que nous trouvâmes notre bonheur.

Après déjeuner, nous partîmes en voiture monter le sommet de l'île, le Pic Paradis, à 424 mètres d'altitude. Malheureusement, le relief alentour masque un peu les points de vue que l'on pourrait avoir de l'île. Nous redescendrons pour nous enfoncer ensuite dans la vallée de Colombier, endroit sans doute le plus humide et donc le plus verdoyant de l'île.

Nous traverserons Marigot pour retourner à Philipsburg faire l'achat d'un appareil photo qui devrait grandement améliorer la qualité des images du site! En rentrant au chantier, nous aurons la satisfaction de voir que les deux couches d'antifouling ont été passées moyennant trois galons de peinture supplémentaires : les couches doivent être épaisses! La remise à l'eau est donc programmée pour le lendemain.

Vendredi 13, il ne faut pas être superstitieux, ça porte malheur! Pendant que Maryse va rendre la voiture et acheter du poisson, le captain essaie en vain d'activer la fin des travaux; car avant de remettre le bateau à l'eau, il faut le soulever avec le travel lift, enlever les trépieds et traiter la coque à l'endroit des patins et sous la quille; le captain demande aussi une protection entre la coque et les sangles afin d'éviter les traces bleues qu'il a eu un mal de chien à faire disparaître après la sortie de l'eau : désappointement de l'ouvrier en chef qui se met en quête de cartons traînant dans le chantier; un quart d'heure plus tard, il revient avec un carton qui suffira tout juste pour un côté d'une sangle. Il repart alors, en traînant toujours des pieds, à la recherche d'autres cartons; un quart d'heure plus tard, il revient avec un second carton : le captain bout; il veut passer le pont de sortie du lagon à l'ouverture de 14h30.

Troisième expédition de recherche de carton : l'individu disparaît corps et biens! Après dix minutes de recherche dans tout le chantier, le captain le trouvera dans un baraquement : "lunch time" lancera-t-il au captain désappointé!

Le passage de 14h30 est sérieusement compromis, d'autant que le pont du bateau est tellement sale que nous devons le nettoyer avant de quitter le chantier. Bref, pour abréger, c'est à 17h30 que nous franchirons le fameux pont après avoir fait le plein de gasoil à un tarif déjà très concurrentiel en euros et payés en dollars pour le même montant! Nous mouillerons dans la baie de Marigot.

Les fichiers météo nous incitent alors à attendre le mardi 17 pour quitter l'île et attaquer la traversée de la mer des Caraïbes en direction de Cartagena en Colombie. Nous n'avons en effet plus le temps, comme nous l'espérions au départ de notre périple, de passer par Cuba. Le samedi se passera tranquillement; nous monterons à pied au fort Saint-Louis dont d'où l'on bénéficie d'une vue magnifique sur la ville, l'océan et le lagon, puis surferons sur la toile avant de se coucher tôt.

Le dimanche prenait le même chemin, quand, vers 16h, nous voyons arriver Ultreïa de nos amis Geneviève et François à qui nous avions dit adieu à Pointe à Pitre! Joie des retrouvailles et apéritif dînatoire sur Olympe de rigueur.

Le lendemain matin, partant en ville dans un internet café, nous croisons Jean-Claude, arrivé la veille au soir et mouillé…dans le lagon. Incroyable, une partie de la fine équipe de Mindelo est à nouveau réunie! Nous réussirons ainsi à nous retrouver tous les six à la terrasse du bistrot de la mer à midi en prenant rendez-vous pour un dîner en commun dans un restaurant de la marina Royale côté lagon. Puis chacun vaque à ses occupations.

Ou comment Olympe sauve Ultreïa

Nous reprenons notre annexe pour regagner Olympe; curieux, Ultreïa n'est plus à sa place. Geneviève et François auront dû encore changer de place, ayant eu du mal hier à trouver celle qui leur convenait. Arrivés à 100 mètres d'Olympe, nous apercevons un bateau tout près du nôtre, au point de le toucher! Il y a des navigateurs sans gêne ou maladroits se dit-on. "Mais, c'est Ultreïa!" constate-t-on en s'approchant, et il n'y a personne à bord, l'annexe n'y est pas attachée.

En fait, Ultreïa dérape à grande vitesse en rasant Olympe. Maryse a juste le temps de passer une aussière au Captain, un peu courte, qu'il frappera sur la chaîne d'ancre d'Ultreïa pour stopper sa course folle le temps de mettre en place une aussière plus longue sur son taquet avant relié à un taquet arrière d'Olympe. C'est tout de même une chance inouïe que nous soyons arrivés à ce moment précis et qu'Ultreïa soit passé à ce moment si près!

Un quart d'heure plus tard, Geneviève et François arrivent avec leur annexe, découvre avec stupeur et grand stress la disparition de leur bateau avant que le captain vienne au devant d'eux les rassurer. Après analyse en commun et découverte d'éraflures sur leur flanc tribord et de la torsion de leur davier d'étrave, l'explication la plus plausible est qu'un autre bateau soit passé trop près de leur proue, se soit pris la quille dans leur chaîne (30 mètres de chaîne dans 3 mètres d'eau, elle est presque horizontale!), se soit ainsi télescopé avec Ultreïa avant de pouvoir se dégager; dans l'aventure, l'ancre pliable d'Ultreïa s'est repliée et le bateau est parti à la dérive venir faire un câlin à Olympe qu'il était content de revoir!

Puis, en inspectant Olympe pour préparer le départ du lendemain, le captain s'aperçoit que son davier est également voilé au point d'avoir dessoudé l'axe du réa qui ne tient plus qu'à son extrémité tribord; qu'à cela ne tienne, nous n'en aurons pas besoin pour la navigation et le ferons réparer à destination.

Le soir, c'est sous une pluie battante que nous partîmes en annexe prendre Geneviève et François pour nous rendre côté lagon sur le ponton des annexes où nous attendaient Monique et Jean-Claude affublés de magnifiques capes de pluies. Le dîner se passa très agréablement mais aussi avec nostalgie, car cette fois, nous savions que c'était le dernier : Monique et Jean-Claude prenaient le chemin du retour sur Brest le surlendemain, Ultreïa partait le même jour vers les îles Vierges et Olympe levait l'ancre dès le lendemain pour la Colombie.

En effet, le lendemain 17 mars, après avoir rangé le pont et préparé tangonnets et tangons, nous levions l'ancre à 12h40 pour les quelques 900 milles qui nous attendaient. Nous quittions définitivement les Antilles, sans trop de regrets, tant nous les avions trouvées surfaites, à part sans doute les Grenadines et les Saintes, ainsi que la Dominique pour sa flore. Quant à l'accueil rencontré, il était bien malheureusement conforme à sa réputation…

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