OLYMPE AUTOUR DU MONDE

 

TAHITI : 2ème SEJOUR

Préambule

Ce deuxième séjour en Polynésie a été essentiellement consacré à la gestion du chantier de réparation d'Olympe, à la visite de Papeete, à passer quelques bons week-ends avec nos amis polynésiens qui nous auront initiés entre autre à la pêche en pirogue et à lire des ouvrages sur l'histoire, les coutumes et la transformation de la société polynésienne.

Plutôt que d'énumérer une chronologie fastidieuse des évènements, nous avons préféré partager ce chapitre en deux parties : la première relatera les travaux d'Olympe, la seconde vous fera part des moments forts que nous avons appréciés et des rencontres intéressantes que nous avons faites.

Les travaux d'Olympe

Après notre premier retour en France depuis le départ de notre périple, c'est le 6 septembre que nous sommes de retour à Tahiti; ce mois passé en France a été très chargé pour revoir famille et amis lors d'un "marathon" qui nous aura mené de la région parisienne en Bretagne, puis à Toulouse et Lyon pour le mariage de Pierre et Vanessa. Malgré la fatigue, cela nous aura fait du bien de retrouver ceux que nous aimons et a largement participé à relativiser et oublier le sinistre d'Olympe.

Mais voilà, la (parfois) dure réalité allait se rappeler à notre bon souvenir; quelques jours avant notre retour en Polynésie, nous avions reçu un mail d'un voisin de quai nous apprenant que lors d'un coup de vent exceptionnel en cette saison (60 nœuds), Olympe avait sévèrement tossé contre le quai engendrant des dégâts au liston tribord et au bastingage. Les photos qui accompagnaient son message ne laissaient cependant pas supposer l'étendue des dégâts que nous allions constater de visu. La violence des chocs avait été telle que des cloisons transversales internes s'étaient cassées en venant fendre sous la pression la façade des équipets tribord. Quant au liston extérieur, il est en fait moulé avec la coque et la réparation allait s'avérer certainement délicate…

Pour ce qui était de l'incendie de début août, rien n'avait été entrepris pendant notre absence malgré la proposition de l'expert de l'assurance. La cale moteur était toujours noyée sous la poudre corrosive des extincteurs, cachant la misère que l'on devinait dessous! Les premiers jours ont donc été difficiles mais si nous voulions continuer l'aventure, il fallait relever les manches; nous avions trois mois pour tout remettre en ordre et partir vers la Nouvelle Zélande. Il est des moments où l'optimisme et la volonté vous font croire au Père Noël!

Au bout de 48 heures, le nettoyage de la cale a été dégrossi pour éliminer le plus gros des résidus de cette poudre verte qui s'était introduite partout. Puis le mois de septembre fut consacré à la recherche de chantiers ou d'artisans susceptibles d'effectuer les réparations : appels, demande de devis, multiples relances, transmission des devis à l'expert de l'assurance, renégociation avec certains pour baisser les prix, re-relances, etc…

Ce n'est que le 10 octobre que nous pûmes remettre les deux dossiers complets à l'expert pour qu'il puisse rédiger ses rapports à la compagnie, ce qui fut fait fin octobre.
Pendant ce temps, le captain et son mousse préféré attaquaient les démontages des différents équipements et le nettoyage de fond, le plus pénible étant d'ôter les restes calcinés et fondus des panneaux de mousse d'insonorisation du compartiment moteur, sorte de "guimauve" gluante et noire. Inutile de dire que nous trouvions le temps long et que nous nous rendions bien compte que le départ pour la Nouvelle Zélande devenait compromis pour cette année.

Ce n'est en effet que fin octobre que l'expert nous donnait le feu vert pour faire commencer les travaux avant même la réponse de l'assureur qui tardait; ce fut d'abord le démontage et l'enlèvement du moteur pour le nettoyer, le tester et le repeindre en atelier, puis l'enlèvement des compresseurs frigorifiques de la climatisation avec les mêmes objectifs, l'enlèvement des matériels du dessalinisateur - pompe haute pression, cartouches des membranes osmotiques, vanne trois voies automatique, tuyauterie HP - batteries et sectionnement de tous les faisceaux de câbles brûlés.

L'électricien nous installa alors en urgence un câblage provisoire nous permettant de nous éclairer dans le carré et de faire fonctionner la pompe d'eau douce. Pour la vidange des eaux usées, nous devrons pendant quelques semaines opérer à l'aide d'un seau…

Puis, une fois le nettoyage terminé et la mousse insonorisante enlevée, la première chose à effectuer était de reposer des panneaux de mousse neufs sur toutes les parois de la cale moteur afin de profiter de l'absence des matériels pour travailler plus à l'aise, notamment au niveau de leurs fixations; seulement voilà, il était impossible de trouver le type de panneaux qui convenait à Tahiti : il fallait donc les faire venir de Nouvelle Zélande ou de France et c'est auprès de Anne et Jean-Benoît du magasin AD de Sainte Maxime qui nous avaient équipés de nombreux matériels lors de l'achat du bateau à Port-Grimaud que nous avons trouvé notre bonheur; c'est donc un joli colis de 1,5 m3 envoyé par avion que nous attendîmes impatiemment, les délais initiaux prévus n'ayant pas été respectés par le transporteur…Ce n'est en effet que le 3 décembre que le "cher" colis arrivait sur le quai à côté du bateau!

En milieu de semaine suivante, l'insonorisation de la cale était terminée et le captain avait remplacé toutes les tuyauteries; l'électricien pouvait alors commencer son travail de patience : refaire tout le câblage sans schéma! Mais les fêtes approchaient : il ne travailla que du 15 au 18 décembre avant de partir en congé jusqu'au 5 janvier… Mais pendant ces quatre jours, Patrick et son aide tahitien Will firent du bon travail, permettant de récupérer l'éclairage dans la partie arrière du bateau, de rebrancher l'électronique de navigation, de refaire fonctionner les enrouleurs et les winchs électriques et surtout de refaire fonctionner la pompe des eaux usées : la corvée de vidange manuelle était terminée.

A son retour, il ne mit que quelques jours pour remettre en ordre le circuit 220 volts nous permettant de ranger définitivement les rallonges branchées au quai. Puis nous fîmes remettre en place le moteur, les compresseurs frigorifiques et le nouveau dessalinisateur qui ne demandèrent que quelques heures pour être branchés et réglés. En cette période de forte chaleur, nous appréciâmes de faire fonctionner la climatisation que nous n'avions que très rarement utilisée depuis le départ de Saint-Malo.

Cependant trois problèmes subsistaient encore :

Les anciens alternateurs 24 Volts révisés et nettoyés mais qui ne voulaient rien savoir pour recharger les batteries. Des neufs ont donc été commandés et nous les retrouverons installés lors de notre retour du Chili et de notre second séjour en métropole.

Les batteries au gel, commandées en Hollande et qui auraient dû arriver le 18 janvier : annoncées pour le 19 février, nous les trouverons également installées à notre retour.

Enfin, le groupe électrogène toujours aussi capricieux et dont la régulation de tension est pour le moins aléatoire. Après avoir interrogé le chantier Amel, nous reçûmes la réponse encourageante suivante : "nous avons eu tellement de problèmes avec ces groupes que nous avons depuis changé de marque!"

Restait donc à sortir le bateau de l'eau pour les travaux sur la coque; rendez-vous avait été pris le 16 février avec le chantier Techni Marine pour cette opération. Malheureusement, la météo en a décidé autrement; le cyclone Oli (voir ci-après) est en effet passé par là, pas trop près pour nous éviter des vents ravageurs mais assez toutefois pour engendrer une houle exceptionnelle qui est passée par-dessus les digues et a anéanti les installations du chantier! Certains containers entreposés à proximité ont été déplacés de 50 mètres par les vagues…

C'est donc en mai que rendez-vous a été pris pour entamer cette deuxième phase de travaux qui sera relatée dans le chapitre du troisième séjour en Polynésie.

2ème séjour à Tahiti

Ce deuxième séjour s'est déroulé du 6 septembre 2009 au 18 février 2010; comme nous l'avons relaté plus haut, il a été essentiellement consacré aux réparations d'Olympe, mais nous avons pu tout de même nous extraire de temps en temps de notre "bourbier" pour passer du temps avec nos amis polynésiens, faire quelques visites et nous lier avec des navigateurs de passage. Nous n'en relaterons que les évènements marquants.

Septembre 2009

En début de mois, retrouvailles avec Vadrouil' 2 et son équipage Roseline, Francis et leur petite Tess, 5 ans. Ce sont eux que nous avions rencontrés à Panama, côté Atlantique dans la zone de mouillage d'attente. Restés au mouillage dans le lagon, ils débarquèrent sur le ponton de la marina et nous ont reconnus.

Malheureusement, aux Galápagos, Roseline s'était sérieusement blessée en voulant transborder un bidon d'eau potable à bord qui lui valut une sévère luxation de l'épaule avec le mouvement du bateau. Elle souffrit le martyre pendant la traversée jusqu'aux Marquises où elle prit l'avion pour se faire opérer à Papeete. La suite du voyage était donc bien compromise pour eux, mais leur décision n'était pas encore prise lorsque nous les avons revus.

C'est au cours de nos diverses rencontres apéritives ou courses communes que Tess s'est prise d'affection pour Maryse, ce qui fut d'ailleurs réciproque sans aucune difficulté : la petite Tess était en effet adorable, très en avance pour son âge et capable de tenir pratiquement une conversation d'adulte. Et puis elle savait vraiment y faire pour se faire chouchouter!

 

Le 19, nous nous accordâmes un peu de répit pour visiter Papeete et ses principaux monuments officiels; l'hôtel de ville tout d'abord, d'une taille et d'un luxe surprenants pour une si petite ville! Il faut dire d'ailleurs que tous les bâtiments publics sont issus d'une mégalomanie pharaonique de la part de l'ancien président du territoire et ami de Jacques Chirac, Gaston Flosse…Il n'est qu'à voir la mairie de Pirae dont il avait été maire, qu'on pourrait prendre pour la Maison Blanche! Si l'on ne qualifie pas cela de détournement de fonds publics… Au moins sait-on où est passé une partie de la manne financière française et les tahitiens peuvent-ils rêver de ce qui aurait pu être fait d'utile pour eux!



Les instances du pouvoir sont concentrées le long de l'avenue Bruat, perpendiculaire au front de mer, et rue du Général de Gaulle. On y trouve successivement l'Assemblée Territoriale avec ses 57 représentants élus (chiffre en inflation régulière), le Haut Commissariat représentant le pouvoir de la métropole qui n'a plus qu'un contrôle à posteriori et dont nous avions vu le maître des lieux à l'œuvre sur l'île de Ua Pou aux Marquises, la Présidence qui s'est encore une fois fait construire un palais des milles et une nuits et la Vice-Présidence (abondance de biens ne nuit pas!?). Tout cela pour gérer l'équivalent d'une ville moyenne française de 220000 habitants! On me dira que l'éloignement des îles constitue une spécificité, certes, mais tout de même! Je ne parle même pas des édifices publics divers abritant les administrations et ministères.



Tout ce luxe tranche avec le reste de la ville, aux quartiers sans âme, sales, désordonnés et aux "trottoirs" faisant penser à un parcours du combattant: malheur aux mères de famille équipées de poussettes ou landeaux! D'ailleurs, à y réfléchir, nous n'en avons pas vu… Seul, le front de mer a été joliment aménagé en promenade publique, de même que le petit parc de Bougainville à l'extrémité de la rue Bruat. Et puis ne vous avisez pas de faire du shopping le week-end : la ville est une ville morte dès le samedi midi jusqu'au lundi matin; ce ne serait pas grave en soi si, parallèlement, on ne voulait pas attirer le tourisme mondial. Les voyageurs débarquant des paquebots ne doivent pas en revenir!

 

Alerte au tsunami!

29 septembre vers dix heures : Maryse fait ses courses au super marché Carrefour près de la marina pendant que le captain travaille sur la plomberie du bateau. La rumeur se propage dans la marina comme une traînée de poudre : il y a une alerte au tsunami, les premières vagues étant attendues dans une heure! Les estimations les plus contradictoires circulent : entre pas grand-chose et des vagues de trois mètres qui vont briser tous les pontons…

Même annonce officielle dans Carrefour situé au bord du lagon : tout le monde est prié de laisser les caddies sur place et d'évacuer le magasin pour gagner les hauteurs toutes proches. En ville, les annonces à la radio provoquent une panique sans nom : les réseaux téléphoniques sont saturés, tout le monde a une bonne raison de prendre sa voiture pour aller quelque part, provoquant des embouteillages monstres qui interdiraient aux secours éventuels d'intervenir. Bref, c'est l'improvisation la plus totale.

Maryse bat son record sur 500 mètres plats pour rejoindre son captain préféré qui, fataliste, renforce de manière dérisoire les amarres du bateau, se disant qu'il allait bientôt faire sa troisième déclaration de sinistre en deux mois à son assureur! Si le bateau avait été en état de marche, la bonne décision aurait été de prendre aussitôt la mer pour s'éloigner des hauts fonds. Puis il discute avec Michel, le shipchandler de la marina qui ne bronche pas, estimant qu'avec la barrière de corail, on ne risque pas grand-chose. Le captain est assez de son avis, mais le moussaillon ne tient pas en place et veut partir sur les hauteurs avec la voiture de Muriel, notre voisine de ponton proche de l'hystérie.

Evidemment, sa voiture refuse de démarrer! Un scénario de film catastrophe ne ferait pas mieux. C'est donc à pieds que nous montons les premières côtes pour prendre de la hauteur et admirer le spectacle tout en se protégeant. Nous attendrons ainsi près d'une heure avant qu'une automobiliste attentionnée nous avertisse que l'alerte avait été levée. Nous apprendrons l'après-midi que ce fut une vague de 30 centimètres (!) qui arriva, ce qui ne manque pas de laisser le captain perplexe sur la mesure dans une houle permanente de deux à trois mètres! Nous enverrons des mails à la famille pour que personne ne soit susceptible de s'inquiéter, la nouvelle de l'alerte ayant été donnée aux informations nationales.

Fin de l'épisode.

Le mois de septembre nous verra également partir souvent en annexe (dont Maryse maîtrise maintenant la conduite) pour plonger dans le lagon et ainsi nous rafraîchir un peu.

Octobre

En début de mois, un bateau suisse, Hoa Motu, vient se placer devant Olympe. Nous n'y prêterons guère attention jusqu'au moment où Maryse entamera la conversation avec la jeune fille du bord qui navigue avec son père depuis six mois. Nous nous apercevrons ensuite que cet équipage connaît bien Roselyne et Francis avec lesquels ils ont parfois navigué de concert. Mais surtout nous finirons par reconnaître Julie, tel est son prénom, que nous avions entraperçue à Hiva Oa lors de notre soirée "fête des mères" dans un restaurant d'Atuona, dansant (fort bien d'ailleurs) à corps perdu sous les regards admirateurs de l'assistance.

Raphaël, son père, est un médecin atypique qui se vante n'avoir jamais prescrit un antibiotique de sa vie et qui a la conviction, et sans doute des résultats, que le corps se soigne d'abord par l'esprit. Un rien ésotérique dans ses positions, nous passerons plusieurs moments agréables avec lui à refaire le monde!


C'est au cours de ce mois que nous passâmes un superbe week-end chez Mate et Miriama à Papara où nous fûmes initiés à la pêche en pirogue à balancier dans le lagon; un vrai régal à plusieurs titres : pas le temps de s'ennuyer, ça mord tout de suite dans un paysage de rêve le soir au coucher du soleil. Et puis, avant de partir, il faut faire le plein d'appâts constitués de vifs attrapés avec dextérité par Miriama avec son filet. Ces petits poissons sont ensuite conservés vivants dans une nasse typiquement polynésienne en forme de pirogue double.

Nous gardons encore en mémoire ces instants magiques dans la douceur du soir sur le miroir du lagon reflétant le feu du ciel où seul le clapotis de la pagaie venait troubler le silence des lieux. Maryse garde aussi le souvenir ému d'avoir marché sur la barrière de corail pour une fois préservée de la fureur des éléments.

Le week-end suivant, nous irons nous promener à pied sous un chaud soleil sur les hauteurs de Taina situées au dessus de la marina du même nom. Nous y découvrirons un Tahiti plus huppé, des villas préservées des regards aux alentours soigneusement entretenus dans une végétation luxuriante et multicolore. Pour qu'une telle végétation se développe, de la chaleur est bien sûr nécessaire, mais il faut aussi de l'eau. Et de l'eau nous eûmes l'aperçu le lendemain de ce que pouvait être une pluie tropicale qui, heureusement ici, ne dure guère longtemps;

Novembre

Le 1er jour du mois, nous fîmes nos adieux à Raphaël qui partait à Raiatea pour hiverner son bateau avant de rentrer en Suisse; après ses cinq années de navigation, on sentait qu'il n'avait plus le feu sacré et l'on se demandait s'il reviendrait bien l'an prochain poursuivre l'aventure.

Quant à Julie, elle était rentrée en Suisse après bien des hésitations et beaucoup d'émotion pour y reprendre des études qui manifestement ne l'enthousiasmaient pas!



Ce mois fut ensuite rythmé par les week-ends passés chez nos amis. Chez Irène et Gérard tout d'abord, où les activités favorites se partageaient entre les mots croisés dans la piscine et des séances démentes de karaoké!

Chez Miriama et Mate ensuite, où nous fêtèrent en famille l'anniversaire de ce dernier dans une ambiance conviviale et sympathique après avoir applaudi à la qualification sans gloire des bleus pour le mondial!

Le lendemain, nous partîmes tous les six visiter ce que l'on nomme ici la Presqu'île, Tahiti Iti de l'autre côté de l'isthme. Et là, surprise : en montant sur les hauteurs, on se serait cru dans le bocage normand; la végétation tropicale disparaissait peu à peu pour laisser la place à des champs partiellement boisés où paissaient des vaches laitières gérées par une ferme voisine.


Seule, la vue magnifique sur l'isthme, le lagon et l'océan nous rappelait vraiment où nous étions.

Un soir, nous allâmes assister à une soirée tahitienne organisée par l'incontournable Casa Bianca située dans la marina et qui nous valut d'assister à des danses folkloriques toujours agréables à regarder.

Décembre

Ce fut le mois de la rencontre avec Sebastiano dont vous pouvez lire le portrait dans la rubrique correspondante; à 85 ans, seul en navigation, cet italien simple et sympathique força notre admiration. Son épouse Gerda, une hollandaise d'une vingtaine d'année plus jeune, le rejoignit par avion et se lia d'amitié avec Maryse. Au cours de leurs rencontres, Maryse lui donnait des leçons de français tandis que Gerda en échange entraînait Maryse à la langue de Shakespeare. Dix mois plus tard, elles correspondent toujours par courrier.

C'est le soir où nous invitions Sebastiano à dîner à bord, le 10 décembre, qu'un couple passant sur le quai nous demanda si nous étions bien Maryse et Jean-Pierre, du bateau Olympe. Louis et Marie-Laure, résidents de Tahiti, nous expliquèrent alors qu'ils cherchaient notre bateau depuis quelques temps suite aux informations que leur avaient données par mail Monique et Jean-Claude, équipage de Renata avec lesquels nous avions bien bourlingué entre les Canaries, le Cap Vert et les Antilles. Rappelez-vous, fidèles lecteurs, que c'est avec eux que nous avions fait nos si belles randonnées au Cap Vert sur l'île de Santo Antao et que c'est Jean-Claude qui apprit à Maryse à plonger alors que nous étions aux Saintes.

En fait, ils s'étaient connus à Papeete lorsque Jean-Claude et Monique y étaient venus faire leur voyage de noce. Entre anciens militaires, ils s'étaient entraidés pour organiser le séjour et comme le courant passait bien, Louis et Marie-Laure avaient fini par accueillir Jean-Claude et Monique chez eux!

On dit souvent qui se ressemble s'assemble; encore une fois nous avions la démonstration de la réalité de ce propos, tant la gentillesse et la serviabilité de Louis et Marie-Laure n'avaient d'égales que celles de Jean-Claude et Monique. Nous avions de nouveaux amis sur qui nous pouvions compter!

Le 5 décembre, Rémi qui avait bien participé à sauver notre bateau, organisait son pot d'adieu; il devait en effet larguer le lendemain les amarres pour le Japon. Ce n'est pas sans émotion que nous avons participé à la fête et que nous avons dit au revoir à Kauana et à son équipage, non sans avoir offert un souvenir d'Olympe à Rémi.

Et puis le mois de décembre est traditionnellement celui des fêtes de fin d'année; pour la seconde fois consécutivement, après la Martinique, nous allions les passer loin de la maison, de la famille et des amis métropolitains.

Nous passâmes le réveillon de Noël chez Miriama et Mate qui avaient aussi bien sûr convié Irène et Gérard. Le menu fut pour une fois traditionnellement métropolitain!

Pour l'occasion, Miriama s'était confectionnée une magnifique couronne de fleurs avec une rapidité et une dextérité fantastiques pour un résultat magnifique. Entre un repas de fête, quelques bons vins, l'échange des cadeaux et un mélange de musiques polynésiennes et européennes que nous dansions tous, la soirée au bord du lagon de Papara fut excellente!



Le lendemain, jour de Noël, Mate et Miriama nous emmenèrent découvrir la vallée de Papenoo; située au nord de l'île principale, elle marque le début de la seule route traversière de l'île fermée depuis quelques années suite à des éboulements. Elle suit la rivière du même nom dans une vallée verdoyante et plus ou moins encaissée, bordée de cascades, certaines permanentes, d'autres n'apparaissant qu'après la pluie comme nous le constaterons sur la route du retour.

C'est un endroit où les tahitiens aiment bien venir trouver un peu de fraîcheur en déjeunant au bord de l'eau, avec famille, amis et 4x4!

Nous irons presque au centre de l'île en nous arrêtant au relais de la Maroto, un restaurant panoramique sur la vallée situé au pied des pentes du mont Orohena, point culminant de l'île à 2241 mètres d'altitude; nous y déjeunerons sur une grande terrasse en porte-à-faux à l'abri de la pluie souvent présente au centre de l'île.

Sur la route du retour, nous nous arrêterons au bord d'une retenue d'eau où nous admirerons d'énormes anguilles venir manger pratiquement dans la main d'un tahitien leur tendant un morceau de pain. A défaut de voir celles de Huahine, nous aurons vu celles de Tahiti!

Puis ce fut le réveillon de la Saint Sylvestre organisé cette fois chez Irène et Gérard; on prit les mêmes et l'on recommença, avec la fille d'Irène et son compagnon qui étaient aussi de la fête. La nuit chaude et moite se termina dans la piscine pour retrouver un peu de fraîcheur avant d'aller dormir.

Janvier

On ne pouvait être en reste après ces deux merveilleuses soirées chez nos amis! Aussi avons-nous organisé sur Olympe une soirée fête des rois début janvier. L'ambiance sur le pont d'Olympe fut incroyable et notre cher navire semblait enfin retrouver un peu de joie.


Le roof arrière se transforma vite en piste de danse jusqu'à une heure avancée de la nuit, au point qu'un vigile de la marina vint nous demander, gentiment, de calmer nos ardeurs! Il n'y a pas à dire, les polynésiens aiment faire la fête…

Sinon, le mois de janvier fut ensuite plus calme sur le plan des rencontres, mis à part nos invitations respectives avec Louis et Marie-Laure. C'est sans doute que nous étions préoccupés par la remise en état d'Olympe dans lequel les équipements réparés (moteurs, compresseurs) ou neufs (dessalinisateur, chauffe-eau) étaient progressivement mais rapidement remis en place et redémarrés.

Le climat devenait insupportable; en pleine saison chaude et humide, la température atteignait régulièrement 35°C avec une humidité relative de 80%! Le mois de janvier fut le plus chaud enregistré à Tahiti depuis 1957. La température de l'océan était plus élevée qu'à l'accoutumée ce qui ne présageait rien de bon pour la suite des évènements climatiques!

Ayant prévu de sortir le bateau de l'eau au seul chantier susceptible de le faire à Papeete mi-février pour les travaux sur la coque, nous préparâmes notre voyage de retour avec nos visites de l'île de Pâques et du Chili et notre second séjour en métropole, avec l'idée de revenir à la fin des travaux du bateau prévue pour fin avril.

Le 30 au soir, Roseline et Tess venaient dormir à bord d'Olympe avec leurs bagages : leur décision était prise, elles repartaient définitivement en métropole le lendemain matin tandis que Francis ramènerait leur bateau en Martinique dans un premier temps, ce qui n'est pas une mince affaire contre les vents dominants! Il lui faudra en fait descendre très sud, jusqu'à l'île de Pâques pour remonter avec le courant et un vent de travers la côte d'Amérique du Sud et regagner Panama. Puis ce sera la punition de retraverser la mer des Caraïbes contre le vent jusqu'en Martinique; heureusement, Francis est un marin expérimenté qui était convoyeur professionnel dans sa vie antérieure.

Février

Valérie, la fille d'Irène et son compagnon avaient projeté un voyage en Australie d'une dizaine de jours et nous demandèrent si nous pouvions garder leur maison flambant neuve sur les hauteurs d'Arue, ce que nous acceptâmes bien entendu. Nous allions retrouver quelques jours le confort d'une maison et de vrais lits!

Le cyclone OLI

Mais voilà, la nature a aussi décidé de faire des siennes! Depuis décembre, nous étions en saison de risques cycloniques dans le Pacifique Sud et le captain, qui avait justement prévu de ne plus être là à cette époque, ne cessait d'analyser les sites météo, se disant qu'avec la chance qui nous caractérisait depuis quelque temps…

Deux ou trois cyclones avaient déjà vu le jour, mais étaient restés cantonnés dans la partie la plus ouest du Pacifique. Or, depuis quelques jours, on voyait se former une dépression tropicale dont les caractéristiques avaient de fortes chances de la transformer en tempête puis en cyclone, avec une courbe de trajectoire prévue sur la Polynésie française, chose qui ne s'était pas produite depuis plusieurs années; oui mais voilà, il se trouve que cette année, nous étions là!

Ça n'a pas manqué! La dépression s'est transformée en tempête, puis en cyclone avec le joli nom d'OLI; le vent près du centre atteignait les 140 nœuds (250 km/h)! OLI a d'abord touché les îles sous le vent, puis l'alerte cyclonique a été déclenchée le 3 février pour Tahiti. Nous avons décidé que Maryse resterait cloîtrée dans la maison d'Alain et Valérie, tandis que le captain resterait à bord du bateau au quai de la marina pour parer à toute éventualité. Cela pouvait paraître osé, mais un certain nombre de facteurs limitait tout de même le risque :

Avec la position du cyclone et son déplacement prévisible, la marina devait être un peu protégée du vent qui devait venir du nord nord-est; de plus, la direction de celui-ci écarterait le bateau du quai, au contraire du coup de Maraamu qui avait causé tant de dégâts.

Le quai était en dur et ne risquait donc pas de se rompre en partant à la dérive. Seul risque, la chute brutale de la pression atmosphérique provoquant dans de tels cas une montée du niveau de l'océan et le risque de voir les bateaux situés de l'autre côté du quai passer par-dessus…

Tous les magasins, restaurants de la marina étaient fermés, barricadés et renforcés. La plupart des sédentaires de la marina étaient partis se protéger à terre. L'alerte cyclonique a été émise à 18 heures, interdisant tout déplacement à compter de 21 heures. Après avoir triplé les amarres, le captain avait encore deux heures de réflexion pour se décider : à terre, pas à terre?

Finalement, il s'enferma dans le bateau, ressentant à ce moment ce qu'il est convenu d'appeler un grand moment de solitude! Puis il brancha l'anémomètre pour voir l'évolution du vent.

C'est presque avec une certaine déception qu'il ne vit pas dépasser les 40 nœuds! A cela deux raisons : la marina avait été bien protégée par la montagne et la trajectoire du cyclone s'était un peu écartée de la route prévue, le centre passant à 300 kilomètres de Tahiti. Ce sont les îles australes qui, vingt quatre heures plus tard, ont le plus souffert, le centre du cyclone étant passé sur la petite île de Tubuai qui a été détruite à 80%.

C'est tout de même avec un grand soulagement qu'il accueillit la nouvelle de la levée de l'alerte le lendemain à 10 heures, certaines portions de routes restant néanmoins coupées à la circulation à cause des arbres arrachés ou des inondations.

Par contre, si le vent n'avait pas eu la violence attendue, l'océan était devenu très méchant! De la maison, Maryse a pu admirer une mer complètement blanche. La houle énorme passait par-dessus la digue de protection des installations portuaires, provoquant des dégâts irréversibles notamment au chantier qui devait nous sortir le bateau de l'eau; une nouvelle fois, nos projets étaient remis en cause…Des containers entreposés derrière ont été déplacés de cinquante mètres par les vagues! La balise bâbord de la passe d'entrée a été arrachée et perdue corps et bien. C'est dans ces circonstances que l'on mesure la force et la violence de la nature et que l'on prend conscience de notre impuissance.

Résultat des courses, nous ne pourrions pas sortir le bateau de l'eau avant notre départ et aucune date ne pouvait nous être donnée!!! Etait-il alors prudent de quitter Tahiti en laissant le bateau à quai en saison cyclonique, celle-ci ne se terminant qu'en avril? Statistiquement, nous avions eu notre dose et nous n'imaginions pas encore un nouveau coup dur, en tout cas pas un deuxième cyclone sur Tahiti la même année, du jamais vu!


Il fallait se décider pour les réservations définitives de nos billets et hôtels à l'île de Pâques et au Chili; nous prîmes le risque de confirmer notre départ le 18 février; la suite nous montrera que pour Tahiti nous avions raison. Quant au Chili…

Pour le retour, nous verrions bien en fonction des travaux de réparation du chantier naval ou de son transfert sur un nouveau site.

Après cet épisode épique, nous profitâmes des derniers jours pour préparer le bateau à notre absence; le 14, nous montâmes nous promener au belvédère, plateforme intermédiaire située à 600 mètres d'altitude d'où l'on peut partir gravir à pied le sommet de l'île. On y jouit d'une jolie vue sur la baie de Papeete et son port.

Nous passâmes également une bonne soirée lors de la Saint Valentin en compagnie de Louis et Marie-Laure à l'hôtel Beach Comber avec de beaux spectacles de danses rythmées et colorées par des groupes très professionnels. Cela faisait plaisir de voir de vraies vahinés, telles qu'on les perçoit dans notre imaginaire mais que l'on ne voit plus dans les rues! Nous passâmes enfin quelques moments avec Roger et Marie Bernadette du bateau Guerelec venu prendre la place de Raphaël. Venant de France et ayant déjà réalisé un tour du monde, ils ont l'intention de s'installer définitivement en Nouvelle Calédonie, leur prochaine étape. Avec Monique et Jean-Claude installés maintenant à La Réunion, nos futures escales promettent d'être bien agréables!

Le 18 au soir, accompagnés par Louis et Marie-Laure dans la plus pure tradition des au revoir polynésiens, nous gagnions l'aéroport, destination l'île de Pâques.

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