OLYMPE AUTOUR DU MONDE

Saint-Malo Porto Santo

Comme pour ne pas en rajouter, Eole sera clément avec nous lors de ces premières heures de navigation, virant de secteur sud, ce qui est idéal pour longer la côte nord de la Bretagne. Mer plate, vent force 4, voilà au moins de quoi nous faire digérer les émotions du départ.

Dans le courant de l'après-midi, le vent, toujours de secteur sud, forcit force 6, la mer devenant agitée et il se met à pleuvoir.

Nous accueillerons notre premier passager clandestin, un pigeon voyageur semblant venir d'Angleterre, complètement épuisé; il restera un long moment posé sur l'extrémité de la bôme, nous observant attentivement, puis, voyant que nous ne lui voulons aucun mal, il viendra se poser sur la capote où il restera près d'une heure en dédaignant les mies de pain que nous lui jetons avant de reprendre son envol vers une destination inconnue.

Un peu plus tard, c'est un banc de dauphins qui viendra tourner autour du bateau, bientôt beaucoup plus intéressés par un banc de poissons dont la présence nous est révélée par les hallucinants plongeons de fous de Bassan.

Malheureusement, ces conditions presque idylliques vont prendre fin en début de soirée, au large des Sept Iles; le vent tournera au WSW force 5; un long bord de près commence, malmenant les estomacs non encore amarinés, jusqu'à la pointe de Bretagne.

Nous continuons à gagner dans l'ouest pour ne pas nous faire piéger dans le golfe de Gascogne; à 11h30, dimanche matin, alors que nous sommes dans le nord de Ouessant, un BMS (bulletin météorologique spécial) est émis par le Cross Corsen annonçant un avis de grand frais sur la zone, avec rafales à force 8, ce qui était à peu près attendu, mais avec une mer annoncée très forte à grosse au large (soit vagues de 4 à 6 mètres, puis 6 à 9 mètres). Cet état de la mer est sans doute dû à la durée de la dépression qui n'en finit pas de passer à l'ouest de l'Irlande.

Compte tenu de l'état de l'équipage et de celui du captain, ce dernier décide de se dérouter vers Camaret et d'attendre que les choses se calment. C'est par vent de travers SSW force 5 que nous rejoignons l'embouchure nord du chenal du Four que nous descendrons ensuite au moteur contre vent et courant jusqu'à la pointe Saint-Mathieu avant de remettre les voiles jusqu'à l'anse de Camaret que nous atteignons vers 18h.

L'entrée dans la marina s'avère un peu sportive compte tenu des 25 nœuds de vent qui souffle maintenant en continu; elle est pleine, tous les bateaux du secteur semblent être venus s'y abriter. Lors de la manoeuvre de mise à couple avec un autre bateau Amel (n'y voyez aucun ostracisme) un bossoir heurte le mât de l'éolienne d'un bateau anglais, sans dégâts apparents; nous irons toutefois nous excuser et demander au skipper s'il a subi des dommages, ce qu'il infirmera, et tout se terminera le soir dans notre carré avec une bouteille de Champagne très appréciée par les représentants de Sa Gracieuse Majesté.

Le lendemain lundi le grand frais est bien présent, l'anémomètre n'arrêtant pas d'osciller entre 25 et 30 nœuds, alors que nous sommes sensés être à l'abri du secteur sud-ouest. Nous aurons d'ailleurs la surprise de voir le remorqueur l'Abeille-Bourbon être venu mouiller pendant la nuit à l'abri de la rade, prêt à toute intervention dans le rail d'Ouessant.



Ce contretemps nous aura permis de visiter la ville que Michel et Martine connaissaient déjà; ce fut un des premiers ports sardiniers de France au début du siècle puis, la ressource s'étant tarie, la reconversion se fit sur la langouste que les nombreuses flottilles de pêche de l'époque allaient pêcher au large du Sénégal. Aujourd'hui, comme dans beaucoup d'endroits, les pêcheurs ont été réduits à la portion congrue et de nombreuses carcasses de bateaux de pêche s'alignent derrière la tour Vauban et la chapelle Rocamadour. Que de souffrances et de durs labeurs pour en arriver là !

Sinon, la ville a attiré de nombreux peintres qui exposent leurs œuvres dans leur propre galerie; le quartier situé derrière les quais est ainsi parsemé de ces galeries dont la plupart des œuvres sont bien sûr d'inspiration marine.

Nous comptions bien pouvoir repartir dès mardi matin mais la dépression n'en finit pas de passer et ce n'est que mercredi 20 août que nous appareillerons pour, nous l'espérons cette fois, notre destination finale.

Les premières heures ne sont pas très confortables car, généralement, la mer se calme moins vite que le vent; il est toujours orienté ouest sud-ouest de force 4. Il tournera le lendemain progressivement au nord-ouest ce qui nous permettra de trouver une allure plus confortable après plusieurs bords de près.

Très vite la routine va s'installer, la succession des quarts rythmant les journées et les nuits. Les appétits ne sont pas encore féroces mais, à part Maryse qui a du mal à se débarrasser de ses nausées, l'ambiance du bord s'améliore.

Les 22 et 23 août nous apercevrons des baleines faisant le dos rond à notre passage et propulsant leur geyser si caractéristique. Les distances journalières se stabilisent autour de 150 à 160 milles ce qui ne satisfait pas tout à fait le captain. Puis, à partir du 24, la température commence à augmenter sensiblement tandis que l'humidité diminue; les quarts de nuit peuvent désormais se tenir sans veste de quart, avec une simple polaire.

Le 25 fut un grand jour à plusieurs titres : tout d'abord, Maryse retrouve l'appétit et réclame des œufs au bacon au petit déjeuner! Ce 25 août est aussi la date du 35ème anniversaire de mariage de Maryse et de son captain préféré; pour fêter ça, repas amélioré : apéritif au Champagne, melon, paupiettes de veau aux carottes, fromage et dessert, le tout arrosé d'un petit St-Estèphe. Le moral de l'équipage remonte fort!

Enfin, ce même jour décidément prolifique, nous décidons pour la première fois depuis l'acquisition du bateau de monter les deux tangons pour y porter génois et gennaker en ciseaux par vent arrière : magnifique! Il faut toutefois préciser que l'installation qui nous a bien pris une heure a été réalisée avant le repas sinon je doute fort que la manoeuvre se soit si bien terminée! En tout cas l'allure du bateau était particulièrement confortable, d'une grande stabilité et sans roulis malgré la présence d'une houle de deux à trois mètres de trois quart arrière.

Par deux fois, nous aurons étrenné notre superbe téléphone satellite Iridium pour télécharger des fichiers grib (fichiers donnant des prévisions sur 5 ou 7 jours sur la direction et la force du vent, les isobares et les passages pluvieux). La technologie est formidable… quand ça marche; lors du premier chargement, la communication fut interrompue par trois fois avant de pouvoir enfin obtenir notre fichier, et encore une fois lors du deuxième chargement; c'est à se demander si l'opérateur ne le fait pas exprès pour engranger le prix de minutes de communication qui ne sont tout de même pas données. Quant à la durée de transfert pour des fichiers modestes de 30 à 40 Ko, elle n'a rien à voir avec ce que peuvent vous promettre les commerciaux de ce merveilleux réseau. Par contre, cela nous aura permis de recueillir quelques messages écrits de membres de la famille ou d'amis ce qui fait toujours très plaisir.

Par prudence, pour la nuit suivante, nous avons dégréé les tangons pour ne les remettre que le lendemain mais cette fois de manière définitive jusqu'à l'arrivée, nous permettant de parcourir 178 milles sur 24 heures. Pendant les deux derniers jours, nous avons été accompagnés par un puffin, magnifique oiseau planeur qui se joue des vagues et du vent sans donner le moindre battement d'aile, un peu à la manière d'une frégate ou d'un albatros.

Mercredi 27 août, terre en vue masquée par une légère brume de chaleur; inutile de vous dire l'émotion de voir à l'horizon se profiler l'île de Porto Santo, notre première escale; même si cette merveille de technologie qu'est le GPS ne laisse aucun doute sur sa position, on comprend mieux le soulagement que pouvaient ressentir les navigateurs d'antan ne disposant que de leur sextant et de leurs estimations. Maryse était si heureuse d'arriver qu'elle s'est mise à embrasser tout le monde! Ainsi s'est terminée notre première "grande" traversée après 1313 milles parcourus en 210 heures de navigation effectives.

Retour haut de page