OLYMPE AUTOUR DU MONDE

CAIRNS-DARWIN

La plupart des croisiéristes effectue cette navigation de jour, mouillant la nuit sur la côte ou près d'un îlot pour éviter la navigation nocturne. Nous avions aussi envisagé cette hypothèse mais trois arguments nous ont convaincu de faire autrement :

- Le premier est le temps de parcours qui fait plus que doubler ; or nous n'avons pas trop de temps devant nous si nous voulons découvrir un peu le centre du pays,

- Le second est le caractère assez aléatoire des mouillages possibles en espacement et en sécurité,

- Le troisième est le fait que nous entrons sur une partie du pays assez hostile : passée Cooktown, nous n'aurons plus aucune agglomération jusqu'à Darwin, seulement une terre vierge d'habitants mais avec des animaux dangereux, sans aucune possibilité de rentrer à l'intérieur des terres. De plus, à part quelques plages sur lesquelles on ne peut même pas se baigner, il n'y a rien à voir : ce n'est pas pour rien si cette partie de l'Australie ne dénomme "Top End" !

Il n'y a qu'une décision que nous n'avions pas prise au moment de partir, celle de s'arrêter ou non dans le détroit de Torrès sur Thursday Island qui est d'ailleurs un des points officiels d'entrée du pays pour les bateaux arrivant de Papouasie Nouvelle Guinée. Mais la décision sera vite prise après le départ de ne pas y faire escale pour ne pas rallonger la route, éviter les zones de plus forts courants du détroit et surtout éviter les infernales formalités du service de quarantaine que nous aurions dû encore subir…

C'est donc à 8h10, sous un ciel chargé mais illuminé d'un arc-en-ciel, que nous quittons Marlin Marina pour embouquer le long chenal de sortie de la baie de Cairns. Nous savions que la première partie de cette navigation serait particulièrement délicate à cause de la veille permanente à assurer, des réglages incessants de voilures dus aux changements de direction et du fait que le rythme des quarts est toujours difficile à prendre les trois premières nuits ; or c'est justement au cours des trois premiers jours que nous aurions à gérer la partie la plus difficile de cette navigation.

Nous avions aussi sous-estimé un autre paramètre, la présence d'une circulation maritime de gros navires assez intense, nous allions vite nous en apercevoir.

Le vent est soutenu, 25 à 28 nœuds, mais dès que nous sommes sortis du chenal et que nous avons pu prendre la direction du nord, nous nous sommes retrouvés au portant dans des conditions de navigation agréables, même si la mer à l'intérieur de cette Grande Barrière n'était pas aussi calme que nous l'espérions.

Lors des premières heures, nous validons la précision de la cartographie électronique à l'aide du radar avec les différents îlots croisés ; tout concorde et l'on se dit alors qu'il doit en être de même avec les platiers invisibles au radar !

La première journée fut rapide, 184 milles ayant été parcourus en 24h. Mais pendant la nuit nous rencontrerons une quinzaine de bateaux de commerce de toute sorte, cargos, porte containers, vraquiers, pétroliers et gaziers. Nous avions tracé notre route en serrant la limite est du chenal principal ; les bateaux nous croisant ayant fait de même sur le bord ouest, c'est en moyenne à une distance d'un mille que nous nous croisions. Il y eut une exception dans un passage rétréci du chenal où nous croisâmes un pétrolier à un demi-mille. Le plus stressant mais heureusement le cas le plus rare, ce sont les cargos rattrapant ; arrivant de l'arrière, on se demande longtemps s'ils nous ont vus jusqu'au moment où on les voit se déporter vers l'ouest du chenal. C'est que par endroit nous ne passions qu'à un quart de mille d'un platier corallien sur tribord et que nous n'aurions pas pu sortir bien loin du chenal…

Il faut ajouter à cela les nombreux empannages ou tangonages et détangonages nécessaires aux changements de direction du chenal car, évidemment, le vent apparent est à la limite de l'angle mort arrière ! Il n'était donc pas question de pouvoir tenir des quarts réguliers de trois heures comme lors d'une traversée classique, le temps de sommeil de chacun d'entre nous excédant rarement la demi-heure rendant le réveil parfois difficile !

Bref, au petit matin du deuxième jour, on est content du chemin réalisé mais un peu fatigués. Ce deuxième jour démarrera en fanfare par le passage du cap Melville que nous devons contourner pour prendre une direction ouest et se rapprocher de la côte ; pendant environ trois heures, nous subirons un vent de 36 à 40 nœuds ; on aura pu ainsi valider l'effet d'accélération du vent autour des grands caps !

 Petites causes, grands effets !

C'est dans cette partie de la Grande Barrière que le célèbre Capitaine Cook échoua son navire, l'Endeavour, sur un récif alors qu'il en faisait la découverte en 1770 ; il échappa de peu au désastre en arrivant à se déséchouer sans dégâts irréparables.

Il put ainsi regagner l'Angleterre en donnant tous ses relevés cartographiques et en détaillant l'importance des ces nouvelles terres. S'il avait fait naufrage, de l'aveu même des australiens, ils parleraient probablement aujourd'hui le français ! La France développait à cette époque son territoire dans tout le Pacifique.



La nuit suivante, nous continuerons à jouer du tangon, tantôt à tribord, tantôt à bâbord ; nous croiserons moins de bateaux que la nuit précédente mais la vigilance reste de mise ; pendant son quart Maryse aura encore droit à des rafales à 34 nœuds, mais le bateau, à ces allures portantes, encaisse parfaitement ; il faut d'ailleurs regarder l'anémomètre pour s'apercevoir de la force réelle du vent.

Le lendemain matin, nous nous trouvons devant Weimouth Bay ; 168 milles ont été parcourus depuis la veille ; la moyenne a baissé car nous avons sans doute été moins prompts à effectuer les changements de voilures !

Vers 13 heures, nous passons devant le cap Grenville au nord duquel se situe Margaret Bay qui est le dernier mouillage possible avant le cap York, pointe extrême nord du "continent" australien et entrée du détroit de Torrès. Nous sommes à 85 milles du dit cap et le captain décide de s'arrêter pour attendre la bonne heure de marée pour passer le détroit.

Celle-ci est d'ailleurs bien difficile à établir et le guide "Cruising the Coral Coast" écrit par Alan Lucas, s'il a beaucoup de mérite par ailleurs, n'a pas celui de la clarté pour nous renseigner sur ce point ! Dans des digressions toutes britanniques, il vous explique de long en large que les courants sont forts, qu'ils sont difficilement prévisibles car la mer de Corail à l'est et la mer d'Arafura à l'ouest ont des marées non coordonnées, qu'il faut passer à la bonne heure de la marée sans toutefois préciser laquelle bref, après lecture, relecture et re-relecture, il semble au captain qu'il est nécessaire d'attendre 5 heures à notre mouillage pour arriver "à la bonne heure" au cap York.

Et puis, une idée germe subitement et concomitamment dans l'esprit du mousse et du captain : si nous attendions 24h histoire de nous reposer un peu ? Voilà une idée qu'elle est bonne et se trouve aussitôt adoptée ! Le mouillage ne sera cependant pas de tout repos car, s'il est en partie protégé des vagues, il ne l'est pas du vent qui continue avec constance à souffler entre 25 et 30 nœuds. Mais la tenue du fond est bonne et nous passerons une après-midi et une nuit bien réparatrices. Nous trouverons d'ailleurs deux autres voiliers (les premiers rencontrés depuis le départ) déjà mouillés à notre arrivée.

C'est donc le lendemain 1er août vers 17h que nous relevons le mouillage (avec un guindeau qui marche, quel bonheur !) et quittons nos deux voisins pour gagner le cap York et le détroit de Torrès. Le vent est toujours de force 6 à 7 avec une direction constante. Et c'est le lendemain au petit matin que nous doublerons le fameux cap avec du courant… dans le nez ! Ses deux à trois nœuds ne nous feront cependant que ralentir et nous apercevrons le fameux cap entre les îles York et Eborac situées juste à son nord.

Nous passerons ensuite au nord de l'île de la Possession, entre celle-ci et l'île Meddler, longeant de jolies plages complètement désertes sous la surveillance d'un bateau de guerre australien. Nous redresserons ensuite la route à l'ouest sous l'île du Prince de Galles dans des fonds de 10 à 15 mètres dont les couleurs ne seront pas sans nous rappeler les atolls des Tuamotu et, en fin de matinée, nous sortirons du fameux détroit, cap plein ouest dans la mer d'Arafura sur une route libre de tout danger : le plus dur était derrière nous !

Il ne nous restera alors qu'à traverser les 330 milles du golfe de Carpentaria que nous bouclerons le 4 août en passant au large du cap Wessel, puis les 510 milles restants au large du Arnhem Land pour atteindre Darwin.

Le reste du voyage se gèrera donc comme une traversée classique, chacun prenant de nuit son quart de trois heures à tour de rôle, bref la routine. Les distances journalières s'établiront entre 158 et 175 milles dans un vent faiblissant légèrement mais avec un temps superbe : grand ciel bleu, forte chaleur sèche, un temps qui nous rappela celui que nous avions connu au Cap Vert.
Le 5, nous installerons une allure encore inédite sur Olympe avec génois tangonné au vent, grand-voile et artimon sous le vent. C'est sous cette allure que nous fûmes survolés pour la première fois à très basse altitude par un avion des douanes ; Nous aurions normalement dû être repérés bien plus tôt ! Le détroit est en effet étroitement surveillé non seulement par la marine australienne mais aussi par les avions des douanes.

Quelques instants plus tard, il nous appelait sur la VHF par le nom du bateau qu'il avait donc pu lire et nous demanda notre pédigrée, notre lieu de départ et notre port de destination ainsi que le numéro d'enregistrement du bateau et le port d'inscription maritime. Très courtois, il nous remercia de notre coopération.

Nous fûmes une nouvelle fois survolés le lendemain midi mais, reconnus, la douane ne nous demanda rien.

Pour arriver sur Darwin nous suivîmes les conseils des guides de navigation qui suggèrent de contourner par le nord les îles Melville et Barthurst plutôt que de couper par les détroits de Dundas et Clarence où des courants de marée compliquent et retardent la navigation, même si la distance est plus courte. Le vent nous fera faux bond au nord ouest de l'île Melville et c'est au moteur que nous terminerons notre navigation.

Arrivant dans le chenal de Darwin, nous fûmes avisés par VHF de la sortie d'un navire dangereux, un énorme gazier à qui nous laisserons toute la place en sortant du chenal. Nous nous dirigeâmes ensuite vers Fanny Bay, lieu de mouillage de tous les bateaux de passage. Cette baie est bien abritée de la houle. Le mouillage est situé juste en face du Darwin Sailing Club devant une jolie plage dont le seul inconvénient est d'avoir un fond de faible pente obligeant à mouiller à un demi-mille du rivage compte tenu du marnage local.

Nous étions le 7 août à 11h30 quand nous jetâmes l'ancre après 1342 milles parcourus à la moyenne de 7,02 nœuds.

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