OLYMPE AUTOUR DU MONDE

Cap Vert (Sao Vicente) - Antilles (Martinique)

Préambule

3 décembre 2008, voilà la date que nous avions fixée quelques jours auparavant pour notre départ de transatlantique; pourquoi cette date penserez-vous? Plus tôt, c'eut été difficile compte tenu de l'arrivée de Jean-Marie au Cap Vert le 28 novembre : il fallait lui laisser le temps de récupérer et surtout de profiter un minimum de Mindelo que nous avions tant aimé; sachant qu'il avait vécu sept ans au Brésil, nous étions persuadés qu'il retrouverait un peu de cette ambiance bon enfant et métissée qu'il avait connu dans les années 70. Plus tard, cela aurait pu remettre en cause notre arrivée avant Noël, car la météo n'était guère favorable : les alizés n'étaient toujours pas établis, le vent restait très faible au milieu de l'Atlantique, ce qui nous était d'ailleurs confirmé par les messages des amis du ponton partis une semaine plus tôt.

Curieusement, Maryse comme le captain ne trahissaient aucune appréhension à l'approche du départ; nous y pensions peu, et lorsque nous y pensions dans le cadre de la préparation, c'était avec une grande sérénité. Etait-ce la traversée Canaries-Cap Vert qui nous avait rassurés, ou bien le dieu Neptune qui avait, d'un coup de baguette magique, transformé Maryse en navigatrice chevronnée, le fait est que nous baignions dans une parfaite "zénitude", à moins que ce ne fut de l'inconscience!

Dans ses prévisions initiales, le captain comptait 14 jours de traversée, avec l'espoir intime de faire deux jours de mieux avec de bonnes conditions météo. Mais avec les prévisions sur sept jours des fichiers pris sur internet, l'hypothèse initiale semblait difficile à tenir.

Les préoccupations du captain

Les principales préoccupations du captain portaient sur la gestion de l'eau et des énergies : électricité et gasoil. Sur un voyage qui pouvait durer de deux à trois semaines et sans expérience d'une telle durée, cette traversée allait être un test en vraie grandeur de la gestion de ces paramètres.

Aussi, allait-il être draconien sur la consommation de l'eau (le désalinisateur n'a pas été remis en route, 1000 litres devaient tout de même suffire!) : une seule vaisselle par jour, douches limitées au strict minimum et, bien sûr, pas de machine à laver le linge!

Sur l'aspect électricité, nous disposions de plusieurs sources de production :

  • L'éolienne, mais par faible vent et allure portante, on ne peut pas compter dessus.
  • L'alternateur du moteur quand celui-ci fonctionne, mais le but est tout de même qu'il fonctionne le moins possible, car il consomme du gasoil.
  • Puis l'alternateur d'arbre qui couvre tous les besoins du bord pour autant que la vitesse sous voile soit d'au mois 6 à 6,5 nœuds. Le principe est que la force hydraulique sur l'hélice due à la vitesse du bateau lui permette de rester en rotation, entraînant un alternateur couplé sur l'arbre d'hélice. Seul inconvénient, on perd un bon demi nœud en vitesse.
  • Enfin, le groupe électrogène produisant du 220 volts et permettant ainsi de faire fonctionner le chargeur de batteries; il consomme également bien sûr du gasoil.

Il va donc falloir jouer avec tous ces paramètres pour conserver un parc de batteries en bon état de fonctionnement, sans hypothéquer l'autonomie du bateau donné par ses 600 litres de gasoil.

L'organisation des quarts de nuit

Après concertation avec l'équipage, Jean-Marie étant plutôt du soir, Maryse du matin, nous avons organisé des quarts de trois heures de la manière suivante :

22h-1h Jean-Marie,
1h-4h le captain,
4h-7h Maryse

Ce rituel durera jusqu'à ce qu'un incident nous contraigne à adopter une autre tactique.

La traversée

3 décembre

Depuis la veille, Maryse a pris son nouveau médicament contre le mal de mer recommandé par Monique; il s'agit du Stugéron, également connu sous le nom de Sureptil; la molécule active est la cinarizine, c'est un médicament que l'on trouve partout, même au Cap Vert, mais qui n'est plus commercialisé en France : cherchez l'erreur.

Notre alternateur d'arbre vient seulement d'être remonté et fonctionne! Il est 14 heures lorsque nous larguons les amarres sous les encouragements du "club France"; c'est donc à cette heure locale capverdienne que nous effectuerons nos points journaliers pour connaître les distances parcourues chaque 24 heures. La gestion de l'heure est d'ailleurs un petit casse-tête : il faut connaître l'heure GMT utilisée pour les prévisions météo, l'heure française pour éventuellement joindre famille, amis ou chantier Amel, l'heure du Cap Vert pour les statistiques d'avancement et enfin, au fur et à mesure de la traversée, gérer progressivement les trois heures de décalage entre le Cap Vert et les Antilles; pour ce dernier point, nous avions décidé de retarder l'heure du bord d'une heure chaque fois que nous parcourrions un tiers du trajet.

Nous quittons la baie de Mindelo avec un bon vent de nord-est de force 6; c'était prévu, mais nous savions malheureusement que cela n'allait pas durer; mais tout ce qui serait pris ne serait plus à prendre! Nous déboulons le canal de Saint Vincent entre Sao Vicente et Santo Antao sous grand-voile, génois et artimon à 8,6 nœuds de moyenne puis, à la sortie, nous tombons sous le vent de Santo Antao : le vent devient quasiment nul et il faut attendre 17h50 pour qu'une renverse de vent au sud-est de force 3 nous conduise à empanner et à avancer péniblement à 4 nœuds.

Mais à 20h20, le vent tombe à nouveau et nous décidons de nous aider du moteur pendant trois heures avant de remettre les voiles pour la nuit. Le captain commence alors ses calculs de consommation!

4 décembre, 2 ème jour

Le vent se renforce en début de matinée, nord-est force 5; il tournera progressivement au nord nord-est puis à l'est en fin d'après-midi; cette rotation nous conduira à changer la voilure, remplaçant grand-voile génois et artimon de l'allure de grand largue du matin par le tangonnage du génois et du gennaker en soirée. Pendant cette journée, l'alternateur d'arbre aura alimenté le bord.

A 14h, nous aurons parcouru 160 milles pour les premières 24h. Maryse, qui a repris son comprimé le matin, est en pleine forme au point qu'elle arrêtera de se droguer le soir même!

5 décembre, 3 ème jour

2h30 du matin; le vent tourne au nord nord-est, force 5. Le gennaker se déchire le long de la chute sans raison apparente. On replie tout pour se remettre en configuration grand-voile, génois et artimon; la vitesse se maintient à 7 nœuds.

Pendant le quart de Maryse, un poisson volant atterrit dans le cockpit.

A 7h, le vent baisse en tournant nord-est; on hisse en sus le foc d'artimon, mais la vitesse baisse néanmoins à 4,5 nœuds; on arrête l'alternateur d'arbre. On tente de réparer le gennaker avec les patchs autocollants prévus pour; on essaiera de le renvoyer plus tard.

14h, nous avons parcouru 140 milles les dernières 24h; cela fait déjà 300 milles en deux jours, sur les 2100 milles prévus : presque 15% d'avancement, mais on se garde bien de faire des extrapolations car on sait que l'on a mangé notre pain blanc et que nous nous rapprochons des calmes!

On renvoie le gennaker dans la foulée : il se redéchire aussitôt un peu plus bas. Deuxième réparation faite illico.

16h50 : ça sent le poisson dans le cockpit! On cherche partout pour finir par trouver un poisson volant qui avait réussi à atterrir dans la baille à drisses en pied du mât d'artimon! Manifestement, il n'était plus très frais.

18h, le vent baisse, est nord-est force 3; on retangonne génois et gennaker, lequel se redéchire une nouvelle fois! Cette fois, c'est terminé, on le roule définitivement pour le ranger, la toile doit être cuite par le soleil : cette voile de petit temps va bien nous manquer… On place alors la grand-voile en ciseaux avec le génois tangonné. La vitesse oscille autour de 5 nœuds. Le spectacle du coucher de soleil dans un ciel nuageux est magnifique!

6 décembre, 4 ème jour

Après une nuit douce avec une température de 27°, grande première! Nous hissons une autre voile d'avant appelée balooner; celle-ci s'endraille sur la deuxième gorge de l'enrouleur du génois et se tangonne à tribord, le génois étant tangonné à babord; un système de blocage dans l'émerillon du génois spécifique au chantier Amel permet normalement de récupérer la drisse et d'enrouler ensemble génois et balooner pour réduire la voilure en cas de besoin. Seulement voilà, la voile refuse obstinément de se bloquer et nous la récupérons à l'eau! A la deuxième tentative, nous devrons laisser la drisse en place, interdisant de ce fait l'enroulement simultané des deux voiles. Nous nous apercevrons un peu plus tard que les drisses ont été inversées et s'entrecroisent au sommet du mât.

Point positif tout de même, avec cette configuration et malgré un vent de nord-est faible de 13 nœuds, on avance quand même à 6,1 nœuds. Mais le bilan journalier de la distance parcourue en 24 heures n'est pas fameux : 116 milles seulement; ce sera une de nos plus petites journées.

Dans l'après-midi, le pilote automatique commence à faire des siennes : il se bloque sur une position et n'en bouge plus. Après une reprise en main par Maryse pendant une heure et demi, il consent à reprendre son travail.

Avant la nuit, le vent tournant de travers, nous rentrons le balooner et nous nous remettons en configuration grand-voile, génois et artimon pour une vitesse oscillant entre 5 et 6 nœuds. Mais le fonctionnement du pilote est de plus en plus aléatoire, au point que nous devons envisager de barrer en permanence. L'organisation des quarts de nuit est ainsi modifiée pour les limiter à deux heures :

23h-1h : Jean-Marie,
1h-3h : le captain
3h-5h : Maryse
5h-7h : Jean-Marie
7h-9h (mais plus souvent 10h!) : le captain

7 décembre, 5 ème jour

7 heures du matin : le vent baisse entre 8 et 10 nœuds, réduisant la vitesse du bateau entre 4,1 et 4,8 nœuds. A 8h30, la pluie annoncée pour le soir par nos fichiers météo est en avance! Dans la journée, nous serons amenés à tangonner le génois avec la grand-voile en ciseaux.

A 14h, le bilan des 24 heures n'est guère brillant avec 127 milles parcourus, portant tout de même le cumul à 543 milles, soit le quart de la traversée. Puis, à 14h30, nous subissons notre premier vrai grain tropical qui va durer jusqu'à 17h : 32 nœuds de travers sous un déluge (la météo annonçait 10mm d'eau à l'heure), permettant de faire un excès de vitesse à 9 nœuds. Puis nous retangonnerons le génois pour la nuit.

8 décembre, 6 ème jour

La nuit est orageuse! Des éclairs au loin, puis un orage à 3 milles sur tribord qui nous épargnera; le vent tombe complètement, nous encourageant à démarrer le moteur, ce qui rechargera par la même occasion les batteries. Les deux jours précédents, c'est le groupe électrogène qui s'était chargé de cette tâche importante.

Puis à 6h, le vent se lève à nouveau, assez fort, d'est 5 à 6, soit pratiquement vent arrière; le génois seul tirera le bateau. A 8h, il se renforce en tournant est sud-est force 6; le génois partiellement roulé et la grand-voile nous donneront une bonne vitesse de 8,2 nœuds. A 11h15, il baisse à 13 nœuds! Mais où sont donc les alizés avec leur stabilité en force et en direction? En fait, depuis notre départ, nous nous trouvons en permanence dans un système dépressionnaire instable, expliquant sûrement en partie la difficulté pour les météorologistes de faire des prévisions fiables; nous ne vérifierons en effet jamais les prévisions annoncées!

A 14h, la distance mesurée des 24 dernières heures a été de 146 milles; c'est moins mauvais et on signerait bien tout de suite pour un score semblable jusqu'à l'arrivée! Puis, vingt minutes plus tard, le vent tombe complètement, nous conduisant à rentrer les voiles pour redémarrer le moteur (le captain décompte bien chaque fois les consommations théoriques…)

Nous croisons notre premier bateau depuis le départ du Cap Vert à 17h15; il s'agit d'un cargo qui passe à 4,5 milles sur notre tribord. Nous avions presque oublié que nous pouvions ne pas être complètement seuls sur cet océan. Le ciel est très changeant, pouvant devenir noir sur un bord et rester bleu et blanc sur l'autre; quelques belles photos sont prises pour immortaliser ces contrastes.

Pendant ce temps, nous barrons en permanence chacun notre tour et la position assez inconfortable à la barre commence à rendre les épaules douloureuses; alors, la nature humaine étant d'une grande adaptabilité, c'est avec les pieds que nous barrions de temps en temps!

Le soir, nous prenons les prévisions météo des cinq prochains jours; elles ne sont pas fameuses, n'annonçant pas de vent jusqu'au vendredi 12 décembre! Le vent est nul, la pétole bien installée : on décide de tout rentrer et de dîner à l'arrêt, peut-être même de passer ainsi la nuit; Mais la houle résiduelle fait rouler le bateau, ce n'est pas très confortable, et puis surtout on se dit que notre mouchard, la balise de tracking, risque d'affoler ceux qui nous suivent à terre et qui ne verront plus le bateau avancer! Aussi, après le dîner, remettrons-nous en route au moteur vers le nord-ouest pour essayer d'attraper le vent que nos fichiers météo prévoient au nord de la zone (vent faible toutefois!).

9 décembre, 7 ème jour

Ce choix semble avoir été le bon; à 6h20, nous touchons enfin du vent, ce qui nous permet de couper le moteur. Ce sera la journée des changements permanents de configuration de voiles : entre 6h20 et 12h20, nous serons passés de la configuration grand-voile-génois-artimon à génois-balooner tangonnés, puis grand-voile-génois détangonné-artimon et foc d'artimon; le vent, faible, n'arrête pas en effet de tournoyer, nous obligeant ces changements permanents pour optimiser la vitesse et ne pas perdre trop de temps; et puis ça occupe!

Le score des 24h sera le plus faible de la traversée avec 114 milles seulement. La mesure du niveau de gasoil dans le réservoir donne un solde de 480 litres, pour 468 calculés par le captain : à régime réduit (1600 tr/mn), le moteur consomme moins que prévu, voilà tout de même une bonne nouvelle.

10 décembre, 8 ème jour

Vent de nord nord-est de 12 nœuds, notre vitesse oscille entre 5,5 et 6,2 nœuds. Puis le vent retourne à l'est nord-est; on décide d'envoyer le balooner et, on ne sais par quel maléfice, l'écoute passe sous le bateau, engendrant un beau capharnaüm à bord, juste au moment où un cargo nous arrive de face droit dessus! C'est bien notre chance, c'est au moment où nous ne sommes plus manoeuvrant que le deuxième bateau rencontré en 8 jours se pointe! On réussira néanmoins à tout remettre en ordre quand nous croiserons ce fichu cargo à moins d'un mille sur tribord.

A 14h, le verdict des dernières 24h tombe : 146 milles, portant le cumul parcouru à 949 milles; la moitié n'est pas encore atteinte, mais elle approche! A 17h, le vent forcit à 20 nœuds apparents, on rentre le balooner.

La nuit qui suivra sera particulièrement difficile : grains permanents, mer agitée et désordonnée, bateau mal équilibré et difficile à tenir, la fatigue commence à se faire sentir.

11 décembre, 9 ème jour

On commence à redescendre sur la route théorique, cap au 260°. Le vent s'établira en milieu de journée au nord-est force 5 ce qui n'est pas si mal; nous nous contenterons du génois seul tangonné.

154 milles sont parcourus depuis la veille, soit un total de 1103 : il en reste 1013 théoriques pour arriver; la mi-course est derrière nous et ça s'arrose!

C'est au cours de cette journée que nous verrons le seul voilier durant notre traversée; il fait route dans la même direction que nous à 1 mille sur l'avant bâbord; nous le rattrapons puis le dépassons. Nous tentons en vain de le joindre par la VHF.

12 décembre, 10 ème jour

Pendant le quart de Maryse, vers 6h15, un énorme grain qu'elle a détecté au radar nous file droit dessus; le vent commence à forcir rapidement en virant au sud; elle appelle au secours son captain préféré qui reste prêt à intervenir dans le carré pendant ses quarts; le temps de prendre la barre en main, le moussaillon se réfugie à l'intérieur du bateau dont il ferme la descente, laissant le captain seul dehors à se débrouiller comme il peut : le génois est tangonné et il est trop tard pour enlever tout le harnachement du tangon; seul et sans pilote, il ne peut non plus réduire la toile facilement. Le vent souffle à 38 nœuds, il faut impérativement rester vent arrière, direction plein nord : le bateau est facile à tenir, mais il ne faudrait pas que le vent se renforce encore car ça tire vraiment très fort et l'enrouleur de génois souffre; on verra plus tard qu'il en gardera des séquelles.

La plaisanterie va ainsi durer une demi-heure, et il est heureux que ce méchant grain n'ait pas duré plus longtemps; quant aux trombes d'eau, nous n'en avions jamais vues de telles! Conseil du captain à son mousse préféré : la prochaine fois, appelle moi plus tôt et ne te sauve pas comme une voleuse!

Le reste de la journée se passera calmement, le score des dernières 24h s'établissant à 149 milles.

13 décembre, 11 ème jour

Dans la nuit, le vent tourne au sud sud-est, force 3; il nous faut détangonner le génois et passer bâbord amure avec grand-voile+génois+artimon. A 14h, le point donne 142 mille parcourus en 24h; la vitesse moyenne semble se stabiliser à cette valeur.

Le soir, vers 19h, le vent tombe complètement; on remet le moteur à régime réduit. Lors d'une inspection du pont, le captain trouve des têtes de rivets sous l'enrouleur de génois : celui-ci est en train de se désolidariser du tube d'entraînement relié au moteur. Le coup de vent de la veille a laissé des traces! Nous voilà privés maintenant de voiles d'avant, à l'exception de la trinquette, petite voile de gros temps! Avec ça, on va bien avancer!

14 décembre, 12 ème jour

On prend quelques grains arrivant par l'arrière, mais sans commune mesure avec celui de l'avant-veille. Le temps devient très humide, mais les températures se maintiennent à des valeurs bien agréables. On renverra les voiles plusieurs fois, entrecoupées de périodes motorisées.

134 milles sont parcourus depuis la veille, il en reste 598 théoriques. Ce n'est qu'à 18h que nous pourrons couper le moteur, repasser tribord amure avec toute la toile disponible : trinquette, grand-voile, artimon et foc d'artimon.

15 décembre, 13 ème jour

Le vent continue de faiblir et notre vitesse corrélativement. Plus on se rapproche du but et plus on s'en rapproche doucement, c'est vraiment frustrant! Ce ne sont que 127 milles qui sont parcourus dans les dernières 24h. A minuit, on croisera un gros bateau de pêche sur bâbord, le quatrième bateau depuis notre départ.

Côté animaux marins, c'est aussi le désert : à part des poissons volants en quantité, pas un dauphin, pas une baleine ni même une dorade coryphène à se mettre sous la dent. Les oiseaux aussi sont rares; on a l'impression que ce temps perturbé depuis le départ et loin du standard attendu empêche la faune de s'exprimer.


Par contre, Maryse est comme un poisson dans l'eau; depuis le début elle ne cesse de surprendre son monde! Active, elle barre, fait de la cuisine, lit, écoute de la musique, participe aux manœuvres, bref, on ne la reconnaît plus! Elle ne se rend pas compte elle-même de sa métamorphose.
16 décembre, 14 ème jour

Depuis trois heures du matin, le moteur est à nouveau en marche; dans la matinée, nous contrôlerons le niveau de carburant dans le réservoir pour s'apercevoir qu'il reste environ 380 litres à deux ou trois jours de l'arrivée. Nous n'aurons pas consommé la moitié de notre réserve! De même pour l'eau, il reste encore plus de la moitié du réservoir! Le captain aurait-il été trop drastique?

122 milles sont ainsi parcourus depuis la veille, la vitesse moyenne continue de baisser.

17 décembre, 15 ème jour

Bien que tout le monde soit bien rôdé au rythme des quarts et que la fatigue s'estompe au fil des jours, on sent bien que chacun a hâte d'arriver: d'ailleurs, ça commence à sentir l'écurie! Car même si ce ne sont que 124 milles qui sont parcourus en 24h, il n'en reste plus que 233 à faire, soit l'équivalent d'un aller-retour Trébeurden-Falmouth!

Entre 7h30 et 22h, nous aurons pu remettre tout ce qui nous reste de toile dessus.

18 décembre, 16 ème jour

Entre 8h30 et 10h30, ce sont encore de violents grains qui nous cueillent en début de journée. Puis le vent semble vouloir se lever pour la dernière ligne droite, puisqu'à 14h, il ne reste plus que 112 milles à effectuer. Nous risquons fort d'arriver de nuit si le vent continue à forcir comme il semble vouloir le faire, comme pour se faire pardonner de nous avoir si souvent lâché pendant cette traversée! Seulement voilà, compte tenu de la délicatesse d'atterrissage dans la baie du Marin et de l'absence de carte de détail, cela ne nous arrange pas du tout! Décidément, il fait tout à l'envers.

En soirée, le vent forcit en effet force 5; si nous voulons arriver de jour, il nous faut réduire la voilure, un comble après tout ce que nous avons subi!

19 décembre, 17 ème jour

Depuis le milieu de la nuit, nous apercevons sur tout l'horizon la lueur de tout l'arc antillais; c'est beau et émouvant!

C'est avec grand-voile et trinquette partiellement roulées (un comble!) que nous arrivons aux premières lueurs près du phare de l'îlet Cabrits à la pointe sud de la Martinique; puis nous lofons pour tirer un bord de près serré jusqu'à la première bouée du chenal d'entrée de la baie du Marin, sans oublier qu'ici les couleurs sont inversées! On laisse les vertes à bâbord et les rouges à tribord. En serpentant dans le chenal entre les plateaux de corail, on se dit que la première fois il est en effet plus sage d'arriver de jour!

VHF canal 9 : "Capitainerie du Marin, ici Olympe, à vous"; on bout de trois appel, nous avons la réponse de la capitainerie qui nous dit, pas gentiment, qu'il n'y a pas de place et que nous devons aller au mouillage; pas de problème pour nous, mais pourquoi ce ton désagréable?

Jean-Marie appellera alors son cousin, loueur de bateaux au Marin, qui nous autorisera à nous mettre au ponton à la place d'un de ses bateaux parti pour la semaine; il faudra bien une heure pour que la capitainerie nous autorise à nous y installer et à y retrouver Françoise arrivée par avion le 16 décembre et heureuse de retrouver son homme.

Nous aurons parcourus 2142 milles en 15 jours et 22 heures, soit une moyenne de 5,6 nœuds seulement. A l'inverse de notre arrivée à Madère, Maryse n'éprouve pas d'émotion particulière et ne semble même pas se rendre compte de ce qu'elle vient de réaliser : oui, elle l'a fait, cette fichue traversée…

Bonjour la Martinique!

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