OLYMPE AUTOUR DU MONDE

 

RAROTONGA-NOUVELLE ZELANDE

29 octobre 2010, il continue de pleuvoir sur Rarotonga où il n'y a pas grand-chose à faire ni à voir; d'ailleurs cette escale dans l'île principale des Cook du sud n'avait pas vraiment un but touristique, mais devait assurer une coupure sur la longue traversée vers la Nouvelle Zélande et permettre une bonne mise en jambe de nos amis Gérard et Marie-Paule, eux-mêmes plaisanciers mais peu habitués aux longs périples ni aux quarts de nuit.

Le vent souffle assez fort mais la météo prévoit une baisse progressive dans les jours suivants; le captain prend alors la décision de partir. Cette traversée, il la redoute un peu car elle est souvent délicate; la fenêtre météo pour l'effectuer est d'ailleurs très étroite dans l'année : elle se situe entre mi-octobre et mi-novembre. Avant, la fin de l'hiver austral peut provoquer des trains de fortes dépressions à l'approche de la Nouvelle Zélande, après, on rentre dans la saison cyclonique du Pacifique sud avec des risques majeurs sur la route.

La stratégie météo générale commande de ne pas faire route directe, mais de faire d'abord de l'ouest jusqu'à se situer presque au nord de la Nouvelle Zélande, puis de piquer au sud, ceci afin d'avoir un meilleur angle aux vents de sud-ouest et ouest des dépressions balayant le nord du pays. N'oublions pas que le nord de ce dernier se situe sur le 36ème parallèle sud, plus très loin des fameux 40ème rugissants!

Nous larguons les amarres à 13 heures aidés par l'équipage du bateau australien et quittons le petit port d'Avatiu par sa passe étroite. Le vent souffle du sud sud-est force 5 à 6, allure idéale pour Olympe. Le cap est mis au 260° avec grand-voile et génois seuls et la vitesse se stabilise entre 8 et 9 nœuds.

Dans la nuit, le vent commencera à baisser à force 4-5 puis à 3-4 au petit matin comme le prévoyaient nos fichiers météo. Nous enverrons toute la toile supplémentaire, artimon et foc d'artimon, mais la vitesse baissera inéluctablement à 5-6 nœuds. 165 milles seront parcourus au cours des premières 24 heures. Commencera alors la première des trois phases qui caractériseront cette traversée.

Première phase ou la recherche du vent

Ceux qui ont suivi en direct notre cheminement donné par notre balise satellite ont dû se demander si nous n'éclusions pas les bouteilles du bord! Se fut en effet une série de zigzags pour essayer de suivre un vent faible et capricieux en direction, tout en essayant d'éviter de descendre dans une bulle anticyclonique située juste au sud où le vent était quasiment nul. Un coup je te fais de l'ouest, un coup du sud-ouest, un autre coup du nord-ouest et ainsi de suite jusqu'au 6 novembre au matin.

Le 31 octobre, l'état du chariot de l'écoute de grand voile inquiète le captain : un jeu anormal apparaît au niveau de l'axe d'une poulie qui maintient la bôme en position. Une rupture de ce chariot dans du vent fort pourrait avoir des conséquences graves allant jusqu'au démâtage : petites causes, grands effets!

Avec Gérard, il s'attaque au démontage du dit chariot nécessitant le démontage du rail d'écoute pour le sortir, ce qui n'est pas une mince affaire : c'est à la masse avec un tournevis à frapper que nous en viendrons à bout. Resserrer l'axe de la poulie et remonter le tout fut ensuite un jeu d'enfant; mais nous nous féliciterons plus tard d'avoir effectué la réparation dans les vents violents de la dépression que nous allions traverser.

1er novembre, second problème technique : le groupe électrogène fuit un mélange d'eau, d'huile et de gasoil; plus question de le faire tourner pour recharger les batteries, il faudra faire tourner le moteur débrayé pour utiliser son alternateur 24 volts. Afin d'économiser la consommation électrique, nous couperons provisoirement le pilote automatique et barrerons à tour de rôle pendant quatre jours jusqu'au moment où le vent se lèvera et permettra à l'éolienne de fournir l'énergie nécessaire.

C'est au cours de la quatrième journée que nous franchirons le tropique du Capricorne, quittant ainsi pour quelques mois la zone inter tropicale et son chaud climat; et c'est dans la nuit suivante du 2 au 3 novembre, pendant le quart de Maryse, que nous franchirons le 170ème degré de longitude ouest qui est, à cette latitude, la ligne officielle de changement de date; à 2 heures du matin nous sommes donc passés du 3 novembre au 4 novembre, vieillissant ainsi de 24 heures en une fraction de seconde!

Pendant tous ces jours, les moyennes journalières furent assez variables mais honorables compte tenu de ces conditions très changeantes : après les 165 milles du premier jour, se furent successivement 130 milles, 151 milles, 149 milles, 129 milles, 170 milles et 143 milles au point de 13 heures du 6 novembre. Mais les nouveaux fichiers météo reçus par Iridium nous annonçaient pour la nuit suivante l'arrivée d'une grosse dépression; statistiquement il y en a souvent au moins une sur cette traversée, nous n'allions pas y échapper!

Deuxième phase ou la gestion d'une dépression

Ce n'était pas une surprise, nous l'avions repérée quatre jours plus tôt sur les prévisions météo mais avions un peu attendu pour confirmer sa trajectoire. Elle nous arrivait droit dessus, venant du sud-ouest, pas trop creuse (1007 hpa) avec des vents annoncés de 30-35nœuds, ce qui en soit n'est pas terrible. Mais nous avions déjà eu l'expérience à plusieurs reprises de la sous-estimation des vents donnés par ces fichiers (lors de la traversée Marquises Tuamotu). Les vents allaient d'abord être orientés du nord-ouest, nous obligeant à courir vers le nord-est ou vers le sud, puis passer au sud-est nous propulsant alors vers l'ouest.

Deux stratégies d'anticipation s'offraient à nous : la première consistait à filer plein nord pour tenter d'éviter le plus gros de la dépression; l'inconvénient était évidemment de nous éloigner de notre destination, l'avantage d'éviter, semblait-il, la seconde phase de la dépression après le retournement du vent. La seconde consistait à filer plein sud en espérant échapper, en partie seulement, à la première phase de la dépression, de gagner du sud avec les vents de nord-ouest de cette première phase puis de se faire propulser plein ouest par les vents de sud-est de la seconde phase. L'avantage était bien sûr de gagner sur la route, la contre partie étant de rester plus longtemps dans la dépression.

C'est cette seconde option que nous avons retenue mais pour une autre raison : les fichiers météo prévoyaient pour les 4-5 jours suivants, pratiquement jusqu'à l'arrivée, un vent stable de 20-25 nœuds venant du sud sud-est; si nous étions partis au nord, la descente aurait alors été plus laborieuse, plus longue et avec un angle au vent moins favorable.

Et bien, puisqu'il faut y aller, allons-y! À 15h20 le 6 novembre, le vent est tombé (le calme avant la tempête…), nous mettons le moteur et descendons plein sud le plus vite possible, l'idéal étant d'atteindre le 28ème parallèle au nord duquel les premiers vents forts doivent se lever à 2 heures du matin.

2h, le vent se lève en effet, on arrête le moteur et on remet les voiles; 4h, le vent devient violent, de nord nord-ouest force 8 à 9, 40 à 50 nœuds : les prévisions de vent étaient en effet sous-estimées; la grand voile est rentrée, on ne laisse que le génois et l'artimon partiellement roulés.

Le bateau se comporte remarquablement bien, file à 9 nœuds avec des surfs jusqu'à 12,8 nœuds sur une mer qui devient vite forte. Est-ce le stress ou les mouvements du bateau, Maryse est malade et part se coucher; on ne la reverra pas avant trois jours! Avec cela, la température a progressivement chuté depuis notre départ des îles de la Société : adieu les 25° ou 27° la nuit, on est passé à 18° et ce n'est pas fini, on continue de descendre dans le sud et, dans l'hémisphère sud, le sud est l'équivalent du nord dans notre hémisphère nord…Même les bretons sont gelés!

A 11 heures le matin du 7 novembre, nous passons dans le centre de la dépression; le vent faiblit, la pression barométrique est alors de 1002,2 hpa. A 11h30, le vent reprend du sud sud-est, force 8 à 9; notre cap passe du 180° au 270°. A 13 heures, la mer est très forte, vagues de 4 à 5 mètres très rapprochées qui commencent à déferler. Mais ce brave Olympe n'en a cure, il continue de filer bon train sans jamais mettre son équipage en danger.

Le point du jour donne 163 milles parcourus, sachant que sur la moitié des 24 dernières heures, le vent était très faible; mais nous n'aurons gagné que 95 milles sur la route!

A 18 heures, le vent baisse enfin force 5-6, c'est la fin de la dépression; reste à gérer le passage de l'archipel de Kermadec, de ses hauts fonds et de son île Raoul prévu dans la nuit après être passés sur des fosses marines de plus de 10 000 mètres de profondeur! Nous passerons finalement à 6 milles au nord de l'île Raoul à 2 heures du matin avant d'obliquer notre route directement sur notre port de destination, Whangarei; puisqu'aucune autre dépression n'est prévue avant l'arrivée, inutile de continuer à gagner dans l'ouest avant de faire du sud : cap au 230° avec grand voile et génois pleins.

En quelques heures, la pression barométrique est remontée de 1002 à 1025 hpa! Pendant cette phase comme la suivante, l'éolienne compensera largement les consommations du bord, y compris le pilote automatique dont le fonctionnement aura été exemplaire durant cette dépression.

Troisième phase, la dernière ligne droite

Droite en effet elle sera; la direction du vent nous permet de viser directement le port d'arrivée à une allure comprise entre le près et le bon plein. Mais elle débutera par un incident fâcheux, la déchirure du génois sur une barre de flèche lors d'un virement de bord aussi involontaire qu'intempestif; c'est un coup dur car tout le monde est fatigué et a envie d'arriver. Sans génois mais avec la trinquette pour le remplacer, nous allons perdre un temps estimé à une journée et demie.

Heureusement, pour une fois Eole est compatissant; voyant que l'on a plus qu'une voile de brise à l'avant, il va nous donner de la brise, 20 à 25 nœuds, avec une succession permanente de grains qui nous permet de progresser contre le vent et la houle à 6-7 nœuds, parfois plus, dans un bon confort même si une nuit Gérard et Marie-Paule durent aller dormir dans le carré, tant la proue du bateau tapait dans le creux des vagues, les décollant littéralement de leur couchette.

Les nuits sont de plus en plus fraîches : 15° avec du vent, il y a longtemps que les polaires et les vestes de quart sont sorties et les soupes chaudes avalées! Dans la journée, on ne dépasse pas les 20° mais, avec l'humidité ambiante, on a du mal à se réchauffer. Dans la journée, on commence à apercevoir des oiseaux que nous prenions pour des albatros mais qui s'avérèrent n'être que des "black-backed gull"!

Mais les meilleures choses ont une fin : au petit matin du 11 novembre, le vent tombe comme prévu et nous devons mettre le moteur jusqu'à l'arrivée, aidé de la grand voile en réglant la vitesse pour ne pas arriver de nuit. C'est aussi ce jour que nous franchirons le 176ème degré de longitude est à partir duquel chaque mille parcouru nous rapprochera désormais de la maison au lieu de nous en éloigner : l'argument laissera Maryse de marbre après son retour aux affaires!

La dernière journée et la dernière nuit se passeront calmement; nous vîmes apparaître les premières îles de la baie de Whangarei le soir du 11 novembre à 18h50; il restait environ 50 milles à parcourir, ce qui fut fait au ralenti de nuit. A 7h, nous embouquions l'embouchure de la rivière sous un ciel chargé et rejoignions la nouvelle marina Mardsen Cove invisible de la baie et dont l'accès non indiqué s'effectue par un chenal creusé dans un banc de sable, ce qui nous valut quelques frayeurs lorsque nous avons regardé le sondeur : 30 centimètres sous la quille!

Nous n'avons pu joindre personne avant 9h15 du matin, les douanes comme le port ne répondant pas à nos appels. Une fois prévenus, les représentants de la douane et du Ministère de l'Agriculture firent diligence pour venir à bord en nous souhaitant la bienvenue en Nouvelle Zélande avec beaucoup de courtoisie. En tout cas, rien de si terrible comme annoncé dans tous les guides ou sur radio-ponton!

A 13h, nous pouvions amener le pavillon "Q", nous étions libres de partir où bon nous semble dans tout le pays après toutefois avoir procédé au nettoyage du bord et aux lessives!

Cette traversée fut finalement effectuée en 12 jours et un peu moins de 20 heures pour parcourir 1855 milles soit 3435 km; ce fut l'une des plus difficiles que nous ayons effectuées depuis notre départ, de part la complexité de la gestion de la météo, de la forte dépression rencontrée et de l'incessant cortège de grains à subir au près pendant quatre jours.

La Nouvelle Zélande, ça se mérite!

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