OLYMPE AUTOUR DU MONDE

GALAPAGOS (Santa-Cruz)-MARQUISES (Hiva-Oa)

C'est le 17 mai 2009 que nous levâmes l'ancre pour ce qui devait être l'une des plus longues traversées de notre périple autour du monde, la traversée du Pacifique entre les Galapagos et les îles Marquises, soit 3000 milles (5550 Km) d'une seule traite. C'est une étape où il n'est pas rare de rencontrer des calmes sur la route; aussi, la durée estimée de ce voyage est très variable, de deux à quatre semaines en fonction des bateaux et de la météo rencontrée.

En prévision de cette longue traversée, nous avions fait remettre le dessalinisateur en service lors de notre séjour en Guadeloupe; quant à l'avitaillement, le plus gros avait été fait à Panama City avec Martine et Michel, complété à Santa Cruz pour le frais.

C'est par un vent de Sud sud-est de force 3 que nous quittâmes Santa Cruz à 12h15, après un déjeuner vite avalé. C'est donc à cette heure des Galapagos que nous ferons les points journaliers, même si nous avions décidé de retarder l'heure du bord d'une heure tous les 750 milles.

Pour la première semaine de mer, les quarts avaient été établis comme suit :

21h-minuit, Maryse,
Minuit-3h, le captain,
3h-6h, Michel,
6h-9h, Martine.

Les six premiers jours, ou un océan trop pacifique?

A part les premières heures où notre allure fut du près pour nous extraire de l'archipel, l'allure devint vite portante bâbord amures, oscillant entre vent de travers et grand largue. Ce sont des allures rapides pour peu qu'il y ait du vent; malheureusement, il y en avait peu pour ce début de traversée! Pas question pour autant d'utiliser le moteur et de griller dès le départ nos cartouches : on avançait entre 3 et 5 nœuds et il valait mieux conserver notre précieux gasoil pour les calmes plats que nous étions susceptibles de rencontrer ultérieurement.

Le lendemain du départ, vers midi, premiers événements de la traversée : le captain à la barre aperçoit une énorme tache brune à une centaine de mètre juste devant le bateau. Aucun doute possible, il s'agit d'une énorme baleine et nous fonçons droit dessus! Avant de partir, nous avions lu avec Maryse deux livres contant l'histoire de deux naufrages de bateau, précisément à cet endroit, suite à des collisions avec ces cétacés! Vite le temps de débrancher le pilote automatique et d'obliquer 30° sur bâbord et deux baleines passent à 20 mètres sur tribord, sans avoir apparemment bougé. L'équipage était partagé entre l'émerveillement du spectacle et la crainte qu'un tel événement puisse se répéter de nuit sans visibilité…

Un peu plus tard, ce sont des requins puis une otarie qui feront le spectacle, avant que Maryse n'aperçoive un bébé tortue dérivant sur une petite planche en bois!

Le premier point journalier est fait quelques instants plus tard : 107 milles seulement auront été parcourus lors des premières 24 heures; ce sera fort heureusement la plus faible moyenne de la traversée, car le vent semble vouloir devenir plus constant, même s'il n'est pas encore soutenu. C'est ainsi que les moyennes journalières suivantes s'établiront entre 140 et 150 milles. A la fin du sixième jour, il nous restera 2125 milles à parcourir, soit l'équivalent de notre traversée de l'Atlantique.

Le lendemain, autre émotion, Michel est seul dans le cockpit et entend un énorme souffle derrière lui; c'est une nouvelle baleine qui cette fois passe à 20 mètres sur bâbord! Décidément, cette zone située au sud-ouest des Galapagos est bien conforme à sa réputation, et l'équipage partage la même admiration mais aussi la même crainte que la veille.

Pendant ce temps, trois storm pétrels nous auront suivis pendant quatre jours depuis les Galapagos avant sans doute de rebrousser chemin. Nous apercevrons lors de la cinquième nuit les lueurs de ce qui devait être un paquebot situé à plus de 20 milles sur bâbord : c'était la première rencontre, lointaine, d'un bateau depuis notre départ. Le second sera vu sur le radar lors de la soirée suivante, en même temps qu'un banc de dauphins qui viendra nous tenir compagnie pendant quelques minutes avec leurs cabrioles autour du bateau, sautant ensemble hors de l'eau de manière parfaitement synchronisée.


A partir du 7ème jour, la chevauchée fantastique

Le 24 mai, l'alizé d'est forcira force 5, puis montera progressivement les jours suivants à force 6 puis 7 en s'orientant est sud-est. L'allure se stabilise autour du petit largue avec tout dehors : génois, grand-voile, artimon et foc d'artimon, sauf par vent d'Est où nous rentrons tout pour envoyer génois et ballooner tangonnés.

Curieusement, l'état de la mer varie peu et reste agitée mais sans plus. Les moyennes grimpent rapidement pour osciller entre 180 et 205 milles par jour, soit plus de 8,5 noeuds de moyenne journalière les meilleurs jours, constituant le record du bateau depuis son acquisition.

Ce même jour, nous apercevrons notre troisième navire, un cargo avec ses mâts de charge, ainsi qu'une tortue venue reprendre sa respiration près du bateau.

La direction du vent ne nous permet pas de rester parfaitement sur la route et nous oscillerons pendant plusieurs jours entre le nord et le sud de la route sans toutefois dépasser plus de 26 milles d'écart.

Le quatrième navire marchand sera aperçu le 25 mai, croisant notre route 11 milles devant; il semblait faire route vers Hawaï, chevauchant la grande houle du Pacifique.

La mi-parcours sera atteinte le 26 mai en soirée, un peu plus de neuf jours après notre départ; nous croisons alors les doigts pour que le vent se maintienne, ce qui nous permettrait d'envisager une traversée en moins de 18 jours!



Pendant ce temps, le mousse du bord vaque à ses occupations: bains de pieds pour tester la température de l'eau, prise de photos de dauphins, harnachée comme si nous étions force 10, reprise de coutures du pavillon national; bref, parfaitement à l'aise dans ces conditions de mer, elle apprécie comme tout l'équipage cette traversée qui allait être bien plus courte que prévu.


Attaque de poissons volants!

Incroyable mais vrai : le captain fut l'objet par deux fois d'agressions de poissons volants, bien involontaires d'ailleurs de leur part! La première eut lieu le 30 mai; alors qu'il était debout dans le cockpit; il sentit un choc assez violent dans son dos et vit un exocet de la taille d'un maquereau se débattre à ses pieds. Compatissant, il le rejeta à l'eau, mais dut se changer tant l'odeur de ces poissons est forte.
La seconde eut lieu le lendemain dans une circonstance encore plus incroyable : c'est assis dans le carré à l'intérieur du bateau qu'il reçut son deuxième exocet passé… par le capot du pont! Bien entendu, tout l'équipage, d'une grande solidarité dans ces occasions, fut plié de rire, pendant que le captain partit se changer à nouveau.

Il s'en fallut de peu pour qu'une troisième tentative n'aboutisse un jour plus tard, lorsqu'un nouvel exocet vint s'écraser au pied du mât d'artimon à 50 centimètre de ce pauvre captain qui se demandait ce qu'il avait bien pu faire à ces pauvres bêtes pour engendrer un tel acharnement.

Deux problèmes techniques et un troisième ignoré

Il fallut attendre le 1er juin, c'est-à-dire le 14ème jour de traversée, pour connaître notre premier incident technique, la rupture de la drisse du foc d'artimon que le captain récupéra à l'eau durant son quart de nuit. Cette rupture reste un mystère, car elle s'est produite à un endroit où aucun raguage n'avait entamé la drisse. Mais il est vrai que garder ce foc plusieurs jours dans les conditions de vent que nous supportions pouvait avoir laissé des traces…

L'autre incident, survenu l'avant-veille de l'arrivée, fut plus inattendu avec des conséquences plus ennuyeuses : alors que nous avions rechargé les batteries avec l'alternateur d'arbre, nous voulûmes mettre en service le dessalinisateur pour compléter le réservoir d'eau douce. Ce dernier "tirant" beaucoup d'ampères sur le parc de batteries, nous avons mis en route le groupe électrogène pour compenser la consommation avec la production de l'alternateur 24V.

Première constatation, le dessalinisateur ne produisait pas d'eau douce, la pression refusant obstinément de grimper. Le captain descend alors dans la salle des machines pour essayer de trouver la panne et reçoit sur les pieds de l'eau brûlante : il s'agit du liquide de refroidissement du groupe électrogène expulsé par le trop-plein du bouchon à cause d'une surchauffe de ce dernier; il se met d'ailleurs aussitôt en alarme température et Michel l'arrête immédiatement.

Après investigation, il s'avère que le filtre d'arrivée d'eau de mer commun au moteur principal, au groupe électrogène, au dessalinisateur et aux groupes de climatisation s'est désamorcé, sans doute à cause d'une dépression causée par l'autorotation de l'hélice lors de l'entraînement de l'alternateur d'arbre! Pas difficile d'y remédier, sauf que la turbine d'eau de mer du groupe est HS pour avoir fonctionné à sec et que nous n'en avons pas en rechange…Sans groupe, donc sans alternateur 24V, sans chargeur de batterie, voilà qui va nous compliquer la vie pour le maintien de la charge des batteries! Tant que nous avancerons vite à la voile, l'alternateur d'arbre compensera, mais aux futurs mouillages et sans vent, l'éolienne ne sera pas opérante et il ne restera plus que l'alternateur du moteur principal pour charger, sachant qu'un moteur Diesel n'aime pas tourner à vide au risque de glacer les cylindres…

Enfin, ce n'est qu'aux Marquises, lorsque nous appellerons les enfants pour annoncer notre arrivée, que nous apprendrons l'affolement général de nos proches : la balise de positionnement du bateau ne fonctionnait plus depuis dix jours, laissant craindre le pire; qui plus est, nous n'avons jamais reçu non plus leurs messages d'inquiétude sur l'Iridium! La technologie permet des merveilles, lorsqu'elle fonctionne, mais le revers de la médaille, c'est l'inquiétude qu'elle peut provoquer quand elle tombe en panne.

Est-ce le fait de la bouger en voulant l'examiner qui a rétabli un contact défaillant? En tout cas, elle s'est remise à fonctionner aussitôt.

La dernière ligne droite

Les trois derniers jours, la moyenne baissa un peu tout en restant parfaitement honorable : 167 à 173 milles journaliers. Le problème est toujours le même à deux jours de l'arrivée : arrivera-t-on de jour ou de nuit? En fonction de la vitesse du bateau, le GPS indique une heure estimative d'arrivée qui varie fortement en fonction des fluctuations de la dite vitesse.

Finalement, l'approche de l'île Hiva Oa se fera avant le lever du jour; pas une lumière, pas un phare, pas la moindre lueur pour indiquer la présence de cette terre après 3000 milles de mer par une nuit sans lune; à peine devinera-t-on une masse noire que nous longerons jusqu'à la baie de la petite ville d'Atuona, "capitale" de l'île, que nous atteindrons au lever du jour, accompagnés d'un banc de dauphins nous montrant le chemin.

A 6h45 heure locale, nous mouillerons dans le petit port d'Atuona déjà encombré d'une quinzaine de bateaux de toute nationalité; compte tenu de la place restreinte, nous mouillerons comme les autres, avec ancres avant et arrière de manière à éviter… l'évitage lors des changements de direction du vent.


Est-ce l'accoutumance, l'expérience accumulée ou le plaisir que nous avions pris lors de cette traversée, nous ne connûmes pas la même exubérance à l'arrivée que lors des grandes traversées précédentes. J'en connais même qui aurait bien prolongé le plaisir d'être en mer! Nous étions tous simplement satisfait du travail accompli : 3011 milles parcourus en 17 jours 22 heures, à la moyenne générale de 7 nœuds, et nous espérions bien découvrir ces îles à la si merveilleuse réputation en souhaitant que cette dernière ne soit pas surfaite comme celle des Antilles!

Pour les amateurs de statistiques, le tableau ci-dessous indique pour chaque jour la distance parcourue sur la route, la distance parcourue sur le fond, la moyenne du jour et la moyenne depuis le départ.

 JOUR

LOCH GPS

Distance

parcourue

Moyenne

journalière

Moyenne

depuis

le départ 

 Distance

restante

 Distance

parcourue

sur la route

Départ

 1448

  

2977

 

 1

 1555

107

4,46

4,46

2877

100

2

 1695

140

5,83

5,15

2726

151

 3

1854

159

 6,63

5,64 

2569

157 

4

2001

147

6,13 

5,76 

2422 

147

 5

2143 

142 

 5,92

 5,79

2280

142

6

 2300

157 

 6,54

5,92 

2125 

155

7

 2487

187 

7,79 

6,18 

1938

187

 2692

205

8,54

6,48 

1735

203 

2881

189

7,88 

6,63 

1551 

184 

10 

3077

196

8,17 

6,79 

1357 

194

11

3263 

186 

7,75 

6,88

1171 

186 

12

3427

164

6,83

6,87

1008 

163 

13

3600 

173 

7,21 

6,90 

836 

172

14

3782

182

7,58 

6,95

663 

173 

15 

3984 

202 

8,42

7,04

463

200 

16

4157 

173 

7,21 

7,05 

289

174 

17

4324

167

6,96

7,05

131

158

18*

4459

 135

 6,14

7,00

 0

 131

 TOTAUX

 

 3011

   

2977

* Journée de 22 heures

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